Leurs invités se sont faits discrets, mais la Chine tout entière en a parlé : le dîner, en fait un cocktail, organisé, mercredi 29 septembre, à Pékin par Bill Gates et Warren Buffett pour promouvoir la philanthropie, n'est pas passé inaperçu en République populaire, désormais deuxième pays au monde pour le nombre de milliardaires, derrière les Etats-Unis. L'événement a eu lieu à la résidence hôtelière de luxe Château-Lafite, dans la banlieue de Pékin, réplique du château français.
L'initiative des deux hommes, désignés par le sobriquet " ba'bi " en Chine (de bafeite pour Buffett, et bi'er pour Bill), a suscité maints débats dans la presse chinoise, qui s'est penchée sur les obstacles à la philanthropie en Chine - comme les complications bureaucratiques auxquelles sont confrontées les fondations. Ou encore sur le rôle de la fiscalité aux Etats-Unis, et le poids de la religion. Elle a également touché une corde sensible, à un moment où les écarts criants de richesse sont un point récurrent de friction sociale.
Elle aurait en tout cas embarrassé les nouveaux riches chinois : " Les invités ne vont pas savoir quoi faire. S'ils participent et font une donation, ils vont apparaître comme des lâches radins, à qui on a fait la morale. S'ils refusent, c'est encore pire ", avait commenté le China Youth Daily.
Les deux Américains ont assuré qu'ils n'étaient là que pour " discuter de la manière dont les personnes les plus influentes d'une nation pouvaient contribuer au développement d'une culture de la philanthropie ". Seule une fraction des grandes fortunes chinoises y a participé, comme Wang Chuanfu, le patron du groupe automobile dans lequel a investi Warren Buffett, ou encore Zhang Xin, papesse du design bobo de Pékin. Chen Guangbiao, le patron d'une société de recyclage méconnue, est, lui, devenu une célébrité après avoir promis de faire don de toute sa fortune après sa mort.
Un dîner alternatif organisé par des internautes dans un camion garé devant un palace sept étoiles a, lui aussi, défrayé la chronique mercredi soir. Au programme, un menu à 38 yuans (4 euros). La charité, ont-ils expliqué sur Internet, " ce n'est pas un show des riches et des stars " car, le plus souvent, " ce sont les pauvres qui aident les pauvres ". Quatre-vingts convives ont participé au repas. Les deux sièges réservés aux prosélytes américains sont restés vides...
Brice Pedroletti (Pékin, correspondant)