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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

Niches fiscales : le bon grain et l’ivraie

au nombre de 468, elles ont privé l’etat de 75 milliards d’euros l’an dernier
Niches fiscales : le bon grain   et l’ivraie  

La conférence sur les déficits publics qui se tient aujourd’hui marque le début d’une vaste remise à plat des niches

fiscales et sociales. L’occasion, peut-être, de faire le tri entre les bonnes et les mauvaises dépenses et de permettre

à l’Etat d’économiser 5 milliards d’euros au cours des deux prochaines années. Tour d’horizon…

C’est l’une des principales causes de dérapage des finances publiques. Chaque année plus nombreuses, les 500 niches fiscales – 468, pour être précis – sont autant de réductions d’impôt accordées pour soutenir un secteur d’activité (restaurants, promoteurs immobiliers, etc.) ou une catégorie de population (familles nombreuses, sportifs, etc.). La plus ancienne a été créée en 1807, dans l’objectif de soutenir les agriculteurs en cas de perte de récolte ou de bétail. Mais près de la moitié d’entre elles ont été créées ces dix dernières années. Comment expliquer une telle dérive ? C’est que, depuis 2002, l’Etat a soumis l’ensemble de ses dépenses à une norme d’évolution (au rythme de l’inflation), à l’exception des niches fiscales. Conséquence : les ministères dépensiers (agriculture, écologie, logement, etc.) privilégient ce levier pour imposer leurs priorités. Grande gagnante de ce petit jeu, la Corse dispose à elle seule de 16 niches fiscales. Les agriculteurs et les pêcheurs en comptent une cinquantaine, les artistes une trentaine. La conférence sur les déficits, qui s’ouvre aujourd’hui, doit permettre d’en finir avec ce mitage progressif de l’impôt, qui a privé l’Etat de quelque 75 milliards d’euros l’an passé. Une somme non négligeable, puisqu’elle excède le produit de l’impôt sur le revenu payé par les particuliers (54 milliards d’euros). Objectif du gouvernement : économiser 5 milliards d’euros au cours des deux prochaines années. En s’attaquant aux dispositifs les moins créateurs de croissance ou d’emploi. Etat des lieux.

1 La plus coûteuse : TVA rénovation

Elle représente un coût de 5,1 milliards d’euros pour l’Etat. Créée en 1998 pour le logement social et étendue l’année suivante à toutes les habitations, elle croît régulièrement depuis 2000. Le taux réduit de 5,5 % – au lieu de 19,6 % – s’applique à la main-d’œuvre employée (maçons, peintres, etc.) ainsi qu’aux matériaux achetés par leur intermédiaire (vitres, baignoires, etc.). Le premier volet n’est guère contesté : il permet de lutter contre le travail au noir, un fléau dans ce secteur. Ce sont ainsi de 3 à 5 milliards d’euros de travaux supplémentaires par an qui sont déclarés au fisc chaque année, estime Bercy. La mesure aurait même permis la création de 40.000 à 46.000 postes. Elle incite les particuliers à entretenir leur habitat : grâce à elle, le surcroît d’activité du secteur serait de l’ordre de 2 milliards d’euros annuels. Cette disposition n’en reste pas moins onéreuse : elle représente un coût moyen de 40.000 à 50.000 euros par emploi et par an. L’application de la TVA aux matériaux est plus contestée. Elle ne crée pas d’emplois et incite certains artisans à récupérer une partie de la ristourne à leur profit, en augmentant le prix affiché au client. Conséquence : le gouvernement réfléchit à la possibilité de ne plus réserver la TVA réduite qu’à la main-d’œuvre. Un gain potentiel de 1 milliard d’euros pour l’Etat.

2 La plus répandue : pensions de retraites.

Proposé depuis 1977, l’abattement de 10 % sur le montant des pensions de retraites bénéficie à 13 millions de ménages. La prime pour l’emploi arrive en seconde position avec 8,9 millions de contribuables éligibles. L’abattement sur les pensions de retraites est identique à celui proposé aux salariés au titre de leurs frais professionnels – par définition inexistants pour les retraités. « Cette fiscalité dérogatoire n’est plus justifiée puisque les retraités sont aussi riches, voire plus, que les actifs », estime Olivier Ferrand, président de la fondation Terra Nova, proche du Parti socialiste. La mesure est, de fait, loin d’être anodine : elle représente un coût de 2,7 milliards pour l’Etat.

3 La plus exotique : outre-mer

C’est la niche VIP par excellence : privilégiée par les contribuables à très hauts revenus, et pour des montants très élevés, elle permet de réduire son impôt en faisant construire une maison neuve dans les DOM-TOM, ou en souscrivant au capital d’entreprises locales. Le développement de ces territoires justifie, en fait, une multitude de réductions d’impôt : elles sont maintenant plus d’une vingtaine, et représentent un coût de 3,5 milliards d’euros pour l’Etat. Leur bénéfice est hyperconcentré. Ainsi, les 20 plus gros « nicheurs » réduisent leur impôt de 800.000 euros, en moyenne, dont plus de 97 % au titre des investissements outre-mer. Les avantages fiscaux sont tellement considérables que les autres dispositifs en deviennent quasiment anecdotiques. Pour y remédier, les parlementaires ont décidé de plafonner leur bénéfice : à compter de cette année, il ne peut plus dépasser 20.000 euros, plus 8 % du revenu du contribuable. Les niches outre-mer n’en demeurent pas moins une source intarissable de critiques : en début d’année, la Cour des comptes a dénoncé l’absence de « contrôles sérieux » de la part de l’administration. Certains projets d’hôtel sont validés alors qu’ils ne contiennent ni bilan, ni compte d’exploitation, ni estimation des retombées économiques. Certains investissements ne voient même pas le jour, alors qu’ils donnent lieu à réduction d’impôt. La Cour prône une révision complète de ces dispositifs et des contrôles plus stricts.

4 La plus contestée : plus-values de cession

A défaut du bouclier fiscal, qui n’est pas une niche fiscale, c’est l’exonération des plus-values de cession qui a fait couler le plus d’encre cette année. Depuis 2007, les sociétés qui vendent une filiale ne sont plus taxées au titre de leurs plus-values, à condition de l’avoir détenue au moins deux ans. Le coût du dispositif justifie son qualificatif de « superniche ». Il a généré un manque à gagner pour l’Etat de 3,4 milliards en 2007 et de 12,5 milliards en 2008. En 2009, le coût a été deux fois moindre, crise oblige, les entreprises évitant de céder à perte des participations. « Avec une telle mesure, l’Etat subventionne des grandes entreprises qui n’en ont pas besoin. 22 milliards en trois ans, c’est insensé ! », s’insurge Jérôme Cahuzac, le président PS de la commission des Finances de l’Assemblée. De fait, Danone a économisé 500 millions d’impôt sur les sociétés l’an dernier sur la cession de Danone Biscuit. Autres grands bénéficiaires : les fonds de LBO, qui achètent des sociétés pour les revendre quelques années après. Face à la contestation, Bercy défend le dispositif bec et ongles : si les plus-values étaient taxées en France, les opérations de cession se feraient depuis la Belgique ou les Pays-Bas, via des holdings, estime le ministère. L’Etat français ne récupérerait donc rien en impôt. De fait, dans l’OCDE, 21 pays sur 29 pratiquent l’exonération des plus-values. Et depuis que la France a suivi le courant, le nombre de holdings a tendance à s’accroître.

5 La plus verte : chaudières

Le crédit d’impôt développement durable est l’une des niches les plus prisées par les ménages. Plus d’un million d’entre eux y ont eu recours l’an dernier. La mesure leur permet d’améliorer l’efficacité énergétique de leur résidence principale, en isolant leurs fenêtres ou en installant de nouvelles chaudières par exemple. Son coût a quasi doublé en 2009, passant de 1,5 à 2,8 milliards d’euros. Le champ de la mesure évolue chaque année, afin d’orienter le soutien public vers les équipements qui le méritent le plus. « Si un soutien public à hauteur de 50 % se justifie pour des équipements coûteux ne représentant qu’une faible part de marché, un tel niveau se justifie moins lorsque la filière en cause connaît un fort développement », indique-t-on au ministère de l’Ecologie et du Développement durable. Ainsi, les chaudières à basse température ont été exclues du dispositif cette année et les pompes à chaleur vont en être également progressivement écartées. A l’inverse, le crédit d’impôt vient d’être étendu aux travaux d’isolation thermique des parois opaques ainsi qu’aux diagnostics de performance énergétique et aux pompes à chaleur géothermique.

6 La plus gourmande : arbres truffiers

Paradis de la gastronomie, la France cultive ses atouts en encourageant les agriculteurs à développer la culture de la truffe. Depuis 2005, elle exonère tous les bénéfices issus de la culture d’arbres truffiers, pour un coût annuel de 1 million d’euros. L’objectif ? Compenser les aléas de cette activité. En effet, un chêne truffier reste généralement improductif pendant plusieurs années (dix à vingt ans) après sa plantation. Les cycles de production sont ensuite aléatoires. L’Etat encourage ainsi de nouvelles plantations en exonérant pendant quinze ans les bénéfices agricoles issus de cette culture.

7 La plus dissimulée : journalistes

Chaque année, l’Etat décide de « déclasser » des niches fiscales : à mesure qu’elles entrent dans le paysage fiscal, elles sont regardées comme des modalités de calcul de l’impôt, et non plus comme des dérogations au droit commun. C’est le cas de la réduction d’impôt proposée aux journalistes, qui n’entre plus dans la liste des dépenses fiscales. Elle représente pour 2010 environ 50 millions d’euros de manque à gagner pour l’Etat. Elle a été créée en 1934, non pas pour soutenir les rédacteurs, mais les patrons de presse, en leur permettant de payer moins leur personnel. Elle entendait notamment compenser l’absence ou le refus de prise en compte, par la plupart des entreprises, des dépenses engagées par les journalistes dans l’exercice de leur profession. Jusqu’en 1998, les journalistes bénéficiaient d’un abattement de 30 %, qui s’ajoutait à la déduction de 10 % applicable à tous les salaires. Depuis que cette déduction a été supprimée, les journalistes peuvent déduire 7.650 euros de leur revenu, un montant gelé depuis plusieurs années.

LUCIE ROBEQUAIN

Investissements outre-mer, pensions de retraites, arbres truffiers, TVA rénovation... Quatre exemples de réductions d’impôts qui font débat.Yadid Levy / Photononstop / LESCOURRET Jean Pierre / hemis.fr /Jean-Daniel Sudres/PxP-Gallery /PhotoAlto

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