Analyse
Si les niches fiscales sont au coeur de cette rentrée budgétaire, c'est d'abord parce que ces dispositifs constituent pour le gouvernement l'un des éléments clés de son plan de réduction du déficit public sur les trois prochaines années. L'exécutif se refusant à augmenter de façon généralisée les impôts pour engranger plus de recettes, il cherche à diminuer le coût de ces niches, car réduire le manque à gagner occasionné par ces dernières revient, au final, à accroître les rentrées fiscales, mais de façon plus ciblée.
Ces dépenses fiscales - le vrai nom des niches - sont surtout devenues " LE " sujet qui sera au centre des débats lors de l'examen du budget 2011, car leur coût connaît une nette envolée : + 5,2 % par an entre 2000 et 2010, mais + 8,5 % par an depuis 2004. En 2009, la facture a augmenté de 6,2 %, soit 4,7 milliards d'euros (à périmètre constant et hors plan de relance). Beaucoup plus que les 4,8 % et les 2,8 milliards d'augmentation initialement prévus !
Prétendre que, une fois ces dispositifs fiscaux lancés, on n'en maîtrise plus totalement l'évolution et ce qu'ils coûtent à l'Etat en moindres recettes, c'est sans doute aller un peu loin. Mais le risque est là. C'est bien le sens de la mise en garde faite par la Cour des comptes en mai et en juin, qui prévenait : " Il est nécessaire d'encadrer le coût des dépenses fiscales. "
Le dérapage du coût des niches tient au fait qu'elles sont devenues, pour les gouvernements successifs, un instrument de politique publique facile. Non seulement elles permettent de cibler certaines catégories de contribuables, ce qui, au-delà d'un impact économique potentiel, peut toujours servir politiquement. Mais, surtout, elles permettent de " s'exonérer des contraintes " qui pèsent sur l'évolution des dépenses publiques, comme le déploraient les députés de la commission des finances en 2008. La norme " zéro volume " (progression calée sur celle de l'inflation), imposée à partir de 2001 à la dépense publique, ne s'applique en effet qu'aux crédits budgétaires, pas aux dépenses fiscales.
Or, la hausse du nombre et du coût des niches, constatée depuis le milieu de la décennie, " coïncide " avec l'instauration de cette norme, comme l'a relevé la Cour des comptes. " Plus de 200 " des quelque 500 dispositifs classés comme des niches " ont été créés depuis 2000 ", pointait le rapport de la commission des finances de l'Assemblée, estimant que la " tendance " à la " substitution des dépenses fiscales à des crédits budgétaires " était " inquiétante ".
Endiguer leur coût
Pourtant, une règle existe, qui vise à limiter le développement des niches. " En application de la loi de programmation des finances publiques, les créations et extensions de dépenses fiscales doivent être compensées par des suppressions ou diminutions pour un montant équivalent ", a rappelé la Cour des comptes en juin. Mais elle n'est pas vraiment respectée, ce qui a conduit la juridiction financière a lancer à l'intention du gouvernement : " Elle doit désormais l'être. "
Dans le cadre de la conférence sur les déficits, en mai, l'exécutif a annoncé que toutes les décisions relatives aux mesures fiscales, y compris les niches donc, devront désormais passer par le seul filtre du projet de loi de finances (le budget) et ne plus être insérées dans d'autres projets de loi. Cela suppose une modification de la Constitution. Même si cette disposition est votée, sera-t-elle suffisante pour endiguer l'évolution du coût des niches ?
Philippe Le Coeur