Jeunes urbains, femmes actives et seniors sont déjà les cibles les plus prometteuses
A Shanghaï, Chen Jun, jeune journaliste branché se fait souvent rappeler à l'ordre par ses parents. " Ils n'arrêtent pas de me dire : ne dépense pas trop ! Mets de l'argent de côté ! Mais les jeunes sont comme fous vous savez. Ils veulent s'amuser. La Chine change si vite, il y a tellement de choses dans les magasins qui n'existaient pas avant ", s'exclame-t-il.
Si Chen Jun n'est pas un modèle pour ses parents, il en est un pour le pays et pour la poursuite du " miracle chinois ". Après une croissance explosive de 11,9 % en rythme annuel au premier trimestre 2010, la dynamique chinoise menace de s'essouffler. En cause : un modèle de développement encore trop focalisé sur l'industrie aux dépens de la consommation.
Potentiel énorme
" Les dépenses d'investissement représentent près de la moitié du PIB chinois, c'est trop, on atteint la limite ", estime Xu Bei, économiste chez Natixis. Pour éviter la surchauffe, Pékin prend des mesures pour ralentir le moteur industriel. Jeudi 1er juillet, le nouveau recul de l'indice des directeurs d'achat (PMI) a confirmé la décélération de croissance du secteur manufacturier. Résultat : les économistes révisent à la baisse leurs prévisions de croissance pour 2010 faisant état d'un atterrissage en douceur (soft landing) de l'économie chinoise. Mais les marchés redoutent un mouvement plus brutal qui, par ricochet, compromettrait toute la reprise mondiale. Comment éviter un tel scénario ? Le jeune Chen Jun fait partie de la solution. Depuis 2005, le président Hu Jintao, a décidé de mettre l'accent sur la consommation. Pékin multiplie les mesures en ce sens et depuis quelques mois " les choses sont devenues plus sérieuses ", estime Mme Xu.
Dans vingt provinces le salaire minimum a été relevé de 20 % et le nombre de bénéficiaires de l'un des trois systèmes de couverture santé existants a été augmenté. En 1999, aucun Chinois n'était couvert, contre 90 % aujourd'hui et le gouvernement veut hisser ce ratio à 100 %. L'Etat tente aussi de freiner la spéculation sur le marché immobilier, placement favori des ménages avec la Bourse. Objectif : épargner moins pour consommer plus.
L'enjeu est crucial, le potentiel énorme. Les jeunes urbains sont déjà une cible prometteuse. Férus d'Internet et de nouvelles technologies ils ne consacrent que 20 % et même parfois 0 % de leurs revenus à l'épargne de précaution, contre 30 % pour le reste de la population, indique Kunal Sinha, chargé d'étudier les tendances de la consommation en Chine pour le cabinet Ogilvy à Shanghaï. N'ayant jamais connu de véritable crise, " ils ont totalement confiance en l'avenir et sont persuadés qu'ils gagneront plus d'argent année après année ", explique-t-il. Certains restent même habiter tardivement chez leurs parents afin d'économiser un loyer et dépenser plus. Reste à cerner les goûts de ces jeunes, très souvent enfants uniques, volatils qui ont gardé le réflexe de marchander.
La jeunesse n'est pas la seule à se mettre à consommer. Les femmes actives, qu'on appelle les " offices ladies " et les seniors, les Chinois de plus de 55 ans, sont aussi des cibles de choix. Les premières seraient prêtes à faire des kilomètres pour s'offrir un sac Vuitton, un " must " en Chine. Les seconds, dont le revenu a été multiplié par 30 dans les grandes villes, depuis 1978, eux, accueillent avec bienveillance la modernité. Ils se sont adaptés aux nouveaux formats de magasins tels les super et hypermarchés. Selon un sondage réalisé pour le cabinet Ogilvy, 84 % et 96 % des seniors habitants respectivement à Shanghaï et Pékin font du shopping régulièrement.
Jeunes urbains, " office ladies " et seniors ont contribué à faire grimper les ventes de détail en Chine de 15,5 % en 2009 et pourraient les hisser encore de 18 % ou 19 % en 2010, prédisent les experts.
Mais cela ne suffit pas. Les autorités doivent aussi s'atteler aux " oubliés de la croissance ", les habitants des campagnes et des villes moyennes. Quand en zone urbaine, le revenu annuel moyen des ménages était de 18 858 yuans (2 232 euros) en 2009, il était trois fois moindre (6 270 yuans) en zone rurale. Un rapport de l'école d'économie d'Hanken en Finlande, intitulé de " Mao au matérialisme " rapporte que dans le Nord-Est et le Nord-Ouest de la Chine, des provinces comme le Heilongjiang, le Shanxi, la Mongolie intérieure ou le Tibet n'ont pas connu les réformes du pays. " Ils ont dix ans de retard par rapport à Pékin ou Shanghaï ", note un analyste.
Autrement dit la bascule de l'économie chinoise vers une société de consommation prendra du temps. " Au moins trois ou quatre ans ", estime l'économiste Mme Xu. Et, " dans le meilleur des cas ", dit-elle, cette transformation se traduira par une progression de la part de la consommation dans le PIB chinois de 35 % aujourd'hui à 40 % en 2014. A titre de comparaison, ce ratio est de plus de 65 % aux Etats-Unis.
Claire Gatinois
" Je suis très préoccupé par la Chine. " Le président du groupe General Electric (GE), Jeffrey Immelt, a accusé Pékin de protectionnisme à l'égard des multinationales étrangères, lors d'un dîner avec des chefs d'entreprise italiens, rapporte le Financial Times, vendredi 2 juillet. Le PDG a dit y être confronté à ses pires conditions de travail depuis vingt-cinq ans. La Chine représente 5,3 milliards de dollars (4,2 milliards d'euros) du chiffre d'affaires de GE, soit 3,5 % du total. M. Immelt réfléchit à se développer sur d'autres marchés comme l'Afrique, l'Amérique latine...
Toute la stratégie des pays à forte croissance (Chine, Singapour, etc.. ;) repose sur l’épargne domestique ( comme le montre Akerlof dans son dernier livre – les esprits animaux- ) .
Que signifie ce changement pour la chine.
A suivre