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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

Pour les femmes, une double peine

Pour les femmes, une double peine

 

Si l'on prend en compte la totalité de leurs droits, les femmes retraitées de plus de 60 ans touchent en moyenne 1 020 euros par mois, alors que les hommes touchent 1 636.Cette inégalité (38 % de moins pour les femmes) est encore plus forte que celle des salaires (27 % de moins). Il faut dire que la retraite est un cumul de peines pour les femmes. Elle est le miroir d'un moindre salaire, d'un moindre temps de travail entrecoupé de périodes d'inactivité plus longues.

Le rafistolage de fortune que nous propose le gouvernement pour masquer les déficits jusqu'à l'élection présidentielle ne met pas cette inégalité sérieusement à l'ordre du jour. Et pour cause. Son projet de réforme ne cherche pas à retrouver le sens du système de retraite ni à prendre en considération la réalité concrète des situations vécues. S'attaquer à l'inégalité des retraites entre hommes et femmes nécessite un débat de société de vaste ampleur, mené dans un climat de confiance collective. Pourquoi ?

Parce que les inégalités de retraite entre hommes et femmes apparaissent comme des injustices dès lors que l'on accepte que la contribution au développement de la société dépasse largement la cotisation aux caisses de retraite. Or, si les femmes ont encore un taux d'activité de 10 points inférieur à celui des hommes, ce n'est en général pas pour se tourner les pouces, mais pour accomplir les tâches essentielles à la survie de notre société et de nos valeurs : soin des enfants, soutien aux parents devenus dépendants, gestion des tâches domestiques. Mais constater cela, ce n'est pas l'accepter. Oui, il faut partager mieux les charges à la maison. Oui, il faut contraindre à l'égalité des salaires entre hommes et femmes. Oui, il faut des accommodements de droit et des services publics qui permettent aux deux parents de mener de front un travail émancipateur et une vie familiale épanouissante.

Les modalités actuelles de calcul des retraites correspondent à un modèle de référence qui date du siècle dernier : celui d'une famille où seul l'homme travaillait et où les droits sociaux de la femme dérivaient de ceux de l'homme. Certains ont pu à cet égard parler de " modèle hiérarchique ".

Rapport cotisation et pension

C'est ainsi que notre système consacre 14 % des dépenses de retraite totales, soit 30 milliards d'euros, aux pensions de réversion. Sans cela, ce ne serait pas 38 %, mais 52 % de moins que les femmes retraitées toucheraient ! Nous ne partons donc pas de rien. Nos prédécesseurs n'ont pas sous-estimé l'importance du rôle des femmes dans le maintien de la société. Mais ils l'ont fait en fonction d'une famille type qui appartient au passé. D'autres pays ont fait d'autres choix - par exemple le " splitting ", qui fait masse des droits à la retraite acquis par l'homme et par la femme pendant la durée de l'union et les partage également entre eux.

Depuis, pour des raisons financières, la tendance a été au durcissement du rapport direct entre cotisation et pension. Inéquitable pour les femmes, cette tendance réduit subrepticement la contribution à la société à la simple cotisation sur le salaire. Cette individualisation stricte des droits à la retraite n'est source ni de liberté ni de justice. Les parcours de vie sont de plus en plus divers, par choix ou par nécessité. Nous ne pouvons pas les trier en fonction du seul critère de la cotisation salariale.

Poser politiquement et non comptablement la question des retraites oblige à clarifier ce que nous mettons derrière le mot famille. A considérer la prise en charge de la dépendance d'un proche comme quelque chose d'utile à la société et non comme un détournement improductif du salariat.

A se rappeler que la fécondité, dont notre pays s'enorgueillit à juste titre et qui allège les futurs déficits de la retraite, dépend aussi beaucoup des politiques publiques de petite enfance, qui sont encore loin de couvrir tous les besoins. A confirmer surtout que l'accès aux droits doit rester universel et que la carte bancaire ne doit pas remplacer la carte d'identité.

C'est une adhésion volontaire de notre société qui seule peut produire une réforme réelle, juste et efficace de notre système de retraite pour la génération qui vient. Anxiogène et défiant, le gouvernement actuel n'est plus en situation d'y parvenir. C'est désormais de la responsabilité de la gauche, en 2012, de construire le consensus nécessaire à la refondation des retraites, porteuse de sens et d'avenir.

Marylise Lebranchu Catherine Coutelle

 

Députée (PS) du Finistère

Députée (PS) de la Vienne

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