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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

Pour un nouveau consensus économique

Le point de vue d’Olivier Ferrand
Pour un nouveau consensus économique  

Le FMI et l’Organisation internationale du travail (OIT) viennent de tenir à Oslo un sommet conjoint, le premier de leur histoire, auquel Terra Nova était  convié. Les deux institutions y ont tiré la sonnette d’alarme : le chômage de masse pourrait bien devenir le prochain fléau de la mondialisation.Les chiffres sont alarmants. Ils sont la conséquence, bien sûr, de la crise  fi nancière, qui a métastasé en crise  éco nomique puis sociale. Le chômage a augmenté de 30 millions de personnes depuis 2008, pour atteindre aujourd’hui 210 millions, soit 7 % de la population active mondiale. Les trois quarts de cette hausse sont localisés dans les pays développés, avec un bond de 3 points de leur taux de chômage (contre 0,25 point seulement dans les pays émergents). C’est aussi la conséquence d’une démographie mondiale dynamique. Le marché du travail va devoir absorber près de 500 millions de nouveaux entrants dans les dix ans qui viennent.Les risques de destruction du capital humain mondial sont sérieux. Des études américaines, citées par le FMI et l’OIT, soulignent les pertes de long terme. Une personne licenciée subit ainsi : une chute de 20 % en moyenne sur l’ensemble de ses revenus futurs ; une perte d’un an de son espérance de vie ; une baisse de 10 % des revenus de ses enfants.Ces risques sont critiques pour les jeunes. Le taux de chômage des jeunes est déjà particulièrement élevé : 13 % au niveau mondial – 80 millions des jeunes de la planète sont chômeurs. Ils sont la variable d’ajustement de la crise. Le  chômage des jeunes a bondi en France de 20 à 25 %. En Espagne de 20 à 40 % ! Et cinquante millions supplémentaires vont donc arriver chaque année sur le marché du travail. Comme l’a souligné Dominique Strauss-Kahn à Oslo se profile le spectre d’une « génération perdue ».Que faire pour l’éviter ? Les préconisations entendues à Oslo sont « non conventionnelles », comme on dit pudiquement dans le jargon des institutions financières internationales.1.Le soutien des finances publiques à l’économiedoit se poursuivre. La consolidation budgétaire, nécessaire pour  conjurer le surendettement des Etats, doit être progressive. Elle ne doit pas  commencer avant 2011, ni dépasser 1,25 point de déficit, sous peine d’as phyxier la reprise de la croissance.2. La coordination des politiques économiquespendant la crise a permis d’éviter une grande récession de type années 1930. Elle doit se poursuivre pour piloter la reprise et éviter toute rechute. Le keynésianisme dans un seul pays a été invalidé par la mondialisation. Il renaît dans le cadre de la coopération internationale. A cette aune, la perte de dynamique du G20, manifeste au dernier sommet de Toronto, ne laisse pas d’inquiéter. La présidence française du G20, en 2011, sera cruciale.3. La mobilisation d’un nouvel outiliconoclaste doit être envisagée : les politiques salariales. Ces trente dernières années sont en effet marquées par un phénomène majeur : la stagnation des salaires des classes moyennes. La répartition de la valeur ajoutée a été captée par le capital au détriment du travail : un point de croissance supplémentaire n’entraîne plus que 0,75 point de hausse salariale, les salaires n’évoluent plus au rythme de la productivité. Et, au sein des salaires, les inégalités dans la distribution des revenus ont explosé. En 1980 aux Etats-Unis, les 1 % les plus riches concentraient 8 % des revenus ; ils en siphonnent aujourd’hui 24 %. Au-delà des questions de justice sociale, ces déséquilibres sont une des causes du ralentissement économique occidental. Ils expliquent l’atonie de la consommation, et donc de la croissance. Ils ont suscité des politiques insoutenables de maintien artificiel du pouvoir d’achat des ménages : via le surendettement privé et les « subprimes » aux Etats-Unis ; via l’endettement public et les  prestations sociales en Europe. La compression salariale a été le principal outil de compétitivité externe pour certains grands pays exportateurs, Chine et  Allemagne notamment, aboutissant à des surplus extérieurs massifs et des  déséquilibres globaux déstabilisants. Sauvegarder le pouvoir d’achat des classes moyennes passe par une série de leviers : l’activation du salaire minimum, des syndicats forts et des négociations réussies pour assurer une grille salariale dynamique et la redistribution fiscale des plus hauts revenus. L’OIT et le FMI invitent tout particulièrement les pays à surplus extérieurs élevés, Allemagne et Chine en tête, à accroître leur demande interne par une hausse des salairesL’économie internationale a longtemps été marquée par le « consensus de Wa shington », un mix néolibéral mêlant discipline budgétaire, libéralisation et dé régulation unilatérales, rigueur salariale. Les réflexions actuelles font émer- ger des prescriptions post-keynésien- nes : volontarisme budgétaire, coor dination in ternationale, expansion salariale. L’émergence, peut-être, d’un nouveau « consensus d’Oslo ».Olivier Ferrand est président de Terra Nova

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