Les déclarations que j’ai faites récemment sur les questions controversées des stock-options et des retraites chapeaux méritent d’être précisées, notamment au regard des projets du gouvernement.S’agissant, tout d’abord, des stock-options, je relève qu’il est envisagé d’en alourdir la taxation de 1 % au moment de la levée des options. Sans contester le bien-fondé de cette mesure, je pense qu’il serait plus expédient de supprimer purement et simplement les stock-options elles-mêmes. Dans la pratique des grandes entreprises, elles ont, d’ores et déjà, quasiment disparu, eu égard aux conditions de performance auxquelles leur attribution est désormais, comme pour les actions gratuites, subordonnée. La suppression des options prendrait acte d’un état de fait. Du moins un symbole devenu fâcheux, puisqu’assimilé à une spéculation sans risques, serait-il relégué dans le passé.Pour ce qui est des actions gratuites, issues de la proposition de loi que j’avais fait adopter il y a six ans, on peut se résigner à voir leur taxation aggravée de 1 %. Prenons garde toutefois que la distribution d’actions gratuites ne soit pas découragée pour autant. Il s’agit là d’un levier essentiel à la diffusion de l’actionnariat salarié, encore trop peu développé dans notre pays. C’est pourquoi je souhaite le maintien d’une taxation incitative pour la distribution d’actions gratuites.Reste la question des retraites chapeaux. En l’état actuel du droit, les revenus qu’elles procurent sont taxés, entre les mains de leurs bénéficiaires, au taux de l’impôt sur le revenu applicable à chacun d’eux. Il est prévu qu’à cette imposition vienne s’ajouter une taxation spécifique de 14 % à la charge du pensionné.Je souhaite que l’on réfléchisse à la portée de cette mesure. Certes, l’anomalie propre aux retraites chapeaux tient au fait que leurs attributaires n’ont supporté le poids d’aucune cotisation et que c’est, en quelque sorte, l’entreprise qui cotise entièrement à leur place. Cette particularité peut s’expliquer, dès lors qu’il s’agit d’allouer aux cadres de l’entreprise une sorte de retraite complémentaire. Il n’y a rien là de choquant et je souhaite que l’on ne pénalise pas les nombreux cadres qui bénéficient de ce système au seul motif qu’il convient de mettre un terme aux privilèges exorbitants dont peuvent jouir certains mandataires sociaux. Car c’est bien pour cette dernière catégorie – et pour elle seule – que s’impose le besoin d’une législation spécifique. Les mandataires sociaux bénéficient parfois, on le sait, de salaires importants, dont les montants peuvent défrayer la chronique. Plus discrets sont les avantages qu’ils se font attribuer, à vie, sous forme de retraites chapeaux, pour des montants dont je m’étonne qu’ils ne retiennent pas davantage l’attention. C’est sur ce point qu’il y a lieu d’engager la réflexion, afin de mettre au jour une législation adaptée.En d’autres termes, il existe plusieurs manières de faire en sorte que les dirigeants et les salariés des entreprises tirent avantage de la prospérité dont ils sont les artisans ; car, par le biais de l’impôt, c’est la collectivité tout entière qui en bénéficie. Mais la prospérité n’est pas l’ennemie de la justice, bien au contraire. J’incline même à penser que l’une et l’autre sont indissociables.Edouard Balladur est ancien Premier ministre.