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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

Quel prix, la civilisation ? Andrew Simms

Quel prix, la civilisation ?

Vendre des permis d’émission de gaz à effet de serre semblait à une bonne idée. Mais cela ne fonctionne pas, en raison d’une faille essentielle.

19.11.2009|Andrew Simms*|

Le Fonds spécial d’adaptation aux changements climatiques, qui a été établi lors de la conférence de Bali, en décembre 2007, est censé être alimenté par deux sources de revenus : une taxe de 2 % sur les mécanismes de développement propre (MDP) – dont certains crédits carbone – et les dons que les pays riches versent sur une base volontaire. La taxe de 2 % devrait rapporter au moins 1,6 milliard de dollars d’ici à 2012. Mais jusqu’ici les dons ne se sont pas matérialisés.

Un jour, les énergies renouvelables ont tous les atouts d’une industrie en pleine expansion et, le lendemain, on crie haro sur des installations de panneaux solaires. Qu’est-ce qui a changé ? Le prix du permis d’émission du dioxyde de carbone.

En 2005, l’Union européenne a mis en place le premier marché du carbone digne de ce nom, le Programme d’échange de quotas d’émissions, qui oblige les industries les plus polluantes à acheter des permis d’émission de CO2. [Le programme concerne environ 11 500 ins­tallations européennes, responsables d’à peu près la moitié des émissions de CO2 de l’UE. Parmi les principaux gaz à effet de serre, seul le CO2 est pour l’instant concerné par ce programme.] Le nombre de permis étant limité, le principe veut que l’offre et la demande fixent un prix propre à encourager le développement d’une économie faiblement émettrice de carbone. Une échelle de progression des prix sans fluctuations brutales envoie un signal économique incitant à investir dans les énergies propres. Un seul hic : ça ne marche pas.

Le prix de la tonne de CO2 sur ce marché européen a connu des fluctuations considérables – atteignant des sommets pour ensuite s’effondrer du jour au lendemain. Depuis un an, il est passé de plus de 30 euros à 8 euros, et il se maintient désormais autour d’une quinzaine d’euros. Des prix tellement faibles et imprévisibles qu’ils n’incitent pas à raisonner en termes de décarbonisation.

La crise économique n’est pas totalement étrangère à ce phénomène. A l’heure où les industries lourdes font tourner leurs usines à faible régime, la consommation d’énergie diminue et la demande de permis d’émission suit. Parallèlement, les entreprises tentent de gagner de l’argent en revendant leurs droits à polluer inutilisés, inondant par là même le marché et provoquant une nouvelle chute des cours. Ce qui se traduit par un coup d’arrêt porté aux divers projets en faveur d’une énergie verte.

Il existe en outre un problème que personne ne peut résoudre. Je l’appellerai le paradoxe de l’économie verte. Toutes les méthodes visant à fixer le prix des quotas de carbone débouchent sur la création d’un marché nous permettant de polluer au-delà d’un point de basculement aux conséquences catastrophiques. En d’autres termes, elles exigent que nous mettions un prix à la dernière tonne “assassine” de CO2 qui, une fois émise, provoquera un emballement du réchauffement planétaire. Comment pouvons-nous fixer un tel prix ? Cela revient à se demander quel est le prix de la civilisation !

Ce paradoxe met en évidence la faille fondamentale des solutions de marché aux problèmes environnementaux. Ces marchés du carbone ne peuvent en effet nous sauver que s’ils fonctionnent dans le cadre d’un système mondial de plafonds de carbone suffisamment bas pour limiter la hausse des températures à <st1:metricconverter productid="2ᅠᄚC" w:st="on">2 °C</st1:metricconverter> par rapport aux températures de l’ère préindustrielle.

Les Etats sont là pour compenser les défaillances du marché, mais ils semblent faire l’impasse sur les Bourses du carbone. Ils pourraient compenser l’impact des cours trop bas des permis d’émission de carbone en investissant dans les énergies renouvelables dans le cadre de leurs programmes de relance économique. Mais, pour l’heure, ils ne l’ont pas fait. Pendant <st1:personname productid="la Seconde Guerre" w:st="on">la Seconde Guerre</st1:personname> mondiale, pour empêcher une surconsommation de ressources clés comme les hydrocarbures, le gouvernement britannique avait préféré le rationnement à la taxation, parce que la taxation touchait de façon injuste les pauvres et était trop lente pour modifier les comportements. Le rationnement était la solution plus rapide et plus équitable. De la même façon, les quotas de carbone calculés en fonction d’un plafond raisonnable des émissions globales constituent une façon plus sûre d’atteindre les objectifs des émissions. Y a-t-il une réponse au paradoxe de l’économie verte qui pourrait rendre viable l’approche du marché ? Je n’en vois aucune, mais je suis ouvert à toute suggestion. A supposer même que l’on puisse tarifer la tonne “assassine”, c’est là une transaction qui ne devrait en aucun cas être autorisée. L’économie se tire dans le pied si elle est là pour rationaliser un échange qui hypothèque l’avenir de l’humanité.


* Directeur politique du programme sur le changement climatique de <st1:personname productid="la NEF" w:st="on">la NEF</st1:personname> (New Economist Foundation).

Radins

Le Fonds spécial d’adaptation aux changements climatiques, qui a été établi lors de la conférence de Bali, en décembre 2007, est censé être alimenté par deux sources de revenus : une taxe de 2 % sur les mécanismes de développement propre (MDP) – dont certains crédits carbone – et les dons que les pays riches versent sur une base volontaire. La taxe de 2 % devrait rapporter au moins 1,6 milliard de dollars d’ici à 2012. Mais jusqu’ici les dons ne se sont pas matérialisés.

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