Aide aux personnes âgées, travaux de ménage, garde d'enfant à domicile : née dans les années 1990, la politique de soutien aux services à la personne pèse lourd dans le budget de l'Etat. Selon un rapport du sénateur centriste Joseph Kergueris, les aides fiscales et sociales consacrées à ce secteur coûteront, en 2010, 5,8 milliards d'euros, dont près de 3 pour le seul crédit d'impôt sur les salariés à domicile. Une politique " plutôt dispendieuse " dont le bilan est à la fois " contrasté et incertain ", constate le sénateur avec un brin de perplexité.
Le " coeur historique " de cette politique date de 1991 : cette année-là, une réduction d'impôt est accordée aux familles qui emploient du personnel à domicile. L'effort public est ensuite amplifié par le plan Borloo de 2005, qui consacre pour la première fois la notion de " services à la personne " : sont désormais concernées des activités aussi diverses que le portage des repas, l'assistance informatique ou la coiffure à domicile. L'objectif est ambitieux : il s'agit de créer 500 000 emplois " non délocalisables " dans les trois ans.
Depuis, le secteur des services à la personne s'est incontestablement développé : de 2005 à 2009, il a crû sensiblement plus vite que le PIB, passant de 0,73 % à 0,92 % de la valeur ajoutée de l'économie. Les aides fiscales et sociales ont permis de réduire le travail au noir, d'amorcer la professionnalisation du secteur et d'accompagner l'aspiration à une meilleure qualité de vie : ces services favorisent, par exemple, le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes.
" Stade critique "
En termes d'emploi, les promesses du plan Borloo n'ont en revanche pas été tenues. Selon l'Observatoire de l'emploi et de l'activité dans les services à la personne, seuls 82 000 équivalents temps pleins ont été créés de 2006 à 2008. " Il résulte une moyenne annuelle de 28 000 emplois créés sur cette période, de peu de rapport avec les "100 000 emplois de proximité non délocalisables " annoncés - par le gouvernement dans son bilan du plan Borloo - ", constate à regret le rapport sénatorial.
Selon M. Kergueris, ces créations d'emplois ne sont d'ailleurs pas liées à l'attrait des niches sociales et fiscales, mais à un effet d'aubaine " massif ". " Une partie des dépenses publiques a été consacrée à subventionner des emplois existant avant leur introduction ", analyse-t-il. Même constat pour le relèvement du plafond de la réduction d'impôts en 2003 : cette mesure onéreuse a eu un " faible " impact sur la création d'emplois, constate un document de la Direction générale du trésor rédigé en 2009 par Clément Carbonnier.
Enfin, les niches fiscales ont, souligne M. Kergueris, l'inconvénient majeur de créer des " effets anti-redistributifs évidents ". Ces aides bénéficient en effet en priorité aux familles les plus fortunées : seuls 7 % des ménages - ceux qui affichent les revenus les plus élevés - font appel à ces services. " La consommation de services à la personne reste très faible voire pratiquement nulle jusqu'au dernier décile de la distribution des revenus - les 90 % des foyers les moins riches - , note M. Carbonnier. Ensuite - chez les 10 % les plus riches - , la consommation est très fortement croissante avec le revenu. "
Le rapport du sénateur Kergueris conclut que ces aides fiscales et sociales sont parvenues à un " stade critique ". " Le coût du soutien public pose un problème de soutenabilité dans le temps, la professionnalisation et la structuration attendue peinent à se diffuser tandis que le nombre et la qualité des emplois créés déçoivent selon certaines approches ", conclut-il. Un constat d'autant plus amer que le coût de cette politique explose : de 2005 à 2010, la perte de recettes pour l'Etat est passée de 3,5 à 5,8 milliards, soit une progression de 66 %.
Anne Chemin