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Expliquer la finance et l'économie par un praticien. Participer a la compréhension d'une matière d'abord difficile mais essentielle pour le citoyen.

Trente ans de récréation !

Trente ans de récréation !

Réveil pénible et salutaire

La France vit depuis plus de trente ans au-dessus de ses moyens, en travaillant moins tout en dépensant plus grâce aux déficits publics dont l'ampleur abyssale menace. Ces déficits sont impuissants à faire repartir la machine : avec 8 % de points de PIB de déficit, on fait moins de 1,5 % de croissance, un peu comme si l'on arrosait avec une eau chère (il faudra la payer) dont plus des quatre cinquièmes seraient perdus dans les sables du désert ! Lorsque la dette publique représente 80 % du PIB, avec un remboursement qui absorbe chaque année 2,5 % du même PIB, soit presque deux fois plus que le taux de croissance annuel moyen, alors il est temps de siffler la fin de la récréation !

C'est ce qu'a commencé à faire le gouvernement de Nicolas Sarkozy, depuis le printemps, avec une rigueur qui n'a pas (encore) conduit à baisser les salaires des fonctionnaires, mais marque néanmoins un tournant de politique économique qui n'est pas sans rappeler celui effectué par Jacques Delors en 1983. M. Sarkozy avait promis la rupture : on y est, mais pour les classes moyennes et non pour les catégories supérieures, dont les revenus et le patrimoine, grâce aux niches fiscales, ne sont (pour l'instant) guère affectés.

Si le partage de l'effort reste aussi injuste, le risque d'explosion sociale nous guette. Le débat sur les inégalités de statut a été repoussé car les injustices y sont plus criantes : d'un côté des fonctionnaires intouchables, de l'autre des travailleurs soumis à la flexibilité, voire à la précarité. Dommage que l'on n'ait pas profité du débat sur les retraites pour les mettre à plat en instaurant, par exemple, le fameux contrat de travail unique qu'avait promis M. Sarkozy. En 1983, il s'agissait de savoir si l'on restait arrimé à l'Europe, maintenant le virage à réussir est plus douloureux : mériter de rester dans la zone euro et ne pas finir comme la Grèce, reléguée à un pays du Club Med.

Gisement potentiel d'économie

La réforme des retraites entamée par le gouvernement en 2010 n'est qu'une première étape pour donner un gage de bonnes intentions et des signes aux marchés. On dénonce souvent les spéculateurs, mais le meilleur moyen de lutter contre la spéculation est de supprimer ses raisons d'être : nos comportements non vertueux et irresponsables vis-à-vis des générations futures. Mais le chemin à parcourir pour ramener les déficits publics à moins de 3 % d'ici à 2013 va conduire à des choix et à des renoncements auxquels notre corps social, qui a vécu sous morphine depuis le premier choc pétrolier, n'est pas du tout préparé.

Le message est clair, demain il va falloir travailler plus, et tous, afin de ne pas voir baisser notre niveau de vie. C'est toute la politique d'assistanat qui va se retrouver sur la sellette. Nous vivons bien un chômage d'abondance qui a quadruplé depuis 1975, alors que le PIB a doublé. Ce constat est aussi une bonne nouvelle car il ne s'agit pas de mieux gérer la pénurie : la mauvaise gestion de l'abondance nous invite à repenser complètement nos modes d'organisation et de comportements.

Dire que nos dépenses publiques par rapport au PIB sont de 6 points supérieures à la moyenne communautaire (54 % du PIB au lieu de 48 %), c'est dire que nous avons un gisement potentiel d'économie de l'ordre de 120 milliards d'euros ! Il ne s'agit pas de réduire le champ de l'action publique, bien au contraire. Dans certains domaines - éducation, santé, logement, sécurité, justice -, il faut la renforcer en la rendant plus efficace.

Et pour cela, il n'y a qu'un seul remède : celui de l'évaluation des politiques publiques nationales et territoriales, en s'attachant à ne pas confondre service public et statut public des agents qui le rendent. Il est en effet possible de confier des services publics à des entreprises privées sous contrat. Si ce dernier n'est pas respecté, la collectivité peut changer de prestataire.

Immigration nécessaire

Dans le monde d'après la crise de 2008-2010, tout va changer. L'Europe, plombée par la dette et la croissance molle du vieillissement, dans un monde globalement en expansion économique et démographique, devra s'adapter au partage de ressources naturelles toujours plus chères. Cette même Europe devra aussi gérer l'intégration des 25 millions de personnes qui vont lui faire défaut d'ici à 2030.

L'Allemagne perd déjà 300 000 autochtones par an en raison de cercueils plus nombreux que les berceaux. L'Italie et l'Espagne sont promises à la même perspective. Nous n'avons pas le choix, cette immigration est nécessaire, il faut la réussir, ce qui est loin d'être le cas dans nos grandes métropoles. Ce défi intérieur est bien plus important et difficile à relever que celui de l'économie, de la technologie ou de la compétitivité vis-à-vis du reste du monde. On ne gagnera pas ces défis communs à tous les pays développés dans une société déchirée et sous tension comme la nôtre.

Les divisions internes et l'incapacité des managers à innover expliquent le plus souvent les difficultés des entreprises. Le même constat vaut pour les Etats et les dirigeants des partis dits de gouvernement, jusqu'ici incapables d'aller jusqu'au bout des réformes. Pour cesser de gouverner par la peur et restaurer l'Etat de droit, il faut plus de clairvoyance et d'interventions préventives dans l'éducation des jeunes qui n'ont pas la chance d'être éduqués par des parents attentifs. Quand les familles sont défaillantes, l'Etat stratège se doit d'intervenir pour maintenir la mixité sociale, l'égalité des chances, et restaurer l'harmonie et la qualité de vie sans lesquelles il ne peut y avoir de compétitivité durable.

Michel Godet

Professeur de prospective stratégique au CNAM auteur du " Courage du bon sens " (Odile Jacob, 2009)

On prête aussi a Michel Godet ( entres autres) l’idée du travailler plus ( la défiscalisation des heures supplémentaires, c’est lui, mais il avait aussi prévenu de mieux encadrer la loi pour éviter les « effets d’aubaine », qui finalement plombent cette loi.).

En fait faut éviter d’être excessif.

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