Un entretien avec le ministre allemand des finances Régulation financière, scénarios de sortie de crise : les termes du débat
A la veille d'un week-end de sommets mondiaux - le G8, puis le G20 sont réunis du 25 au 27 juin à Toronto -, Wolfgang Schaüble, ministre allemand des finances, explique au " Monde " l'enjeu d'un impôt global sur les transactions financières internationales. Il répond aux critiques de l'administration Obama sur les stratégies européennes de sortie de crise, critiques qu'il estime " infondées ".
Lire : M. Schäuble : " Les déficits ne favorisent pas la croissance "
Pour les dirigeants des principales puissances économiques, c'est l'heure des choix. Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers, Denis Kessler, président du groupe SCOR, Olivier Giscard d'Estaing, président de la Fondation Insead, Sony Kapoor, conseiller auprès du Parlement européen, et Olivier Pastré, professeur à Paris-VIII, exposent les termes du débat.
Contre-enquête
Qui gouvernera le monde ? Le G20 préfigure-t-il la future gouvernance mondiale ? Comment s'y traduit l'ascension des pays émergents, au premier rang desquels la Chine ?
Crise oblige, depuis 2008 les pays du Sud sont admis à la table des Grands. Cette nouvelle réunion du G20, à Toronto, succédant à celle du G8, pourrait accélérer l'évolution vers une structure de gouvernance qui s'emparera non plus seulement des dossiers économiques, mais aussi des questions de sécurité.
nouvelle gouvernance mondiale ? Peut-il traiter les questions de sécurité à la place du G8 ? Que veulent les " émergents " ?
Depuis 2008, les pays du Sud ont une nouvelle enceinte, au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, pour être assis à la table des " grands " : le G20. Jusqu'à présent, ce groupe informel a été cantonné au domaine économique et financier. Peut-il préfigurer une nouvelle gouvernance mondiale au XXIe siècle ? Depuis que le Brésil et la Turquie se sont aventurés, en mai, dans le dossier du nucléaire iranien, le débat est relancé sur la place des " émergents " dans le traitement des questions de sécurité internationale.
Nouveaux enjeux Du 25 au 27 juin, le G8 puis le G20 se réunissent au Canada. Cette séquence préserve un certain classicisme. Le G8 pour traiter de questions de paix, de sécurité, et de développement. Le G20 pour parler de l'économie. " Des sujets importants devaient être traités, comme la prolifération, et le G20 n'est pas le bon forum ", explique-t-on de source canadienne. Pourtant, le G20 a pu être décrit comme l'amorce d'un nouvel ordre international accordant plus de place aux nouveaux acteurs issus de la mondialisation. D'autant que la sécurité est désormais un concept large, incluant des enjeux comme l'environnement, les migrations et la sûreté nucléaire.
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Depuis 2008, les pays du Sud ont une nouvelle enceinte, au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, pour être assis à la table des " grands " : le G20. Jusqu'à présent, ce groupe informel a été cantonné au domaine économique et financier. Peut-il préfigurer une nouvelle gouvernance mondiale au XXIe siècle ? Depuis que le Brésil et la Turquie se sont aventurés, en mai, dans le dossier du nucléaire iranien, le débat est relancé sur la place des " émergents " dans le traitement des questions de sécurité internationale.
Nouveaux enjeux Du 25 au 27 juin, le G8 puis le G20 se réunissent au Canada. Cette séquence préserve un certain classicisme. Le G8 pour traiter de questions de paix, de sécurité, et de développement. Le G20 pour parler de l'économie. " Des sujets importants devaient être traités, comme la prolifération, et le G20 n'est pas le bon forum ", explique-t-on de source canadienne. Pourtant, le G20 a pu être décrit comme l'amorce d'un nouvel ordre international accordant plus de place aux nouveaux acteurs issus de la mondialisation. D'autant que la sécurité est désormais un concept large, incluant des enjeux comme l'environnement, les migrations et la sûreté nucléaire.
La réforme du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU), l'instance chargée depuis 1945 de traiter les questions de paix et de sécurité internationales, est en panne, faute de consensus entre les puissances, que ce soit au Nord ou au Sud. " Ce blocage justifie que la question du G20 soit posée ", commente Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, à Paris. " Le G20 s'impose comme un forum mondial. La tentation existera de lui confier des questions politiques. " L'agenda de l'ONU sur les questions de sécurité continue à être porté par les Occidentaux, comme le montre le dossier iranien. Les pays du Sud aimeraient donner plus d'importance à d'autres dossiers, comme le problème israélo-palestinien.
Meilleure représentativité La question est de savoir si le G20 pourrait muer un jour comme l'a fait le G8. Depuis la fin de la guerre froide, celui-ci s'est emparé de questions de sécurité collective, comme la prolifération ou le terrorisme. Les attentats du 11 septembre 2001 ont accéléré la transition. Le G20 offre des avantages, par sa représentativité. Il reflète bien les réalités du monde, au plan géographique, économique, démographique. Mais sa nature informelle et sa composition soulèvent des questions. Il manque de légitimité face aux instances de l'ONU qui impliquent 192 Etats. Il peut être contesté par ceux qui n'en font pas partie. Les critères de sélection, lors de sa première incarnation en 1999, au niveau des ministres des finances, étaient flous. Une composition ad hoc, par cooptation.
L'émergence du G20 face au G8 conforte l'idée d'un affaiblissement stratégique des puissances du Nord, la marque du nouveau monde multipolaire et de la fin du récit occidental dans les relations internationales. Mais il n'est pas non plus une " revanche " du Sud, car les Occidentaux y sont représentés en force, Européens, Américains du Nord, et leurs alliés de l'Asie-Pacifique. Un pays comme le Pakistan, au coeur de multiples problématiques, n'y figure pas, ni la Malaisie.
Prééminence du Conseil de sécurité de l'ONU La capacité du G20 à produire des décisions est toute relative. Sur les affaires financières, le consensus est déjà difficile. Sur des enjeux de sécurité, qui réclament une lecture commune des crises et des intérêts, voire un partage de valeurs, l'affaire serait encore plus compliquée. On peut en juger par le vote négatif du Brésil et de la Turquie au Conseil de sécurité, le 9 juin, à propos des sanctions contre l'Iran. Le G20 ne produit pas du droit international, comme le fait l'ONU.
Les " émergents " candidats à un siège au Conseil de sécurité de l'ONU sont contents d'être à la table du G20, mais ils craignent que ce club devienne un succédané à leur entrée dans le " saint des saints " de la politique internationale. De leur côté, les membres permanents du Conseil de sécurité tiennent à éviter tout ce qui pourrait éroder leur prééminence. La légitimité du Conseil ne va pas disparaître du jour au lendemain, soulignent des diplomates. Elle n'a pas disparu lorsque le G7-G8 s'est saisi de questions de sécurité internationale. Et le G20 n'a pas entraîné la suppression du G8.
La France, qui a privilégié le format G14 pour élargir le G8, n'est pas très favorable à ce que le G20 étende sa gamme. " Pour les questions de sécurité, c'est le Conseil de sécurité élargi qui aura vocation à être l'organe de décision, déclarait Nicolas Sarkozy en août 2008. Pour les sujets économiques, je ne vois que le futur G13-G14 comme lieu informel mais efficace d'arbitrage. "
" Hall de gare " Le G20 est plus lourd. Le conseiller diplomatique du chef de l'Etat, Jean-David Levitte, a décrit le sommet de Pittsburg comme un " hall de gare ", avec " 200 personnes dans la salle ", du fait de la présence d'organisations internationales et de pays invités. L'administration Obama considère que le G8 sort progressivement du paysage, sans que l'on sache au juste ce qui va le remplacer. Elle a un goût prononcé pour le regroupement d'Etats en fonction des enjeux à traiter.
Le sommet de Washington, en avril, sur la sécurisation des matières nucléaires en a été une illustration. La gouvernance mondiale est en réalité un patchwork, avec des niveaux régionaux qui s'affirment (Union africaine, par exemple) et des coalitions de pays volontaires (comme la " Proliferation Security Initiative "). La conférence de Copenhague sur le climat a exposé les limites des grands rassemblements où l'unanimité est requise.
Le G20 est un bon candidat pour dessiner une approche plus inclusive, une sorte de " caucus ", selon certains experts, où des solutions pourraient être explorées avant d'être discutées au niveau de l'ONU. Il est une caisse de résonance où les nouveaux clivages et rapports de forces entre puissances s'expriment. C'est pourquoi les diplomates ne parient pas sur son avènement comme directoire mondial.
Natalie Nougayrède
G8 C'est à l'origine le " club des pays riches ", élargi en 1997 à la Russie. Son socle est le G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni et Canada), dont le point de départ a été une réunion à cinq, en 1975, à Rambouillet, sur les questions financières, à l'initiative de la France. Après la guerre froide, le G7/G8 a commencé à discuter de questions de sécurité internationale.
G14 Ce format résulte de la fusion du G8 avec le G5+1, c'est-à-dire les cinq plus grandes économies émergentes (Chine, Inde, Brésil, Mexique, Afrique du Sud) et l'Egypte.
G20 Il regroupe les pays du G8 et du G5, auxquels viennent s'ajouter l'Argentine, l'Australie, l'Indonésie, l'Arabie saoudite, la Turquie, la Corée du Sud et la présidence de l'Union européenne. Il représente environ 85 % du PIB mondial et 65 % de la population mondiale.
Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU)
Pierre angulaire du système de sécurité mis en oeuvre par la Charte des Nations unies de 1945, il est chargé de la " paix et de la sécurité internationales ". Il a cinq membres permanents (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Russie et Chine) disposant d'un droit de veto, et six non permanents, élus pour deux ans. En 1945, il comptait onze membres. En 1965, quatre nouveaux sièges non permanents ont été ajoutés. Depuis 2005, plusieurs scénarios de réforme du Conseil ont été proposés, à l'initiative du G4 (Allemagne, Brésil, Inde et Japon), des pays africains, ou d'autres Etats. Mais sans aboutir à ce jour, faute de consensus.
Liens : Sans la Chine, point de salut