1 Le traitement fiscal et juridique des contrats souscrits par
des époux mariés en fonction du régime matrimonial
1.1 Sous le régime de la communauté
Le contrat d’assurance-vie s’assimile à un bien comme un autre. Si ces contrats ont été souscrits avec des biens de la communauté, et si l'assuré est toujours en vie, ce sont les règles civiles (Décision de la cour de cassation du 31/03/1992 Affaire Praslicka), qui s'appliquent. Cet arrêt de la cour de cassation souligne bien que les règles applicables aux contrats d’assurance-vie en matière civile ne jouent que pour les capitaux transférés à l’occasion du décès de l’assuré.
Exemple : M. et Mme Durand souscrivent un contrat d’assurance-vie chacun, ils sont mariés sous le régime légal, le bénéficiaire est le conjoint. M. Durand décède.
Le contrat de M. Durand est exonéré (sauf primes exagérées ou pour d’autres causes) ; le contrat de Mme Durand n’est que de l’épargne ; l’exonération de droits de successions ne s’applique pas. La moitié de la valeur de rachat du contrat d’assurance-vie entre dans l’actif de M. Durand.
L’administration fiscale au travers de deux réponses ministérielles (réponses Vasseur et Idrac, J.O. Assemblée Nationale du 8 novembre 1999, p. 6420 et 6421) décide que la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie, en cas de décès prématuré du conjoint bénéficiaire, ne doit pas supporter les droits de succession.
Cette jurisprudence a été confirmée par les lettres DSK et Christian Sauter.
Il y a à cela deux conséquences : pour l’administration fiscale et dans notre exemple, le contrat de Mme Durand ne figure pas dans l’actif successoral. Mais ceci ne règle pas la question sur le plan civil : en application des règles du Code Civil, le contrat d’assurance-vie devrait faire partie de l’actif commun, dans la mesure où le souscripteur survivant a ponctionné la communauté pour l’alimenter.
Dans notre exemple, nous avons considéré deux contrats souscrits par M. et Mme et dont le bénéficiaire est exclusivement le conjoint. L’administration fiscale a réglé les cas où le bénéficiaire du contrat n’est pas exclusivement le conjoint du souscripteur. En effet des clauses telles que “mon conjoint, mes enfants, à défaut …” ne sont pas visées par l’administration fiscale et donc toujours soumises à taxation ; de même, si les héritiers demandent la réintégration civile dans la communauté (Réponse Ministérielle BATAILLE du 2 juillet 2000).
Le contrat ne sera considéré comme un bien propre que s’il y a unanimité des héritiers. Une solution envisageable est la modification du contrat de mariage pour y intégrer une clause de préciput (art. 1515 du Code Civil).
1.2 Sous le régime de la communauté universelle
Rappelons que la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale de la
Communauté au conjoint survivant dispose qu’au décès du premier conjoint la communauté est laissée au conjoint survivant sans droits de successions.
Exemple : M. et Mme sont mariés sous le régime de la communauté universelle. Monsieur souscrit un contrat d’assurance-vie de 1 million d’euros dont le bénéficiaire est Madame ; Monsieur est âgé de plus de 70 ans au moment de la souscription du contrat. En conséquence, au jour du décès de Monsieur, ce sont les règles d’exonérations des contrats d’assurance-vie qui s’appliquent, à savoir une exonération pour Madame, dans la limite de 30 500 €.
Pour une efficacité maximale dans un tel cas, il vaut mieux faire une adhésion conjointe avec dénouement au second décès.
Cette façon de faire ne laisse subsister aucune ambiguïté et permet de plus au survivant de disposer d’un contrat souscrit avant 70 ans.
En cas de doute pour les anciens contrats une clause de préciput peut être intégrée dans le contrat de mariage. C’est le seul cas ou l’adhésion conjointe avec dénouement au second décès doit être faite, mais d’une manière impérative.
1.3 Sous le régime de la séparation des biens
Les patrimoines de chacun des époux sont ici clairement identifiés. Si les deux époux ont des revenus, il semble difficile pour le fisc d’invoquer un don manuel entre époux lors de la souscription d’un contrat d’assurance-vie, car les époux pourront toujours s’appuyer sur l’article 1538 du code civil, prétextant une présomption d’indivision.
En revanche, dans un tel régime, la souscription d’un contrat par un conjoint ne pouvant pas justifier de revenus (suffisants !) peut être contestée par le fisc. Il pourra considérer qu’il y a eu un don manuel. Pour éviter ce risque et profiter de l'enrichissement d'un conjoint, il suffit de créer une société d’acquêts qui souscrira un contrat d’assurance-vie.