• Analyse du cycle de vie d'un produit

    croissance verte

    Des expérimentations en ordre dispersé  

    Quelques pionniers se sont déjà lancés dans l’analyse du cycle de vie des produits qu’ils distribuent , avec des approches différentes . «  Tout le monde veut son affichage », estime Eric Labouze, PDG du cabinet Bio Intelligence Service, à l’origine des étiquettes écologiques de Casino, d’Orange et bientôt de Descours & Cabaud. Tour d’horizon.

    Casino:un bilan carbone sur 400 produits La marque de produits Casino distribuée par les magasins éponymes a choisi d’afficher le bilan carbone complet de ses produits sur l’emballage. « En début d’année, nous atteignons 400 produits, ce qui représente 600 fournisseurs », explique Phillipe Imbert, directeur qualité du groupe Casino. Un nombre supérieur a déjà été analysé, mais les affichages sont portés sur les emballages au fur et à mesure du renouvellement des gammes, ce qui retarde le processus. Cette affichage est très simple à lire, avec une double entrée : un indice carbone (en gramme de CO2émis pour 100 grammes de produit) et une échelle de lecture. Certaines comparaisons sont immédiates : un paquet de céréales au riz a un bilan d’équivalent carbone terrible par rapport au blé, car cette culture émet beaucoup de méthane. Les 400 ACV ont débouché sur les premières corrections, essentiellement des réductions d’emballage qui ont économisé plus de 500 tonnes annuelles. A titre d’exemple, un fournisseur de tablettes de chocolat a supprimé l’émission de 85 tonnes de CO2en favorisant fortement le ferroviaire au détriment de la route dans son circuit d’approvisionnement en matière première. Phillipe Imbert juge encore difficile d’établir le surcoût du dispositif mais, dans certains cas, les économies réalisées compensent les frais d’analyse. Leclerc: deux magasins pilotes La chaîne Leclerc expérimente depuis un an et demi un système d’affichage maison du bilan carbone des produits vendus dans deux de ses supermarchés. Grâce au volontarisme de leur directeur, Thomas Pocher, les centres de Wattrelos et Templeuve, dans le Nord, ont étiqueté sur 20.000 produits alimentaires la quantité de gaz dégagée par leur cycle de vie. Le ticket de caisse donne au consommateur une vision globale intéressante du poids « carbone » de son chariot. L’ACV est beaucoup moins poussée que celle de Casino, car elle utilise des données génériques. Le coût de l’opération n’aurait pas dépassé 300.000 euros quand une seule ACV complète dépasse les 50.000 euros. L’affichage ne montre pas de différence entre deux produits similaires (une boîte de thon, par exemple), mais sert à guider le choix entre un poisson et une viande par exemple. Patagonia:sur le Web, l’interface la plus poussée« C’est l’exemple le plus poussé », admire Elisabeth Laville, du cabinet Utopies. La société américaine Patagonia a privilégié Internet comme moyen de communication avec son site The Footprint Chronicles. Cette interface destinée aux consommateurs fournit des informations précises sur l’empreinte écologique des vêtements de la marque, le tout avec une rare franchise et une pédagogie. L’internaute clique sur un produit et découvre une carte du monde qui montre le parcours des ingrédients. A chaque étape de fabrication correspond une vidéo sur l’usine concernée, la ferme d’élevage de l’oie de duvet, etc. Des pictogrammes simples renseignent sur l’empreinte carbone du vêtement, l’énergie mise en jeu (et traduite par analogie), la masse de déchets générée par la fabrication, l’eau consommée. On apprend ainsi qu’une de leurs chemises voyage sur 22.000 km, soit l’énergie dépensée par une ampoule de 18W pendant 50 jours. Patagonia joue donc l’opération vérité en donnant les qualités et les défauts écologiques du produit ainsi que les pistes d’améliorations qu’envisage la société. Pour remarquable qu’il est, l’exercice ne décortique qu’une grosse vingtaine de cas. La marque Lafuma, le concurrent français, a réalisé un exercice similaire pour sur sa petite gamme de produits verts uniquement mais s’est engagé auprès du WWF à le faire sur 250 produits. Nature et Découvertes: les fournisseurs d’abord Un an de retard dans la mise en route de son système d’information. La chaîne Nature et Découverte, qui avait décidé dès 2008 de faire l’apprentissage de l’ACV n’est pas déçue. « C’est compliqué », confirme Jacques Bazet, directeur des achats. Le cabinet Utopies a développé un logiciel sur mesure pour aider ses fournisseurs à établir les ACV simplifiées de leurs produits et pour les communiquer via un site « partenaires ». Le mode de calcul choisi par la chaîne diffère de celui de la plupart des autres logiciels d’ACV. « Davantage qu’un logiciel de mesure de l’empreinte écologique, nous avons conçu un outil simple à utiliser et qui traite surtout les paramètres sur lesquels nous pouvons agir pour diminuer les impacts de nos produits. L’objectif est d’améliorer chaque produit séparément, alors que nous menions jusqu’ici des actions générales, en passant du textile coton conventionnel au coton bio par exemple», poursuit Jacques Bazet.Pour chaque produit, un sous-traitant remplit quelque 72 questions. Initialement, les entreprises devaient entrer leurs données par catégorie de produit, mais les cases se sont révélées inappropriées face à la variété des 3.000 références : équipements électroniques, objets en bois, parfums, etc. On entre désormais dans le logiciel par le biais des matériaux. La note finale sur 100 ne fonctionne pas non plus par type d’impact, mais selon les cinq étapes du cycle de vie. Elle ne sera pas communiquée aux consommateurs et ne fera pas l’objet de sanctions auprès des fournisseurs. « Nos sous-traitants travaillent volontairement à l’améliorations de leurs produits, cela rend la démarche plus simple ».« Nous avons effectué une soixantaine d’analyses avec quatre fournisseurs et nous devrions déployer l’outil chez tous les fournisseurs français en janvier ». Les premiers essais montrent qu’une ACV peut prendre deux heures quand le fournisseur est le fabricant complet du produit, en bois par exemple, et qu’il dispose de toutes les données. Mais lorsqu’il doit se lancer dans une enquête auprès de ses propres sous-traitants, l’exercice se monte vite à plusieurs jours par produit. Le problème est particulièrement délicat lorsqu’un composant vient d’un pays lointain comme la Chine. L’Asie ignore ainsi les noms latins des essences, exigés pour renseigner les types de bois utilisés.

    M.  Q.

    Comment analyser le cycle de vie   d’un produit ?  

    Logiciel.L’analyse du cycle de vie s’apparente à un bilan comptable des flux de matière et d’énergie engagés dans la vie d’un produit. Le consultant, le distributeur ou le producteur qui effectue l’ACV d’une pizza récupère d’abord chez son fournisseur la recette du produit et de son emballage, la dépense d’énergie et les déchets générée par la fabrication du plat, l’impact du transport de chaque ingrédient jusqu’à l’usine d’assemblage, puis la liste des fournisseurs de deuxième rang. Le même exercice est répété chez le fabricant de la farine, des tomates, du fromage, etc. La précision de chaque donnée détermine la fiabilité du résultat final : soit les sous-traitants connaissent l’information spécifique au produit (les tomates sont cultivées en Andalousie), soit ils se rabattent sur des tableaux de données génériques (les tomates parcourent en moyenne tant de kilomètres).Toutes ces données sont entrées dans un logiciel qui additionne les scores et en tire une note qualitative ou quantitative. Plusieurs impacts sont particulièrement complexes, tels celui sur la biodiversité ou sur l’écotoxicologie. L’Ademe propose notamment de reprendre certains indicateurs existants, comme celui de la politique agricole commune sur la biodiversité, en l’étendant aux produits de la mer. L’agence prévoit de lancer un appel d’offres en début d’année pour la conception d’un logiciel d’ACV à destination des PME.


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