• Il est urgent de redefinir un contrat social

    Il est urgent de redéfinir un contrat social

    Respecter les personnes, la parole et le temps

     

                La souffrance au travail et les suicides sont le résultat d'un mouvement amorcé au début des années 2000. La financiarisation des entreprises, l'importance prise par les résultats à court terme, la globalisation des économies ont eu de lourdes conséquences sur la gestion humaine des salariés. La dimension gestionnaire a alors pris le pas sur la dimension humaine.

    Comment en est-on arrivé là ? Le fond du problème reste partout celui des choix d'organisation du travail qui sont destinés à produire plus, sans prendre en compte les dimensions humaines de ce même travail. Or décider de qui fera quoi et comment, répartir de nouvelles responsabilités à telle équipe ou telle personne, c'est évidemment déterminer les conditions de travail, de collaboration et d'efficacité des salariés. Tout cela se passe de plus en plus souvent sans le directeur des ressources humaines. Il en va de même pour les critères d'évaluation qui pèsent pourtant lourd dans la relation au travail. Qui réfléchit vraiment à ce qu'est la performance ? Qui prend le temps de choisir un processus d'évaluation - bien au-delà de l'entretien - capable de donner du sens au travail ?

    Et pourtant, les entreprises ont fait beaucoup pour aider, accompagner, améliorer, faire adhérer leurs salariés. Les politiques sociales des grands groupes français, leur foi dans le dialogue social, leur engagement dans la gestion des compétences doivent être rappelés ici. Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain et il faut cesser de diaboliser les manageurs et les dirigeants qui poursuivaient leur propre logique. Leur plus grand tort, finalement, est d'avoir pensé que les messages dominants du business pouvaient se décliner en termes de ressources humaines : court terme, urgence, adaptabilité systématique, productivité, " toujours plus ", critères d'évaluation impensés et parfois insensés. La tentation a été grande de déverser tout ce non-sens dans la besace des manageurs en attendant d'eux qu'ils " redonnent du sens " à ce qui n'en avait plus ! Même avec un coach derrière chacun d'eux et des formations au " leadership " à haute dose, c'était mission impossible.

    " Course au profit " dérisoire

    La crise a indéniablement accéléré ce phénomène. Elle a détruit le peu de points de repère qui existaient encore et rendu la " course au profit " dérisoire. Comment revenir à une organisation plus humaine de l'entreprise ?

    Premièrement, on ne peut pas faire " n'importe quoi " avec les salariés à moins de le payer un jour. La compréhension et la prise en compte des dimensions humaines constituent une source incontournable de progrès économique. Le management doit être épaulé solidement par une fonction ressources humaines proche de lui, responsabilisée avant tout sur l'humain. Les salariés sont intelligents, et cela d'autant plus qu'on les traite comme tels. L'organisation du travail, les modes de management, les modes de formation et la gestion des ressources humaines en général doivent être conçus à partir de cette conviction. Les systèmes de reconnaissance doivent être cohérents avec ce qui est attendu, mais ils doivent aussi être le reflet d'un respect des personnes et des collectifs au quotidien.

    Deuxièmement, le langage, la parole, les mots doivent retrouver une certaine vérité. Il faut arrêter les bla-bla, les termes à la mode qui ne veulent rien dire, il faut parler simple et vrai, il faut cesser de dire le contraire de ce que les gens vivent, il faut arrêter de parler du " sens " sans arrêt alors que les choses n'en ont pas. Quand on prive des individus du langage, ils vont mal. Il faut dire ce qui est et permettre à chacun de s'exprimer.

    Troisièmement, les individus ont besoin de temps pour aller bien et produire intelligemment. Il faut du temps pour apprendre, du temps pour se parler et travailler ensemble, du temps pour créer du collectif, du temps pour prendre du recul et progresser. C'est au management et à la fonction ressources humaines d'exiger ce temps et de l'organiser.

    Ces différents points peuvent paraître banals. Ils sont pourtant bien souvent bafoués dans les faits. Il est urgent de reconstruire un contrat social qui repose sur ces trois " basiques " : respect des personnes, de la parole et du temps.

    Sandra Enlart

    Directrice générale Entreprise & Personnel

    POURQUOI LE TRAVAIL FAIT (de plus en plus) SOUFFRIR 


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :