• Dilemme : Politiques budgétaires: relance ou rigueur?

    Politiques budgétaires: relance ou rigueur?

     D'où peut venir le soutien à l'activité si la consommation privée, affaiblie par le chômage, n'est pas au rendez-vous? Sachant qu'il ne faut pas compter sur l'investissement, tant que les capacités de production déjà existantes sont sous-utilisées. Aux deuxième et troisième trimestres 2009, la dépense publique a joué un rôle clé pour amorcer la reprise. L'effet des plans de relance coordonnés s'est fait clairement sentir, non seulement sur la demande intérieure, mais peut-être plus encore sur la demande extérieure: l'embellie du secteur automobile en France doit au moins autant aux primes à la casse décidées chez nos partenaires commerciaux - l'Allemagne, comme la Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie ou les Etats-Unis en ont distribué de plus généreuses encore - qu'aux mesures prises au niveau national.

    Mais ce soutien à l'activité s'est fait au prix d'un creusement abyssal des déficits publics. Dans la plupart des pays de l'OCDE, ils atteignent un niveau inédit en temps de paix. Les comptes des administrations accusent en 2009 un solde négatif de 6,4% du PIB dans la zone euro et de 8,3% en France. Mais la situation est encore plus dégradée aux Etats-Unis, où le déficit dépasse 11% du PIB, en Irlande, en Grèce, en Espagne ou au Royaume-Uni. En France, la dette publique devrait atteindre 84% du PIB l'an prochain, selon le projet de loi de finances 2010, contre 63,8% en 2007 (voir page 16).

    Cette évolution est-elle soutenable? Si la question est de savoir si les Etats risquent de faire défaut, la réponse est clairement non. Les Etats français, allemand ou américain continuent de lever massivement des fonds sur les marchés à des taux d'intérêt qui n'ont jamais été aussi bas. Et la demande de titres publics n'est pas prête de se tarir, l'épargne à la recherche de placements sans risque étant abondante. Mais tous les Etats ne sont pas logés à la même enseigne. La Grèce paie ainsi de plus en plus cher pour financer une dette publique qui dépasse 100% de son PIB et paraît engagée sur une trajectoire exponentielle. Pour conserver la confiance des marchés, l'Irlande s'astreint de son côté à une politique de rigueur drastique digne d'un programme du Fonds monétaire international (FMI). Le Royaume-Uni pourrait lui aussi y être contraint (voir page 68).

    Une autre question est de savoir si la dynamique de la dette est soutenable à moyen et long termes. Sur ce point, le débat fait rage en France entre les partisans du grand emprunt et ses détracteurs. Les premiers pensent que les investissements financés par l'emprunt permettront le retour à une croissance soutenue, grâce à laquelle la dette se résorbera d'elle-même. Les seconds sont au contraire convaincus que la dynamique de la dette sera d'autant plus difficile à enrayer qu'on aura différé le rééquilibrage des comptes.

    La Commission européenne se range, sans surprise, dans le deuxième camp. Elle souligne que la reprise ne suffira pas, à elle seule, à redresser la barre. Certes, le déficit actuel devrait automatiquement se réduire avec le retour de la croissance, mais pas suffisamment: la production restera durablement à un niveau inférieur à celui d'avant la crise, générant de moindres recettes fiscales, alors que les dépenses seront alourdies par le service de la dette. Les simulations effectuées par la Commission montrent que la dette publique française continuera de dériver jusqu'à 120% du PIB vers 2020, si aucune mesure structurelle visant à réduire le déficit n'est prise.

    Tout devient alors affaire de rythme et de méthode. Pour revenir dans les clous des 3% de déficit en 2013, comme l'exige la Commission, la France devrait s'astreindre à un régime qui a toutes les chances de la faire retomber dans l'anémie complète. Et si tous ses voisins en font autant au même moment, c'est la récession assurée.

    Pour autant, ne pas se poser dès aujourd'hui la question de l'ajustement est tout aussi suicidaire. Le gouvernement, avec les nouvelles baisses d'impôts décidées pour 2010 comme avec le grand emprunt, continue pourtant à faire "comme si" la croissance future allait permettre de continuer à dépenser plus sans prélever plus. Mieux vaudrait adapter les finances publiques à un régime de croissance qui sera à l'avenir structurellement plus lent. Ce qui implique à la fois davantage de rigueur et davantage de redistribution: une croissance lente sera difficilement supportable si ses fruits ne sont pas plus équitablement répartis.

    Une raison supplémentaire de ne pas laisser filer les déficits réside dans le fait que les conditions d'emprunt des Etats ne seront pas éternellement aussi accommodantes qu'aujourd'hui. En effet, le "temps budgétaire" est beaucoup plus lent que le "temps monétaire": il faut plusieurs années pour réorienter un paquebot budgétaire qui pèse 50% du PIB, alors qu'il suffit d'une réunion pour augmenter le niveau des taux directeurs de la banque centrale.


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