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La jeunesse au centre du rapport Attali
La jeunesse au centre du rapport AttaliRetrouvez l'intégralité du rapport, commenté par l'un des membres de la commission Attali.
Le 14 octobre 2010 à Paris. REUTERS/Charles Platiau -«Pour nos enfants»: tel est le titre que cet automne nous voulions donner au rapport Attali 2 sur «la libération de la croissance française». Finalement, le titre est plus conventionnel: «Une ambition pour dix ans», né de la volonté de tracer une perspective d’action qui enjambe 2012 et qui s’adresse à tous les partis politiques. Mais avec les manifestations des lycéens et étudiants, le titre d’origine eût été d’actualité: la France souffre principalement d’une angoisse sur son devenir, angoisse qui se cristallise chez les jeunes.
Créée en 2007, comprenant une quarantaine de membres dont l’auteur de ces lignes, la Commission a remis un second rapport au président de la République vendredi 15 octobre. Alors que la première version avait listé 316 propositions pour relever le potentiel de croissance, le deuxième texte trace deux urgences, le désendettement et l’emploi, et ouvre deux chantiers de long terme, l’éducation et l’environnement.
De risques lourds si rien n'est fait
Ces recommandations volontairement limitées en nombre viennent du bilan alarmant que nous tirons de l’état du pays. La crise a dramatisé les problèmes essentiels: des insuffisances en matières de croissance, d’emploi et d’éducation, une compétitivité faible, une montée sans précédent de l’endettement et un manque de confiance de la communauté dans son destin. Le débat sur les retraites en témoigne.
Si rien n’est fait pour corriger la trajectoire, la dette dépassera les 100% du PIB, et le potentiel de croissance descendra à 1,2% (contre 1,9% avant crise), faisant peser des risques lourds sur le pouvoir d’achat, sur la cohésion sociale et sur la souveraineté de la France.
Une France qui a pourtant des atouts nombreux, une démographie croissante, des savoir-faire, des champions mondiaux, des chercheurs de bon niveau. Retrouver une manière de mobiliser positivement le pays dans une ambition partagée: tel est l’impératif.
Comment? Trois «convictions» d’abord: transformer le pays dans la durée (d’où les dix ans), engager des réformes cohérentes entre elles et, toujours, avoir à l’esprit de «se mettre au service des enfants». La ligne politique est ici claire, à l’inverse d’aujourd’hui (commentaire personnel).
Trois «principes d’équité» ensuite. Chacun doit participer au redressement des déficits, les plus fragiles doivent être accompagnés et la France doit mettre en place un système d’évaluation de ses décisions politiques, alors qu’aujourd’hui les nouvelles s’accumulent sur les anciennes dans la méconnaissance totale de leurs effets (commentaire qui n’est pas personnel).
Le «rabotage» ne suffira pas
Revenir à une croissance de 2,5% l’an (contre un espoir de plus de 3% dans le premier rapport) passe par une lutte acharnée contre la dette: il faut ramener le déficit sous les 3% du PIB en 2013 et viser l’équilibre en 2016. Les économies à faire sont de 75 milliards d’euros sur trois ans dont 25 sur les niches fiscales et 50 sur des réductions de dépenses. Cet objectif est tenable si la croissance est en moyenne de 2% l’an sur la période. Sinon, si elle est plus faible, alors trop de rigueur menacerait la reprise, il faudra différer en concertation avec Bruxelles. Mises sous conditions des allocations familiales, TVA sociale, gel de prestations: ces fortes mesures budgétaires, parmi d’autres, vont susciter des polémiques. Mais la Commission répond en soulignant la gravité de la dégradation des finances publiques.
Surtout, le rapport essaie d’aller au-delà avec l’engagement d’une transformation «en profondeur des administrations et des politiques publiques». Le «rabotage» ne suffira pas, il faut réinventer l’Etat social de la fiscalité juste à la santé efficace.
La compétitivité et l’emploi, deux autres déficits français, devront être promus par une surveillance du coût du travail, le basculement des charges sur la consommation et la mise en place d’un «contrat d’évolution» pour chaque salarié, la flexisécurité à la française, couplée avec la mise en place d’incitation pour les entreprises à créer des emplois stables par l’introduction de «droits progressifs» au fil du temps. Cette mesure provoquera aussi sûrement des polémiques.
Le rapport engage ensuite une refonte du système éducatif, dont les performance sont en baisse, avec l’autonomie des écoles et un investissement dans la prime enfance, c’est là que tout se joue.
Comment faire admettre ces changements? Comment faire passer les réformes? C’est la question la plus difficile en France. La réponse est, si l’on peut dire, dans la rue, avec les jeunes: toutes les décisions prises, douloureuses, doivent être faites «pour les enfants». L’économie française ne redémarrera que si la jeunesse redécouvre le goût de l’avenir, de l’innovation et du risque.
Eric Le Boucher
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