• Le travail, grand oublié de la crise

    Le profit ne doit pas exclure le bien-être

                 Depuis plus de trente ans, la question de l'emploi liée au chômage massif a placé au second plan les débats sur le contenu du travail. Depuis longtemps, <st1:personname productid="la CFDT" w:st="on">la CFDT</st1:personname> souligne la pénibilité du travail et son intensification. Le stress est devenu un fléau qui s'ajoute à l'explosion des troubles musculo-squelettiques et des cancers professionnels. Il faut pourtant des événements comme des suicides de salariés acculés à ce geste désespéré pour révéler la lente dégradation de la relation de nombreux salariés avec leur travail.

    Il ne s'agit pas de généraliser ni d'assimiler travail et souffrance. Il faut intégrer davantage la question du travail dans celle des parcours professionnels pour agir sur les temps de vie en termes de prévention comme de réparation.

    Jamais les Français n'ont attaché autant d'importance au travail et pourtant jamais ils n'ont dit autant en " souffrir "... Les mêmes mots reviennent : " J'ai le sentiment que mes conditions de travail se dégradent. " Et les salariés, y compris les cadres, égrènent leurs insatisfactions quant aux relations détériorées avec leur hiérarchie ou leurs collègues. Alors que des enquêtes soulignent les satisfactions qu'il engendre, ne faut-il pas interpréter ces plaintes comme l'expression de l'attachement des salariés au travail et à sa qualité, au métier et à son sens ?

    Afin de s'adapter à la mondialisation, les entreprises se sont engagées dans la recherche effrénée et permanente de gains de productivité. Celle-ci a abouti à la segmentation de la production, aux changements de périmètres des entreprises et à la réduction des temps de fabrication. L'entreprise pyramidale et intégrée a vécu. Son caractère dorénavant protéiforme et éclaté rejaillit sur les collectifs de travail. Entre l'entreprise première donneuse d'ordre et ses entreprises périphériques, les salariés travaillent sous des statuts et des conditions de travail très différents. L'organisation du travail accroît injustice et discrimination. Elle participe au creusement des inégalités au sein même du salariat. L'autonomie sans cadre clair ni moyen de bien faire, le culte de l'évaluation individuelle aboutissent à l'éclatement des collectifs et à une forme de " chacun pour soi ". Le salarié se retrouve seul face au travail, à ses résultats, avec parfois le sentiment d'échec personnel.

    Il faut faire " respirer " le travail ! L'éloignement des lieux de décision, les évolutions constantes des organisations, nécessitent que les salariés soient en capacité d'agir sur les changements, de s'exprimer individuellement et collectivement et d'être impliqués sur les moyens et les finalités de leurs tâches. Il faut ouvrir des espaces de démocratie permettant aux salariés, avec leurs élus, de s'exprimer sur l'organisation de leur travail.

    Il faut réconcilier et réinventer la relation entre les temps de vie au travail et hors du travail. Cela nécessite de les revisiter en les situant tout au long de la vie et en imaginant une gestion moins segmentée de l'existence. Sans nier ses difficultés de mise en oeuvre, ce projet montrerait que le travail ne peut plus se concevoir d'une manière linéaire mais doit prendre en compte la diversité des parcours avec une attention particulière pour les femmes, principales victimes des inégalités.

    Ceux qui n'ont que le concept de " valeur travail " à la bouche savent-ils qu'une des principales frustrations exprimées par les salariés est justement de ne pas pouvoir " bien faire " leur travail ? On ne peut pas parler sans cesse de responsabilité sociale des entreprises et dissocier durablement les modalités de réalisation du produit ou du service de sa finalité. Autrement dit, le " court-termisme " et la rentabilisation à outrance soumettent les salariés à des pressions qui génèrent des dégâts physiques et moraux. Ils sont de plus contre-productifs.

    Le rapport Stiglitz remis au président de <st1:personname productid="la République" w:st="on">la République</st1:personname> plaide pour de nouveaux indicateurs prenant en compte l'individu et la réalité sociale pour évaluer la performance économique d'un pays. En attendant, aujourd'hui, les dirigeants des grandes entreprises ne sont jugés par leurs actionnaires que sur la seule rentabilité financière à court terme, à l'exclusion de toute considération sur le bien-être des salariés et encore moins sur les conséquences sociétales de la stratégie de l'entreprise. Au moment où on parle de la nécessaire régulation de l'économie mondiale, ne doit-on pas aussi s'interroger sur de nouveaux critères fondés sur les conséquences humaines et environnementales des stratégies d'entreprise pour les sanctionner ou les récompenser ?

    Jean-Louis Malys

    Secrétaire national de <st1:personname productid="la CFDT" w:st="on">la CFDT</st1:personname>

     

    Pourquoi on peut tout dire sauf s’attaquer au pouvoir actionnarial ? 


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