• Après la crise, le risque systémique subsiste

    Après la crise, le risque systémique subsiste

    Rétablir la stabilité financière est urgent

    La crise financière a causé de profonds dégâts : pour la seule Europe, le produit intérieur brut (PIB) a baissé de cinq points et le chômage est remonté à 10 %. Les Etats, déjà endettés pour nombre d'entre eux, ont soutenu leurs banques et accru de ce fait (à l'exception notable de la France) leur déficit public. Mais aucun de ces Etats ne serait en mesure de faire face, à un horizon de quatre à cinq ans, à une nouvelle crise finan-cière.

    La maîtrise de la stabilité financière revêt donc un caractère impératif. C'est l'une des missions des banques centrales et elles s'y emploient au travers du Comité de Bâle et du Conseil de stabilité financière. Mais les Etats et l'Europe, c'est-à-dire le conseil des ministres, la Commission et le Parlement, sont aussi concernés.

    On assiste donc à une multiplication d'initiatives, assez mal coordonnées, comme l'a souligné à plusieurs reprises le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, visant à redéfinir l'ensemble du système de régulation pour, au final, mieux maîtriser le risque systémique. Cette ardeur régulatrice a, en outre, la caractéristique de s'aventurer dans des domaines encore insuffisamment explorés de la finance. Il ne s'agit pas d'adopter une posture conservatrice mais d'agir avec prudence pour éviter que l'on intervienne de façon inappropriée dans le financement de l'économie.

    La crise est la matérialisation d'un risque systémique. Cela signifie qu'elle touche l'ensemble du système financier et que l'impact sur l'économie réelle est significatif. Le risque systémique se développe lorsqu'il rencontre un terrain favorable constitué par un excès de liquidité ; des taux d'intérêt bas sur longue période qui créent une sous-évaluation du risque, et une régulation peu ou mal coordonnée.

    Ce risque ne va pas disparaître comme par enchantement. Il y aura toujours des soubresauts financiers. Le problème est leur intensité et leur diffusion. Pour le réduire, les banques centrales peuvent conduire deux types d'action : augmenter la capacité des banques à résister et éviter que des bulles se développent.

    La " chasse aux bulles " n'est pas un exercice simple. Il faut d'abord les repérer, c'est-à-dire s'assurer que le gonflement du prix des actifs a bien un caractère spéculatif et ne relève pas d'une croissance normale et équilibrée en lien avec une activité réelle. Une fois la bulle identifiée, il faut intervenir. Mais dans ce cas, l'instrument à disposition des banques centrales est la politique monétaire. Ce peut être un instrument inadapté car trop puissant et susceptible de casser la croissance. L'autre solution consiste à réduire la demande. Mais certains pays, comme les Etats-Unis, répugnent à utiliser ces techniques, à la différence de l'Europe ou de l'Asie.

    La seconde option consiste à renforcer les règles applicables aux banques en augmentant les exigences de fonds propres et en encadrant la gestion de la liquidité. Le Comité de Bâle a annoncé, le 12 septembre, les nouveaux ratios de solvabilité qui entreront en application de façon progressive, d'ici à 2018. Pour la première fois, un ratio dit " protection " est institué pour couvrir le risque systémique.

    La conséquence d'un tel choix est d'introduire de l'hétérogénéité dans le système de régulation. La résistance des systèmes nationaux en période de crise ne sera pas équivalente. Il y aura nécessairement un maillon faible, qui, s'il est localisé dans une économie importante, fera courir un risque à tous les acteurs financiers. On peut, certes, espérer que la coordination internationale mise en place au niveau du FMI ou du Forum de stabilité financière réduira ce risque, mais cela n'est pas acquis.

    Si l'on considère maintenant l'ensemble du système financier, deux autres domaines font l'objet de dispositions nouvelles de la part des régulateurs pour tirer les conséquences de la crise. Ce sont les marchés et les infrastructures. Du côté des marchés, plusieurs dispositions sont envisagées. Elles sont bienvenues mais il restera un espace non régulé important et potentiellement porteur de risques. On a beaucoup parlé des marchés OTC (over the counter : de gré à gré, directement entre des banques et leurs clients) pour les fustiger, mais leur liquidité était faible puisque les produits toxiques de dette titrisés, comme les collateralised debt obligations (CDO), porteurs de crédit hypothécaire à risque (" subprime "), faisaient l'objet de transactions de banque à banque.

    Il faut, en premier lieu, corriger les déviances introduites par la directive Marchés d'instruments financiers (MIF) qui a conduit à une grande opacité. Un ralentissement du volume des transactions peut provoquer un décalage des cours sans qu'il y ait de fondement économique ou informationnel. S'agissant des acteurs des marchés, les sensibilités entre pays sont différentes. Il est très vraisemblable qu'au final le niveau de régulation sera sensiblement différent suivant les zones géographiques.

    Enfin, lors des travaux préparatoires au G20 de Pittsburgh, l'idée d'une régulation des hedge funds (fonds spéculatifs) présentant un caractère systémique avait été avancée. Rien n'a été fait, à l'échelle internationale, sur ce sujet. Au total, la régulation bancaire devrait se trouver sensiblement renforcée sans que l'on connaisse d'ailleurs ses effets potentiels sur l'économie. A côté d'une régulation bancaire renforcée, on risque de trouver un espace non ou moins régulé, celui des marchés, au motif fallacieux que ceux-ci seraient efficients. Or s'il existe bien un risque systémique imputable aux banques, il existe aussi un risque systémique de marché. C'est une question encore peu et mal traitée. C'est un vrai risque. C'est une vraie responsabilité pour les régulateurs.

    Georges Pauget

    Président honoraire du Crédit lyonnais (LCL)


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