Après le suicide d'un salarié, trois cadres de NYSE-Euronext renvoyés en correctionnelle

Ils seront jugés pour " harcèlement moral ". Pierre-André D. , directeur d'audit interne chez l'opérateur boursier, s'était pendu en octobre 2007

            Mis en cause dans le suicide d'un de leur collègue, trois cadres ou ex-cadres de l'opérateur boursier NYSE-Euronext sont poursuivis devant le tribunal correctionnel de Paris. Deux d'entre eux seront jugés pour " harcèlement moral ", le troisième pour " complicité " dans le cadre d'une procédure de " citation directe ". Le procès devrait se tenir durant le premier semestre 2010.

Le 20 octobre 2007, Pierre-André D. s'est donné la mort à son domicile, sans laisser de lettre pour expliquer son geste. Un an et demi plus tôt, il avait été promu au poste de directeur d'audit interne chez NYSE-Euronext, l'opérateur des Bourses d'Amsterdam, Bruxelles, Lisbonne, New York et Paris. Au sein de cette société coexistent des salariés de nationalités différentes. Elle a connu de profondes réorganisations suite à l'absorption de plusieurs entités depuis 2000.

Peu de temps après sa nomination, Pierre-André D. s'est heurté à deux de ses supérieurs hiérarchiques basés aux Pays-Bas et en Belgique. Ceux-ci lui ont retiré diverses attributions et ont cessé de lui confier des missions d'audit, estimant que sa maîtrise de l'anglais écrit était médiocre tout comme le travail qu'il effectuait. Dès l'été 2006, Pierre-André D. a signalé à la direction sa mise à l'écart. Mais aucune solution n'a été trouvée - dans un premier temps tout au moins. Au début de l'automne <st1:metricconverter productid="2007, l" w:st="on">2007, l</st1:metricconverter>'un de ses chefs lui a appris qu'il ne faisait plus partie du service et qu'il devait libérer son bureau pour qu'un manager américain puisse s'y installer. Deux jours avant l'arrivée de ce cadre, Pierre-André D. s'est pendu.

" Différences culturelles "

L'inspection du travail a mené une enquête puis écrit au parquet pour lui dire que les faits " pourraient être constitutifs de harcèlement moral ". Dans un autre courrier, elle lui a rappelé que deux expertises réalisées par des cabinets avaient mis en exergue des cas de souffrance au travail chez NYSE-Euronext. Selon elle, cette problématique était insuffisamment prise en compte par la société.

Interrogés par la police judiciaire, les trois personnes mises en cause et d'autres responsables du groupe ont indiqué que le traitement réservé à Pierre-André D. ne résultait nullement de la volonté de lui nuire. Les décisions prises à son encontre l'ont toujours été pour des motifs " professionnels et justifiés ", a fait valoir l'un de ses supérieurs hiérarchiques. Tous ont exprimé leur surprise face à son suicide car il était en train de se reclasser au sein de la société. Une réaffectation acceptée par Pierre-André D., même si des incertitudes planaient sur les moyens budgétaires qui lui seraient alloués.

Certains ont invoqué les " différences culturelles " entre <st1:personname productid="la France" w:st="on">la France</st1:personname> et les pays du Benelux, en matière de travail d'audit ou de relations sociales. Les tensions ont sans doute été aggravées par le fait que des cadres belge et néerlandais estimaient que le poste de Pierre-André D. n'avait plus de raison d'être car il doublonnait avec d'autres.

Chez NYSE-Euronext, on fait valoir que la police judiciaire, dans son rapport d'enquête rendu en mai 2008, affirme n'avoir recueilli aucun élément tangible attestant l'existence d'un harcèlement moral. En outre, le parquet détenait toutes les pièces du dossier dès l'été 2008, mais il n'a alors pas jugé opportun d'engager des poursuites, ajoute-t-on ; la décision de tenir un procès est intervenue " quatorze mois " plus tard. Sous-entendu : au moment de la polémique sur les suicides chez France Télécom.

Bertrand Bissuel

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