• De lourdes incertitudes pèsent sur la croissance dans la zone euro

    De lourdes incertitudes pèsent sur la croissance dans la zone euro

    Soutenue en Allemagne mais fragile dans d'autres pays, l'activité risque d'être freinée par les plans de rigueur

     

     

    Avis de brouillard sur la croissance en zone euro. Les nouvelles économiques en provenance des pays de la monnaie unique se succèdent, soufflant alternativement le chaud et le froid. Ainsi jeudi 28 octobre, la Commission européenne a indiqué que la confiance des chefs d'entreprise et des consommateurs de la zone euro avait atteint, en octobre, son plus haut niveau depuis décembre 2007.

    Pourtant, une semaine plus tôt, l'indice PMI révélait que la croissance de l'activité privée avait ralenti en octobre, pour le troisième mois consécutif. La reprise peut-elle caler ? Ou faut-il plutôt s'attendre à un atterrissage en douceur de la croissance européenne ?

    " On se trouve dans une période d'incertitude telle qu'on n'en avait pas connue depuis des décennies. Les indicateurs sont très confus, il est devenu extrêmement complexe de dire précisément où l'on va ", indique Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes. Au rang des bonnes nouvelles, la croissance robuste de l'Allemagne, première économie européenne : Berlin prévoit désormais une progression du produit intérieur brut (PIB) de 3,4 % cette année. Le nombre de chômeurs vient de repasser sous la barre symbolique des 3 millions. Les exportations carburent, les salaires grimpent, la consommation repart doucement. Un cercle vertueux dont pourrait profiter le reste de la zone.

    Pressions diverses

    Et pourtant, " l'Europe ne se réduit pas à la situation allemande, tout comme on avait tort, il y a six mois, de la résumer à la situation de la Grèce ", insiste Bruno Cavalier, chef économiste de la société de Bourse Oddo. L'économie européenne est aujourd'hui soumise à des pressions diverses, susceptibles de peser sur la reprise. Les experts s'inquiètent notamment des effets sur la croissance de la remontée de l'euro. Une appréciation qui tombe mal, au moment où les pays de l'eurozone s'apprêtent à passer ensemble de la relance à la rigueur.

    Au début de l'été, " on espérait que le resserrement budgétaire serait atténué par la baisse de l'euro. Ce n'est plus le cas ", souligne Gilles Moëc, économiste chez Deutsche Bank. Après avoir dégringolé de 16 % en six mois par rapport au billet vert, dans le sillage de la crise grecque, la monnaie unique a regrimpé d'autant depuis juin. Elle semble servir de variable d'ajustement sur un marché des changes soumis à de fortes tensions et s'échange désormais entre 1,38 et 1,40 dollar.

    S'il se poursuit, ce rebond risque d'éroder sérieusement la compétitivité des produits de la zone euro, donc de pénaliser les exportations au moment où le commerce mondial s'essouffle. Et, par ricochet, de décourager les entreprises souhaitant investir et embaucher. Pour les experts, un euro à 1,40 dollar pourrait, l'an prochain, amputer la croissance de 0,5 %, tandis que les politiques de réduction budgétaire devraient peser sur la demande intérieure.

    Faut-il croire au risque de rechute ? " On ne doit pas le surestimer, mais il existe ", juge Jean-Michel Six, chef économiste Europe chez Standard & Poor's. Un tel scénario a, selon lui, 20 % à 25 % de chances de se réaliser, notamment en cas de nouveau choc outre-Atlantique. L'économie américaine envoie elle aussi des signaux contradictoires. " Les Etats-Unis ne sont pas sortis du bois, estime M. Six. Le marché immobilier va toujours mal. "

    Dans le doute, la plupart des experts prédisent une croissance molle en 2011... tout en soulignant qu'une moyenne ne signifie pas grand-chose tant les disparités sont fortes entre les pays : la zone euro offre un tableau plus contrasté que jamais, partagée entre la locomotive allemande, les pays du " peloton " tels la France et l'Italie, et ceux de la " périphérie " affichant une croissance atone.

    Cette hétérogénéité complique la tâche de la Banque centrale européenne (BCE). " Si elle définit sa politique monétaire en fonction d'une moyenne des pays, elle risque de mécontenter tout le monde, si elle prend l'Allemagne comme référence, elle risque de pénaliser les plus faibles ", décrit Bruno Cavalier.

    Hésitations et désaccords sont perceptibles au sein de l'institut d'émission européen. Ses choix seront pourtant déterminants pour la reprise. Trop de laxisme créerait des déséquilibres. Mais trop de rigueur accélérerait à coup sûr l'appréciation de l'euro. A fortiori au moment où la Réserve fédérale américaine (Fed) s'apprête, elle, à assouplir sa politique monétaire.

    Marie de Vergès


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