• Face à l'érosion de la biodiversité, la France tâtonne

    Face à l'érosion de la biodiversité, la France tâtonne

    Faute d'une stratégie globale et cohérente sur tout le territoire, les objectifs fixés pour 2010 n'ont pas été tenus

    Les associations locales de défense de l'environnement ont été les premières à engager la bataille, fin 2008. Puis le parc naturel régional de l'Oise et, maintenant, le préfet leur ont emboîté le pas. Mercredi 24 février, suite à une plainte commune, Patrick Floury, le maire de la petite ville de Verberie, 3 500 habitants, était convoqué devant le tribunal administratif d'Amiens pour défendre sa décision de convertir 30 hectares de terres agricoles, situées sur le grand plateau rural du Valois, en zone industrielle destinée à accueillir une centrale thermique au gaz de 800 mégawatts.

    Pour l'élu local, le bien-fondé de son projet n'est pas contestable. Il procurera quelque 80 précieux emplois et rapportera plusieurs millions d'euros de recettes fiscales chaque année. Pour ses opposants, il est tout simplement aberrant : il met en péril un des derniers corridors écologiques de l'Oise, à un moment où la France s'est fixé pour objectif de concevoir d'ici à 2012 une grande trame verte garante de la continuité écologique à l'échelle du territoire.

    Succès ponctuels

    Cet objectif, inscrit dans la loi de programmation du Grenelle de l'environnement, est la mesure la plus ambitieuse décidée pour protéger la biodiversité. La fragmentation du territoire et la conversion des terres agricoles en zones urbanisées - au rythme de 74 000 hectares par an, soit plus d'un département tous les dix ans - sont parmi les principales causes de disparition des espèces et de destruction des écosystèmes. Le constat n'est pas nouveau, mais la situation s'est aggravée ces dernières années, et l'affaire de Verberie, loin d'être un cas isolé, raconte la chronique ordinaire des campagnes françaises.

    En France métropolitaine, une espèce d'oiseaux nicheurs sur quatre, un amphibien et un reptile sur cinq, un poisson d'eau douce sur cinq, une espèce de mammifère sur dix sont menacés d'extinction, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Comme les autres pays de l'Union européenne (UE), la France, qui s'était engagée à stopper l'érosion de la biodiversité d'ici à 2010, n'est pas au rendez-vous. " Sur les 55 plans nationaux de sauvegarde d'espèces, annoncés en 1996, 38 sont encore en cours de rédaction, 15 sont en cours de mise en oeuvre et deux seulement sont achevés ", relève Sébastien Moncorps, du comité français de l'UICN.

    La stratégie nationale pour la biodiversité, adoptée en 2004, dont l'une des priorités était d'intégrer la protection de la nature au coeur des grandes politiques sectorielles (transports, agriculture, urbanisme...), n'a pas été mise en oeuvre. Des progrès ont certes été réalisés, comme l'extension des aires protégées, dont la superficie représente aujourd'hui 12 % du territoire français, ou l'amélioration de l'état de conservation de certaines espèces emblématiques comme la loutre d'Europe ou le bouquetin des Alpes.

    Mais ces succès ponctuels ne sont pas suffisants pour enrayer le déclin de la biodiversité ordinaire, qui se joue hors des espaces protégés. Le programme de suivi temporel des oiseaux communs (STOC) a ainsi montré que la France a perdu, en vingt ans, 10 % des oiseaux communs nichant sur son territoire. Ce pourcentage atteint 20 % dans le cas des espèces agricoles.

    Avec le Grenelle de l'environnement, le gouvernement a promis d'ouvrir une nouvelle ère. Des décisions symboliques ont été prises, comme l'arrêt du projet minier de Kaw, en Guyane, ou, récemment, la demande d'inscription du thon rouge sur la liste des espèces interdites au commerce international.

    Alors que l'adoption du deuxième volet de la loi Grenelle a été reportée au lendemain des élections régionales de mars, les discours dénotent une certaine fragilité. " Quand j'interroge sur les espèces clés de voûte - celles sur lesquelles reposent les écosystèmes - , on ne sait pas exactement me répondre. Quand il s'agit d'évaluer les services économiques rendus par la nature, on ne dispose que de vagues approximations. Comment notre propre ministère peut-il décider sans plus de lumière ? ", s'interrogeait Chantal Jouanno, la secrétaire d'Etat à l'écologie, début février, devant l'Académie des sciences.

    Stratégie

    D'ici à la Conférence des Nations unies sur la diversité biologique, prévue en octobre à Nagoya (Japon), la France, en concertation avec ses partenaires de l'UE, devra pourtant avoir arrêté précisément les objectifs qu'elle se fixe au-delà de 2010. Elle devra aussi commencer à remettre à plat sa stratégie nationale pour la biodiversité, dont la première période arrivera à échéance en 2011. Beaucoup de questions restent en suspens, et la science est loin d'apporter toutes les réponses.

    En 1976, la loi sur la protection de la nature avait posé un principe simple pour encadrer l'emprise des activités humaines : " éviter " tout projet qui nuise à la biodiversité, à défaut en " limiter " au maximum l'impact, et si possible " compenser " celui-ci. Cette loi est restée en grande partie lettre morte. La faire appliquer constituerait déjà un bon début.

    Laurence Caramel

    131 espèces menacées, en majorité outre-mer

    La France, avec ses territoires d'outre-mer, est concernée par cinq des trente-quatre " points chauds " de la biodiversité mondiale. Ces points chauds - Méditerranée, Caraïbes, océan Indien, Polynésie et Nouvelle-Calédonie - sont des régions particulièrement riches en espèces endémiques. Ils sont aussi particulièrement menacés.

    La France abrite près de 10 % des récifs coralliens, ce qui la place au quatrième rang mondial, derrière l'Australie, l'Indonésie et les Philippines.

    Selon la liste rouge des espèces menacées établie par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la France se classe au 8e rang mondial des pays hébergeant le plus grand nombre d'espèces animales et végétales menacées. L'UICN en dénombre 131 considérées en danger critique d'extinction, ce qui - dans la classification de l'organisation - constitue le dernier stade avant l'extinction. La grande majorité de ces espèces vivent dans les territoires d'outre-mer.

    Cet article est le premier d'une série sur la biodiversité en France, qui en illustrera les enjeux à travers six espèces : la loutre d'Europe, le bouquetin des Alpes, l'albatros, la perdrix grise, le merlu et le pique-prune.

    Je les publierais des leur parution.
    Le développement durable

    Biodiversité en France:

    L'avenir de la perdrix grise, gibier roi du Centre-Nord, est lié aux pratiques agricoles
     


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