• G20 : les Européens reculent sur les bonus

                Du G20 qui s'est tenu à Londres, début avril, au plus fort de la crise des subprimes, a émergé un large consensus pour réformer de fond en comble l'architecture financière mondiale. Qu'en sera-t-il de cette détermination lors du G20 des 24 et 25 septembre à Pittsburgh, alors que la croissance économique redémarre ? A l'heure où les grands principes doivent être transformés en règles, d'importantes divergences sont apparues ces dernières semaines.

    Américains et Européens s'affrontent sur les sujets forts, en particulier sur le dossier symbolique des bonus des traders. Nicolas Sarkozy était favorable à un plafonnement de ces rémunérations, accusées d'avoir encouragé des prises de risques excessives. Barack Obama a opposé une fin de non-recevoir à cette suggestion : " Nous sommes dans un pays où, de manière générale, on ne dit pas : vous ne pouvez pas payer les gens à un niveau quel qu'il soit ", a déclaré le président américain, soucieux de défendre les intérêts de Wall Street et déjà accusé de " socialisme " par l'opposition républicaine pour son projet de réforme du système de santé. Plutôt que de s'entêter sur le principe d'un plafonnement de ces primes, les Européens ont choisi d'assouplir leurs positions jeudi 17 septembre, à l'issue de la réunion préparatoire du G20 à Bruxelles. " Si nous obtenons un accord sur tout le reste, c'est-à-dire sur les bonus-malus, le fait que le paiement de ces bonus soit étalé dans le temps et sur les exigences en matière de fonds propres des banques, on peut dire que nous aurons trouvé un accord acceptable ", a expliqué M. Sarkozy.

    Au-delà des bonus, l'Europe et les Etats-Unis doivent aussi trouver un terrain d'entente sur les autres dossiers de la régulation financière, en particulier les exigences en capitaux propres des banques et la réforme des normes comptables. Très active depuis son arrivée cet été au G20, <st1:personname productid="la Chine" w:st="on">la Chine</st1:personname> se tient prête à jouer les arbitres.

    Les bonus. Pour les négociateurs au G20, il s'agit d'un affrontement culturel avec, d'un côté, des Etats-Unis viscéralement attachés au libre jeu du marché, refusant l'idée d'un plafonnement des rémunérations du secteur privé, et de l'autre, une Europe influencée par les valeurs morales, réclamant limitations et sanctions pour les banques récalcitrantes.

    " L'opinion publique aux Etats-Unis aime l'idée que l'on puisse faire fortune en étant malin, et s'il y a des scandales, cela peut provoquer de l'indignation mais pas de grande mobilisation ", explique le sociologue Paul Jorion. " Il est impossible d'évoquer l'idée de plafond ou de quota sur les rémunérations du secteur privé, confirme Robert Shapiro, politologue à l'université new-yorkaise de Columbia, car personne, mieux que le dirigeant d'une entreprise, ne peut évaluer la qualité du travail et la rémunération appropriée de ses salariés. "

    Les Européens, France et Allemagne en tête, veulent au contraire " changer les incitations " d'un système financier orienté sur le court terme. " Aujourd'hui, souligne un participant aux réunions de cadrage du G20, le système de rémunérations paie le trader à court terme en générant des risques à long terme. "

    Dès lors, le match Etats-Unis/Europe pourrait se solder par l'adoption de grands principes communs comme l'étalement dans le temps des primes, afin de tenir compte des gains réalisés sur le moyen-long terme et plus seulement de gains spéculatifs à court terme. Ces principes, toutefois, ne changeraient pas fondamentalement la donne puisqu'ils sont déjà en vigueur dans les grandes banques d'affaires américaines, comme Goldman Sachs, et n'empêchent pas les excès. Incontestable champion des primes - avec 11,6 milliards de dollars (7,9 milliards d'euros) mis en réserve pour payer des bonus, Goldman Sachs fait ainsi savoir haut et fort qu'elle respecte déjà les principes du G20 !

    Les règles prudentielles des banques. Pour les Etats-Unis, ce débat d'apparence technique est bien plus important que celui des bonus. " Prôner un renforcement du capital des banques est la manière la plus efficace d'empêcher le monde de revivre les événements de l'automne dernier ", explique Timothy Geithner, le secrétaire américain au Trésor. L'idée consiste à relever les exigences de fonds propres des banques pour les rendre plus solides mais aussi pour éviter que les établissements ne s'endettent trop lourdement, en jouant sur le fameux " effet de levier " pour doper leurs profits.

    Sur ce point, l'Europe et les Etats-Unis, suivis par <st1:personname productid="la Chine" w:st="on">la Chine</st1:personname>, sont d'accord. Mais les méthodes de calcul des capitaux propres des banques divergent de part et d'autre de l'Atlantique : la méthode américaine favorise ses propres banques, en les faisant apparaître plus solides que leurs consoeurs européennes. Les Etats-Unis se sont engagés à passer à la méthode européenne dite de " Bâle II ", sous réserve d'obtenir certaines améliorations.

    " Les Etats-Unis sont d'autant plus prompts à accepter de relever les exigences de fonds propres que leurs banques se sont déjà renforcées après les stress tests - des tests de résistance à des scénarios de crise extrême - tandis qu'en Europe, et notamment en Allemagne, le sujet reste flou ", explique-t-on à l'institut Montaigne, un think tank créé en 2000 pour réfléchir aux grands enjeux économiques, politiques et sociaux.

    Les banques européennes tirent donc la sonnette d'alarme. " L'origine de la crise réside clairement aux Etats-Unis, ce serait paradoxal de pénaliser la compétitivité des banques européennes par rapport aux établissements américains ", a fait savoir Baudouin Prot, directeur général de BNP Paribas et président de <st1:personname productid="la Fédération" w:st="on">la Fédération</st1:personname> des banques françaises (FBF), lors d'une audition au Sénat mercredi 16 septembre. Pour M. Prot, il est impératif d'harmoniser les règles comptables, avant de relever les exigences de capitaux propres des banques. Sinon, " ce serait comme de dire que la température est de 22 degrés sans préciser s'il s'agit de centigrades ou de Fahrenheit " dit-il. Le problème est que la réforme des normes comptables est " l'autre " point d'achoppement entre Europe et Etats-Unis.

    Les normes comptables. Derrière ce thème complexe se cachent de véritables enjeux de politique économique. Le président de <st1:personname productid="la République" w:st="on">la République</st1:personname>, Nicolas Sarkozy, en a d'ailleurs fait l'un de ses sujets prioritaires pour le G20. L'idée est d'obtenir des règles internationales harmonieuses. Dans le cadre de ce débat, l'Europe, France et Allemagne en tête, veulent aussi remettre en cause la notion de comptabilisation des actifs des banques à la valeur de marché, le " mark-to-market ". Ce principe est accusé d'avoir amplifié les effets de la crise, obligeant les banques à enregistrer des pertes artificielles au moment de la crise du fait d'une réaction irrationnelle du marché. De plus, arguent les Européens, ces règles créent une incitation à gérer à court terme.

    Mais aux Etats-Unis, les résistances sont fortes pour remettre en question ce principe. " La valorisation de marché est le seul moyen d'être tout à fait transparent et objectif ", explique Robert Shapiro. Les lignes commencent toutefois à bouger, <st1:personname productid="la Réserve" w:st="on">la Réserve</st1:personname> fédérale, la banque centrale américaine, s'étant désolidarisée de <st1:personname productid="la Security" w:st="on">la Security</st1:personname> and Exchange Commission (SEC), le gendarme de <st1:personname productid="la Bourse" w:st="on">la Bourse</st1:personname>, pour se ranger aux positions européennes.

    Claire Gatinois et Anne Michel


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