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La gouvernance mondiale comme ils la rêvent
La gouvernance mondiale comme ils la rêvent
Alors que le G20 s’ouvre demain à Séoul, en Corée du Sud, cinq personnalités impliquées dans les institutions internationales livrent leur vision d’un ordre mondial idéal.
Dans la grotte, il y avait un chef de clan… Dans un monde devenu village, la gouvernance est souvent une question ignorée »,écrit notre collaborateur Jean-Marc Vittori, éditorialiste aux « Echos », en introduction du livre d’entretiens qu’il vient de publier aux éditions Autrement. Alors que s’ouvre ce jeudi 11 novembre le G20, nouveau cénacle où sont censées se régler les affaires du monde, notre confrère a eu l’idée de demander à cinq personnalités particulièrement impliquées dans les institutions internationales, leur vision et leurs aspirations pour une planète mieux dirigée. Christine Lagarde, ministre française de l’Economie, Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE ; Pascal Lamy, directeur général de l’OMC, François Bourguignon, directeur de Paris School of Economics et ancien vice-président de la Banque mondiale, et Michel Camdessus, ancien directeur général du FMI, se sont prêtés au jeu. Extraits.
D. FO.
Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’emploi.
« Une marguerite, avec un cœur exerçant la souveraineté internationale et ses pétales, FMI, OMC, OMS… »
Dans un monde rêvé, la communauté internationale identifierait les domaines de compétences relevant de la souveraineté internationale, ces «þiens publics mondiaux » dont parlent les économistes. Dans ces domaines parmi lesquels il y a notamment l’environnement, la santé et la finance, les grands principes seraient élaborés, respectés et mis en œuvre par une structure internationale à la fois représentative et efficace, nourrie de l’expertise et des propositions des grandes organisations internationales. Nous aurions ainsi une marguerite, avec un cœur exerçant la souveraineté internationale sur les biens publics mondiaux, et des pétales OMC, FMI, Forum de stabilité financière, Organisation internationale de l’alimentation, OMS, etc. Pour l’instant, nous avons déjà posé les premières pierres de la gouvernance mondiale qui existera dans vingt ou trente ans. A nous de la faire vivre et croître, à moins que les événements ne nous imposent une fois encore d’accélérer le processus… La gouvernance mondiale doit répondre à deux impératifs : représentativité et efficacité. Elle reste à inventer. Si nous cristallisions le G20 tel qu’il fonctionne aujourd’hui, nous aurions peut-être l’efficacité – à condition de maintenir l’impulsion, les programmes de travail et une structure assez mince et flexible –, mais sans doute pas la représentativité, car de nombreux États n’y participeraient pas. Plus que du G20, plus que des Nations unies, c’est sans doute des institutions de Bretton Woods – le FMI et la Banque mondiale – que nous pourrions nous inspirer pour bâtir cette gouvernance.
Angel Gurria, secrétaire général de l’Organisationde coopération et de développement économiques (OCDE).
« Des dirigeants convaincus,au service d’une idée, même sielle n’est pas populaire chez eux. »
Il faut qu’il y ait un, deux ou trois pays qui soutiennent pleinement une idée. Avec des dirigeants convaincus qui l’appuient très fortement, tout en étant prêts à accepter les suggestions en provenance des autres pays, même si elles ne sont pas très populaires chez eux. Mais le succès n’est jamais garanti. On peut se fixer un programme de travail sur vingt grands dossiers, on arrive à en faire avancer vraiment trois ou quatre… Dans le processus, les pays ont toutefois échangé des documents, des idées avec beaucoup de gens et d’organisations internationales, c’est essentiel pour la suite. Pour avancer dans la gouvernance mondiale, il faut faire un travail d’analyse et de compréhension ensemble. L’OCDE apporte ici sa contribution. Nous disons aux gouvernants et à l’opinion de chaque pays :« Sur tel ou tel sujet, regardez ce qui se fait ailleurs dans le monde. »Nous étudions en profondeur, nous produisons des rapports avec des suggestions… Nous avançons de la même manière sur des dossiers comme la gouvernance d’entreprise (presque toutes les grandes entreprises mondiales sont gérées selon des principes qui ont été élaborés ici, à l’OCDE), la corruption internationale, l’environnement, l’emploi des jeunes, l’administration électronique, l’éducation avec l’enquête Pisa… Nous avons aussi contribué au rapport de la commission Attali en France. En Israël, nous avons lancé le débat sur la place des ultraorthodoxes et des Arabes sur le marché du travail et plus largement dans le système social. C’est l’une de nos missions essentielles : nous portons le débat sur la place publique. Quitte à prendre des coups ! La place publique est une des enceintes et un des outils les plus précieux pour accomplir notre mission, plus importante sans doute que pour n’importe quel organisme international.
Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
« Convoquer les sciences pourforger un sentiment d’appartenance collective. »
Nous devons commencer par accepter l’idée que nous sommes dans un paradigme différent. La gouvernance mondiale ne peut pas être la réplique homothétique de systèmes nationaux. L’expérience de l’Europe montre que nous devons bâtir autrement, en allant au-delà des recettes pourtant vertueuses de Montesquieu, avec un pouvoir exécutif, un pouvoir législatif et un pouvoir judiciaire. Nous devons recourir à d’autres disciplines que l’économie, le droit, la science politique, celles que nous avions employées pour inventer la gouvernance nationale puis européenne. Il y a dans la gouvernance mondiale une dimension plus culturelle, plus sociologique, plus anthropologique. Nous devons convoquer ces sciences pour mieux comprendre comment se forme ce sentiment d’appartenance collective et d’identité qui constitue le substrat de la gouvernance… Tant que la légitimité du processus politique reste dans les Etats-nations, on ne peut faire sourdre une dose de supranationalité que par la voie des systèmes politiques nationaux. Et c’est très difficile aussi longtemps que les gouvernants ne sont pas tenus responsables devant leur opinion publique sur les questions internationales comme ils le sont sur les questions nationales. Il faut localiser les questions de gouvernance globale et non globaliser les questions de gouvernance locale. Or, l’approche classique de la gouvernance mondiale fonctionne en globalisant les sujets. Elle part de l’existence de problèmes mondiaux, qu’il faut donc traiter globalement. C’est vrai sur le plan conceptuel, mais pas sur le plan politique, car la légitimité reste locale, enserrée dans la gangue westphalienne de l’Etat-nation souverain. Bien sûr, il y a des citoyens du monde, des organisations non gouvernementales. Bien sûr, il y a des thèmes comme l’environnement, la protection des animaux ou l’accès aux médicaments qui ont été portés par des ONG multinationales – tout aussi multinationales, d’ailleurs, que les grandes entreprises qu’elles critiquent. Mais ces ONG savent bien qu’elles doivent exercer la pression d’abord sur les gouvernements.
François Bourguignon, directeur de Paris Schoolof Economics.
« Retrouver la volonté de préserver un bien public majeur : la paix. »
Je pense qu’une bonne gouvernance exige des règles de conduite, collectivement acceptées et unanimement respectées, et des décisions exécutoires. Dans ce sens, le G20, pas plus que le G8, ne constitue une forme de gouvernance. En revanche, le FMI, la Banque mondiale ou l’Organisation mondiale du commerce reposent bien sur de telles règles. Mais ces institutions ne couvrent qu’une petite partie du champ de la gouvernance économique mondiale… L’Europe est un exemple intéressant. Dans la seconde moitié du XXe siècle, elle a réussi à créer une gouvernance supranationale dans un nombre croissant de domaines. Non sans difficulté – mais, après tout, la gouvernance des Etats-Unis, souvent citée en modèle, n’a pas non plus été établie en un seul jour, elle est même passée par une guerre civile ! Le moteur premier de cette construction européenne était la volonté de préserver ce bien public majeur qu’est la paix. Avec le traité de Rome, les fondateurs espéraient que l’intégration commerciale éliminerait le risque de guerre, d’où l’importance de l’axe franco-allemand. Puis d’autres éléments ont joué. Les petits pays ont vu l’intérêt économique de se joindre à un grand marché. Les pays tout juste sortis de la dictature, comme l’Espagne, le Portugal ou la Grèce, ont trouvé dans l’Union un point d’ancrage pour leurs jeunes démocraties. Le même ressort a joué aussi à l’est de l’Europe et il en ira probablement de même un jour pour les Balkans… Le monde sera sans doute plus « multipolaire » qu’aujourd’hui, avec trois pôles principaux : le continent américain, l’Asie et un bloc Europe-Afrique (quoique cette dernière puisse aussi se rapprocher de l’Asie). Dans ce monde multipolaire, la concertation et la coordination au sein d’un G3 seront sans doute plus faciles qu’au sein d’un G20. Et en même temps moins nécessaires, car chacun des trois pôles fonctionnera assez largement en autosuffisance. Mais je voudrais aller au-delà de cet horizon pour passer peut-être du côté du rêve. Je rêve d’un temps où les individus seront citoyens du monde, où les problèmes de la planète seront leur principale préoccupation collective, où la redistribution aura lieu entre riches et pauvres indépendamment de leur nationalité. On y arrivera peut-être dans deux ou trois siècles. On en a pris au moins autant pour construire les Etats-nations qui font le monde d’aujourd’hui et qu’une gouvernance mondiale authentique se doit maintenant de dépasser.
Michel Camdessus, ancien directeur général du FMI.
« Un ordre mondial qui ne dépende plus d’un pays imposant sa loi. »
Nous sommes tous des vaincus de la crise. Et c’est donc la première fois dans l’histoire que nous devons créer un ordre mondial qui ne soit pas l’ordre du vainqueur. Un ordre multilatéral qui ne dépende plus d’un pays imposant sa loi et sa bénévolence – car je crois à la bénévolence des Romains il y a vingt siècles ou à celle des Américains au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ce qui suppose, pour nous qui sommes encore des « westphaliens » attachés à des Etats-nations, de forger ensemble un outil de gouvernance mondiale en lequel nous croyons tous. Face à une mondialisation qui a déployé son efficacité, ses progrès, mais aussi ses excès, notamment en matière financière, il y a urgence. Lorsqu’on regarde le surplomb de dollars constitué par les masses de monnaie américaine détenues partout dans le monde, il y a de quoi s’inquiéter. Pensez qu’il suffirait aujourd’hui d’un fou accédant à la tête de la Banque de Chine et d’un accident géopolitique quelque part pour que tout le système financier mondial s’effondre. Et si nous ne faisons rien, l’euro risque de valoir un jour 2,50 dollars. Pour éviter ces chocs, nous devons agir ensemble… Je rêve d’un monde où tout ce qui relève des ressources de la planète soit sous le chapeau d’une institution ressemblant au G20 : l’économique, le social, le financier, les échanges, l’environnement qui tombe naturellement dans le champ couvert en matière de développement par la Banque mondiale. Dans ce G20, le pouvoir de chaque pays serait déterminé par son poids économique et démographique – à l’inverse par exemple du G7, où la décision était prise par consensus sur la base le plus souvent du plus petit commun dénominateur des sept pays. L’autre grande question mondiale, la paix, relève évidemment des Nations unies.
Pour une gouvernance mondialeChristine Lagarde,Angel Gurria,Pascal Lamy,François Bourguignon,Michel Camdessus. Entretiens avecJean-Marc Vittori. Editions Autrement. 99 pages. 10 euros.bloombergbloombergJose Giribas/ROPI-REANicolas MARQUESBruno Lévyreuters
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Commentaires
Merci pour ce texte que je met en Tribune libre.Et serais heureux de publier d'autres points de vue de Vous.
A bientôt
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Voilà qu’avec le sommet du G20 va être célébrée la grand-messe de la mondialisation à l’occasion de laquelle devraient être consacrées les lois d’une bonne gouvernance mondiale !
La mondialisation est devenue un champ de bataille sur lequel s’affrontent tenants et opposants, affligés tous qu’ils sont dans ce domaine – comme dans beaucoup d’autres- du syndrome du thermostat.
Ils manipulent en effet cet instrument complexe de la mondialisation de la même façon que beaucoup d’entre-nous manipulent le thermostat en n’en reconnaissant que les positions extrêmes.
Les inconditionnels de la mondialisation clament : « Tout et tout de suite ! », « Rien et jamais ! » s’insurgent les opposants.
Les premiers n’ont jamais clairement défini ce qu’ils entendent par cette mondialisation à laquelle s’opposent les seconds.
Il faut bien reconnaître que les premiers entendent que la mondialisation ne soit qu’un processus d’ouverture des économies nationales sur un marché planétaire. L’Homme étant sans importance, le processus doit être instantané quelles qu’en soit les conséquences sociales.
Les seconds s’opposent à la mondialisation dans la mesure où elle n’est pas, avant toute autre chose, cet objectif vers lequel devrait tendre l’humanité d’assurer l’épanouissement de l’Homme par la communication et l’échange entre individus dans le respect des différentes cultures.
L’ineffable concept de développement dit durable est l’outil, parfait utilisé par les premiers pour parvenir à leurs fins, ses composantes sont dans l’ordre des priorités : l’Économie, l’Environnement et le Social
Ne serait-il pas plus raisonnable, ce développement étant qualifié d’autoporteur, que sa seule composante soit le Social, de façon à atteindre le parfait épanouissement de l’Homme, l’Économie n’étant que l’outil pour y parvenir, mis en ½uvre dans le respect de l’Environnement ?
Mais ne serait-ce pas la soif de pouvoir de maints de nos gouvernants qui, au travers de cette mondialisation effrénée, leur fait rechercher les secrets d’une gouvernance mondiale qui ne saurait porter que sur l’Économie ?
N’oublient-ils pas le malheureux dans leur conception uniquement matérialiste de la gouvernance, qu’il sera éternellement vain de vouloir gouverner un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ?
Joseph Staline se prélasse à Sotchi au lever du soleil. Il est un peu surpris, mais pas trop quand même, que l’astre du jour s’adresse humblement à lui.
« Oh grand Staline sais-tu à quel point je t’admire ? Tu es un homme merveilleux, un grand chef, un petit père adorable pour le peuple qui t’aime tant. Permets que ma modeste lumière éclaire ton merveilleux empire je te promets de ne pas te porter ombrage. ».
« Mais oui camarade soleil, toutefois ne t’attarde pas trop dans certains recoins où il n’y a rien d’intéressant pour toi, d’ailleurs je te ferai surveiller. ».
Le soir est venu Staline avide de compliments et de flatteries revient se prélasser sur la plage.
Le soleil ne dit rien, il l’interpelle donc : « Dis donc camarade soleil t’aurait-on coupé la langue que tu ne dis plus rien, ou as-tu oublié de me faire louanges et compliments que je mérite tant ? » « Que non ! mais maintenant mon petit bonhomme je suis passé à l’Ouest ! ».
Bergerac le 5 novembre 2010
Jean-Pierre Canot