• La PAC est morte, vive la PAC !

    Europe agricole : quelle réforme ?

    La PAC est morte, vive la PAC !

    Le débat va s'engager, en 2010, sur l'avenir de la politique agricole commune. Il s'annonce complexe : si la PAC reste le premier budget de l'Union, elle fait l'objet de critiques nombreuses sur ses finalités et ses modalités

     

                Mettre l'alimentation au coeur de la PAC est la stratégie que la France a choisie pour défendre la politique agricole commune (PAC). Il suffit de rappeler qu'il y a à peine un an, la PAC était présentée comme une boîte à outils pour mesurer le chemin parcouru ou plutôt le changement de direction. La France tente de donner du sens à une politique qui n'en a plus.

    Réforme après réforme, la PAC a perdu toute légitimité. Elle est de moins en moins politique, puisque la PAC est avant tout un budget, sans autre stratégie que son démantèlement. Elle est de moins en moins agricole puisque le développement rural, second pilier de la PAC, est un patchwork qui mêle ruralité, environnement, accompagnement social, mais sans lien avec la production agricole. Enfin, elle est de moins en moins commune, puisque le cofinancement se banalise et que les droits de paiement prétendument unique (DPU) sont, en vérité, calculés par chaque Etat comme il l'entend.

    Réforme après réforme, la PAC s'est transformée pour n'être plus qu'une politique d'assistance et de solidarité : les deux tiers des 50 milliards de la PAC sont consacrés aux " droits à paiement unique " (DPU), sorte de rentes accordées indépendamment des productions et des prix. Les agriculteurs réclament - avec raison - " des prix, pas des primes ", mais quand les prix sont hauts, ils touchent les uns et les autres. Alors DPU ou DPI (droits à paiement inique) ? Confidence d'un élu local : " Heureusement que les citoyens ne savent pas comment ça se passe, s'ils le savaient, cela exploserait. "

    La PAC a aussi perdu tout soutien. Les agriculteurs n'y croient plus, contraints de défendre un système d'aides sans lesquelles ils ne pourraient vivre, mais qu'au fond, ils abhorrent ; les gouvernements sont las de débattre des dotations agricoles ; et l'opinion est de plus en plus critique à l'égard des subventions et du mode d'exploitation. En une génération, le paysan nourricier est devenu l'agriculteur pollueur.

    La PAC n'a plus de sens. La PAC est morte, vive la PAAC, politique agricole et alimentaire commune. Sauver la PAC suppose cependant quatre conditions.

    L'Etat doit faire sa révolution

    La PAC ne sera sauvée que si l'opinion considère qu'elle est utile. Pas seulement profitable aux agriculteurs, utile aux citoyens et aux consommateurs. Il faut donc orienter les aides européennes vers ce qui les intéresse : l'alimentation.

    Le citoyen est certainement heureux de savoir que la France est le premier exportateur européen de céréales et de sucre, mais il le sera encore plus si les prix de la viande, du lait, des fruits et légumes sont plus accessibles. En agriculture, il y a des secteurs qui parlent au coeur des citoyens et des soutiens qui vont au porte-monnaie des producteurs. Entre les deux, il faut choisir. La priorité alimentaire induit un nouvel équilibre des appuis.

    Pour que la société adhère à une politique, elle doit être comprise. La PAC est illisible aujourd'hui. A quoi servent les 10 milliards versés chaque année à la France ? Même les agriculteurs ne le savent pas ! Plus le lien entre le produit brut et le produit consommé sera direct, et plus l'aide européenne sera admise.

    Cela suppose aussi deux révolutions culturelles. L'Etat doit faire la sienne. L'Etat mène une politique agricole du XIXe siècle où l'essentiel était de calmer les jacqueries. Plan après plan, l'Etat a cessé de s'occuper d'agriculture pour ne s'intéresser qu'à la paix sociale. Il ne peut y avoir de PAC sans vision. Comment faire coexister deux modèles de production, celui qui réussit et celui qui rassure ?

    Les agriculteurs aussi doivent faire la leur. La PAC sera au coeur des débats européens des deux prochaines années. Il leur faut impérativement trouver des alliances avec leurs partenaires européens et faire des propositions qui ne soient pas des retours en arrière. Certes, les agriculteurs sont avant tout des producteurs qui ne ménagent pas leur peine sans être payés en retour, mais le monde agricole doit ouvrir les bras et non pas fermer ses poings.

    Aujourd'hui, l'agriculteur se pose avant tout en producteur de matières premières. Le reste ne le concerne pas. Les agriculteurs ne peuvent demander la solidarité des citoyens - car la PAC c'est aussi cela - s'il n'y a pas de solidarité interne et cette ouverture aux citoyens.

    Cela fait longtemps que l'agriculture a cessé d'être une question seulement agricole. L'orientation vers l'alimentation est une chance que les agriculteurs doivent saisir. Ce sera la dernière.

    Nicolas-Jean Brehon

    Economiste agricole auprès de la Fondation Robert-Schuman

    Le développement durable


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :