• Le bouclier fiscal, recul d'une certaine idée de l'identité nationale Gilles Bridier

    Le bouclier fiscal, recul d'une certaine idée de l'identité nationale

    En instaurant une solidarité à l’envers, le bouclier fiscal porte atteinte à des valeurs de <st1:personname productid="la République" w:st="on">la République</st1:personname> qui ont permis de créer <st1:personname productid="la Sécurité" w:st="on">la Sécurité</st1:personname> sociale.

     

    Identité nationale: dans ce concept à manipuler avec précaution, figure la notion de «nation», qui suppose des valeurs communes et des projets collectifs. En France, la solidarité - territoriale, intergénérationnelle... - est coulée dans le bloc des valeurs républicaines. Elle a aussi porté les grandes avancées sociales du siècle dernier, et il ne s'agit pas de mots creux. Les réalisations furent très concrètes. Aujourd'hui,  elles sont en perte de vitesse. Le bouclier fiscal mis en place à l'initiative du président de <st1:personname productid="la République" w:st="on">la République</st1:personname> en fournit la démonstration: qui soutiendra que ce n'est pas un pied de nez au principe de solidarité, surtout en pleine crise économique? Et qu'il ne dénature pas une valeur de la nation? Travaux pratiques, avec <st1:personname productid="la Sécurité" w:st="on">la Sécurité</st1:personname> sociale.

    Le système de soins instauré en 1945, qui a créé  un accès aux soins pour tous et installé <st1:personname productid="la Sécurité" w:st="on">la Sécurité</st1:personname> sociale pour le remboursement des soins, est un exemple très concret de solidarité nationale. N'en déplaise à tous ceux qui décrient aujourd'hui le système, il n'est pas démodé: l'Organisation mondiale de la santé (OMS) l'a porté en exemple, et Barack Obama aux Etats-Unis ne souhaiterait rien d'autre que de pouvoir en greffer le principe, même partiellement, sur la politique de santé américaine.

    CSG et CRDS dans le boucler fiscal

    Qu'aujourd'hui, avec un déficit qui atteindra 24 milliards d'euros cette année et probablement 30 milliards l'an prochain, <st1:personname productid="la Sécurité" w:st="on">la Sécurité</st1:personname> sociale entraîne les fonds publics dans le mur, est une autre réalité. Toutefois, cela ne tient pas à la philosophie du système, mais à la façon dont il est géré... notamment parce que le sentiment de solidarité s'étiole. De ce point de vue, l'exemple est donné au plus haut de l'Etat par le bouclier fiscal qui, en plus de l'ISF, l'impôt sur le revenu, la taxe foncière et la taxe d'habitation, englobe <st1:personname productid="la CSG" w:st="on">la CSG</st1:personname> et <st1:personname productid="la CRDS" w:st="on">la CRDS</st1:personname> destinées d'une part à contribuer au financement des dépenses de santé, d'autre part à participer au remboursement de la dette contractée à cet effet. Ainsi, les foyers les plus riches ne sont pas tenus d'alimenter les caisses du système de soins au même titre que les foyers qui ne peuvent s'abriter derrière le bouclier fiscal. Cherchons l'erreur.

    Des règles contournées

    <st1:personname productid="La Contribution" w:st="on">La Contribution sociale généralisée (CSG) créée par Michel Rocard dans la loi de finance pour 1991, est due par tous les résidents en France. Elle est prélevée à la source de la plupart des revenus à l'exception des prestations sociales et familiales. Aujourd'hui, taxant notamment à 7,5% les revenus d'activité et à 8,2% les revenus du patrimoine et de placements, elle rapporte plus de 75 milliards d'euros et représente près des deux tiers des impôts et taxes affectés à la protection sociale. Elle alimente la branche famille et la branche maladie de <st1:personname productid="la Sécu" w:st="on">la Sécu</st1:personname>, le fonds de solidarité vieillesse et la caisse nationale dite de solidarité pour l'autonomie destinée à la prise en charge des personnes en situation de dépendance. Mais retenons surtout que, dans une démarche de solidarité nationale pour la sauvegarde de la protection sociale, tous les résidents en France sont soumis à <st1:personname productid="la CSG." w:st="on">la CSG.</st1:personname></st1:personname>

    En 1996, c'est au tour d'Alain Juppé de créer la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), pour éponger le déficit de <st1:personname productid="la Sécu. Touchant" w:st="on">la Sécu. Touchant</st1:personname> tous les types de revenus et donc - là encore - tous les Français, cette CRDS se déverse dans une caisse d'amortissement de la dette sociale (<st1:personname productid="la Cades" w:st="on">la Cades</st1:personname>) destinée à combler le trou de <st1:personname productid="la Sécu. Jean-Pierre" w:st="on">la Sécu. Jean-Pierre</st1:personname> Raffarin, alors à Matignon, à voulu introduire des accommodements dans l'utilisation de cette taxe, sur lesquels son successeur Dominique de Villepin est revenu. Retenons là encore que personne en principe ne doit passer au travers du filet de cette contribution destinée à rembourser une dette contractée par <st1:personname productid="la Sécurité" w:st="on">la Sécurité</st1:personname> sociale pour la collectivité nationale.

    La solidarité à l'envers

    Deux taxes pour tous, au nom de la solidarité nationale... sauf pour les foyers fiscaux les plus aisés. En l'occurrence, il n'est de solidarité en matière de prélèvements sociaux que pour les foyers les moins aisés. On pourrait dire que, avec ce bouclier fiscal qui intègre CSG et CRDS, les foyers les plus riches - qui se font pourtant rembourser des prestations médicales comme les autres - profitent de ce principe de solidarité sans y être astreints.

    L'opposition tire à boulets rouges sur le bouclier en question. Elle est dans son rôle, mais elle n'est pas seule. Pierre Méhaignerie, membre de la majorité et président de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> des affaires sociales de l'Assemblée nationale, réclame entre autres la sortie de <st1:personname productid="la CSG" w:st="on">la CSG</st1:personname> et de <st1:personname productid="la CRDS" w:st="on">la CRDS</st1:personname> du bouclier fiscal; Jean-Luc Warsmann, président de <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> des lois, est sur la même ligne. Ils ne sont pas les seuls. Tous réclament une rectification la politique fiscale imposée par la conjoncture. Nicolas Sarkozy refuse: «Je n'ai pas été élu pour augmenter les impôts». Mais ils augmentent... sauf pour les bénéficiaires du bouclier fiscal.

    Quand on oppose l'intérêt de certains à celui de tous

    Le débat va plus loin qu'une simple adaptation conjoncturelle et comptable. On n'est pas, ici, à additionner des millions ou des milliards d'euros. Avec ce périmètre du bouclier voulu par le Président de <st1:personname productid="la République" w:st="on">la République</st1:personname>, c'est le principe de solidarité nationale qui est bafoué. Nicolas Sarkozy oppose des intérêts individuels à un intérêt collectif, et défend les premiers pour écorner l'autre. Le pacte républicain ainsi bradé, que reste-t-il d'une des spécificités de la nation française vue à travers cette valeur de solidarité? Ainsi le bouclier fiscal, englobant CSG et CRDS, constitue-t-il un recul dans la manifestation d'une «identité nationale».

    Systèmes en péril

    Le système de retraite par répartition est un autre exemple concret de la solidarité entre les générations. Qu'il faille l'adapter pour prendre en compte de multiples paramètres comme l'arrivée à la retraite d'une génération du baby boom ou  l'augmentation de l'espérance de vie, est une réalité et un problème de gestion du système. On peut même considérer que des compléments de retraite sont nécessaires, à l'initiative de chacun: ce fut fait de tous temps. Mais le principe de la répartition exprime de façon très intime la solidarité entre les générations à l'intérieur d'une nation. C'est pourquoi il mérite mieux que les empoignades dont il est l'otage pour des motifs strictement politiciens. A moins qu'on ne veuille démontrer son inadaptation que pour mieux l'enterrer, et mettre fin à une forme de solidarité qui participe de la spécificité de la nation française. C'est un autre sujet, mais finalement tout à fait comparable à celui du système de soins.

    Gilles Bridier, chroniqueur pour Slate, journaliste économique à Api.doc. Il est passé par les rédactions des Echos, de Libération, du Monde et de <st1:personname productid="La Tribune." w:st="on">La Tribune.</st1:personname>


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