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Le destin de Fannie Mae et Freddie Mac suspendu à la reprise de l'immobilier
Le destin de Fannie Mae et Freddie Mac suspendu à la reprise de l'immobilier
Les deux géants américains du crédit hypothécaire ont encore besoin de 73 à 215 milliards de dollars
New York Correspondant
Record battu ! Triste record que celui du montant maximal du " renflouement " par les pouvoirs publics américains que détenait jusqu'ici l'assureur AIG, recapitalisé par l'Etat fédéral à hauteur de 190 milliards de dollars. Jeudi 21 octobre, l'Agence fédérale de financement du logement (FHFA), autorité de tutelle des deux géants du refinancement du crédit immobilier aux Etats-Unis, Fannie Mae et Freddie Mac, a annoncé que leur maintien à flot nécessiterait l'injection de 73 à 215 milliards de dollars (52,3 à 154 milliards d'euros) supplémentaires sur trois ans.
Les chiffres de la FHFA résultent d'une " étude de résistance " (stress test) menée en fonction de trois simulations prenant en compte l'évolution des prix de l'immobilier, la perspective de croissance et le risque de retombée de l'économie américaine en récession. Sa conclusion : l'option la plus favorable (stabilité des prix de l'immobilier) nécessiterait 73 milliards de dollars supplémentaires ; la plus pessimiste, qui envisage un effondrement des prix immobiliers de 25 % d'ici à fin 2011, atteint 215 milliards ; la médiane (recul de 5 % à 10 % des prix) se situe entre ces extrêmes. Fannie Mae et Freddie Mac ayant jusqu'ici perçu 148 milliards de dollars, l'investissement public dans leur sauvetage, depuis leur mise sous tutelle publique en septembre 2009, pourrait donc atteindre la somme maximale irréelle de 363 milliards de dollars en cinq ans : sept fois le renflouement de General Motors !
Chiffres monumentaux
Ces deux organismes ont eu historiquement un caractère hybride particulier : parfaitement privés et cotés en Bourse, ils protégeaient les prêts immobiliers octroyés par les banques et les sociétés de crédit soit en les rachetant directement, soit en les garantissant. De ce fait, ils bénéficiaient d'un statut d'" entité sous parrainage public " avec possibilité d'emprunter eux-mêmes à taux préférentiel. Lorsque la bulle des subprimes a explosé, Fannie et Freddie détenaient 45 % des 12 000 milliards d'encours des prêts immobiliers aux Etats-Unis. Très actives dans le lobbying au Congrès, elles avaient également énormément investi dans le marché boursier des subprimes.
Ce sont les conséquences d'une gestion soumise aux aléas des marchés de deux mastodontes privés censés protéger l'intérêt général qui sont aujourd'hui en débat aux Etats-Unis. Les projections de la FHFA, a indiqué son président, Edward DeMarco, sont " destinées à donner aux décideurs politiques et à l'opinion les données utiles " pour fixer l'avenir de Fannie Mae et Freddie Mac. L'administration Obama devrait déposer en janvier 2011 un projet prévoyant leur refonte complète. En attendant, l'Etat leur a demandé de voler plus encore au secours des banques détentrices de titres hypothécaires " pourris " et surtout d'oeuvrer au desserrement du crédit, auquel les banquiers rechignent. De sorte qu'elles détiennent désormais la moitié de l'encours des emprunts immobiliers et qu'elles ont financé 62 % des emprunts débloqués durant les six premiers mois de cette année, selon l'organisme Inside Mortgage Finance. Incidemment, elles ont évité un effondrement encore plus énorme du secteur immobilier, hantise de la Maison Blanche.
Bien que " couverts " sans limite par le Trésor depuis fin 2008, ces deux sociétés sont tenues de rembourser à l'Etat les avances perçues pour éviter la faillite. Fannie et Freddie ont déjà restitué 13 des 148 milliards de dollars reçus. Selon la FHFA, après restitution des fonds sur les années à venir, le coût de leur renflouement pour le Trésor américain se situerait à terme autour de 150 milliards de dollars.
Alors que les élections législatives générales du 2 novembre se profilent, ces annonces ne sont pas une bonne nouvelle pour le président Barack Obama, même si M. DeMarco a indiqué que " 90 % des pertes de Fannie Mae et Freddie Mac sont derrière nous ". Le risque est que l'opinion ne retienne que les chiffres, qui apparaissent monumentaux. Or, depuis le début de la crise, les républicains présentent les deux géants nationalisés comme l'exemple type de la gabegie des entreprises publiques.
Sylvain Cypel
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