• Le maintien des filets sociaux exige de nouvelles recettes

    Le maintien des filets sociaux exige de nouvelles recettes

    La crise aggrave les déficits des systèmes de protection et met en évidence les limites des réformes menées jusqu'ici

     

                Gel des salaires des personnels de santé en Hongrie et en Islande, annonce par le gouvernement néerlandais de 20 % d'économie sur les dépenses sociales en 2010, effondrement des actifs des fonds de pension de 23 % en moyenne dans les pays riches (40 % en Irlande), annonce par le nouveau gouvernement japonais d'une forte augmentation des budgets sociaux, et plan Obama pour la santé... En énumérant ces événements récents, Valérie Paris et Monika Queisser, expertes à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), respectivement sur les questions de santé et de retraite, confirment qu'" aucun modèle de protection sociale ne peut se déclarer indemne de la crise ". Même les Suédois qui, dans un souci d'équilibre budgétaire salué à l'époque par nombre d'économistes, ont voté en <st1:metricconverter productid="1998 l" w:st="on">1998 l</st1:metricconverter>'indexation du montant des pensions sur la croissance, ont dû y renoncer, car la chute du produit intérieur brut (PIB) aurait entraîné une baisse des pensions de 3 % en 2009 et de 4 % en 2010 !

    Si les assurances privées par capitalisation ont souffert, les régimes publics par répartition vont aussi voir leurs recettes durablement affectées par la montée du chômage et de l'emploi précaire et par les médiocres taux de croissance prévus pour les années à venir.

    " En France, avec des dépenses qui augmentent trois fois plus vite que les recettes, les déficits vont s'accentuer, observe Bruno Palier, chercheur au Centre d'études de la vie politique française (Cevipof, Sciences Po). On peut les tolérer en 2009 et 2010, parce que c'est la crise, en 2011 parce que... il y a l'élection présidentielle, mais en 2012, il faudra bien faire quelque chose ! " Ce quelque chose doit-il être la poursuite, voire l'accentuation, des réformes lancées dans pratiquement tous les pays de l'OCDE depuis quinze ans ? " La crise, qui induit principalement un déficit de recettes, ne peut que renforcer la recherche d'une meilleure efficience du système de soins ", note Yann Bourgueil, directeur de recherches à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes).

    Globalement, les réformateurs ont suivi deux axes : l'injection d'une dose d'assurance privée, pour la santé comme pour les retraites ; la réorganisation des systèmes de soins pour abaisser le coût de l'assurance publique. Ces deux approches se mélangent à doses variables selon les pays et selon des modalités tout aussi variables. L'assurance privée peut être obligatoire (Suisse, Pays-Bas), volontaire (Royaume-Uni ou Danemark) ; elle peut être " à contribution définie " (la cotisation obéit à des règles fixes, et non à la volonté d'épargne individuelle), comme en Australie, ou " à prestations définies " (le montant des indemnités est garanti), comme aux Etats-Unis.

    La rationalisation des systèmes de soins, elle, tient généralement à une obligation de coordination entre cabinet médical, hôpital et assureur à l'échelle d'un territoire (par exemple les HMO - Health Maintenance Organizations -, créées dès 1973 aux Etats-Unis), à un contrôle des pratiques et des prescriptions qui conditionne le remboursement (par le National Institute for Clinical Excellence - NICE - au Royaume-Uni), et à la " modernisation " de la gestion des hôpitaux (les " plans hôpitaux " 2007, puis 2012, en France).

    Rationnement des soins

    Mais la rationalisation ou la privatisation partielle des systèmes de protection sociale ont souvent débouché sur un rationnement des soins ou sur l'aggravation des inégalités d'accès aux prestations. Aux Etats-Unis, la crise va doubler dans les deux ans le nombre des non-assurés - aujourd'hui 46 millions - si rien n'est fait.

    L'effondrement des fonds de pension a provoqué la baisse des revenus de millions de retraités au Royaume-Uni, en Australie, en Pologne. En France, l'augmentation continue des forfaits médicaux ou hospitaliers accroît le taux de renoncement aux soins pour les ménages à faibles revenus

    qui ne bénéficient pas de la couverture maladie universelle.

    L'approche comptable et la privatisation des systèmes de protection sociale ont montré leurs limites. Si l'objectif d'un système de protection sociale demeure celui d'un accès égal à des soins de qualité ou à une pension décente, à un coût supportable pour chacun, le problème réside désormais dans la recherche de nouvelles recettes plutôt que dans la limitation des dépenses ou la sélection des assurés.

    Faut-il, dans un but redistributif, rendre la charge proportionnelle au revenu, au risque de voir les plus riches s'évader du système ? Ou établir un forfait unique, quitte à aider les plus pauvres ?

    " Ce n'est pas l'argent qui manque, affirme Bruno Palier. En France, les 17 milliards d'euros d'exonération des heures supplémentaires et l'établissement de <st1:personname productid="la CSG" w:st="on">la CSG</st1:personname> sur les revenus des jeunes retraités et des bénéficiaires du bouclier fiscal combleraient les 25 milliards d'euros de déficit structurel - non-liés à la crise - de <st1:personname productid="la S←curit←" w:st="on">la Sécurité</st1:personname> sociale. "

    Comme le montre le violent affrontement autour du plan santé présenté par Barrack Obama aux Etats-Unis, la crise pourrait avoir au moins pour effet positif de déplacer la question du statut de querelle d'économistes à celui de débat politique majeur.

    Quel modèle social résistera le mieux à la tourmente ? 


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :