• "Le temps du "fine tuning""(Jean-Hervé Lorenzi)

    Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes, revient sur la problématique de l'endettement des Etats pour sortir de la crise après la décision allemande de baisser la pression fiscale.

     

    Le problème central aujourd’hui des politiques économiques et donc des économistes est de cerner l’incertitude et dans la mesure où jamais elle ne fut aussi présente de tenter de la maîtriser. L’incertitude, on la retrouve partout depuis deux ans : dans les chiffres comme dans les opinions. Souvenez-vous, les premiers chiffres donnés sur les créances douteuses des banques en août 2007 et ceux d’aujourd’hui, près de cent fois plus. Quant aux opinions, elles fluctuent au gré de chiffres quotidiens, souvent contradictoires et de réflexions insuffisamment bâtis. Il y a quelques semaines, chacun voyait l’Allemagne redonner aux autres pays le goût de la vertu budgétaire. Les bonnes nouvelles sur l’activité économique mondiale conduisaient à privilégier les modalités d’un effacement progressif des politiques de soutien aux économies. Mais, la fin du mois d’octobre est venue déjouer tous les pronostics et c’est à partir des décisions d’aujourd’hui que l’on peut esquisser une chronologie soigneuse des mesures de politiques économiques souhaitables : un véritable « fine tuning ». Madame Merkel a en réalité défini le cadre dans lequel il faut que nous réfléchissions pour les douze mois qui viennent.

    La décision de baisser la pression fiscale sur les entreprises comme sur les ménages, avec une ampleur très significative souligne le fait que la vision allemande est très claire sur deux points. 2010 ne peut être une année de forte reprise et le chômage, surtout si l’on abandonne leurs mesures spécifiques de chômage partiel, va augmenter, d’où le maintien d’une politique confirmée de soutien de l’activité. Et puis la stratégie économique ne change pas : l’économie sera en 2010 comme dans les années qui suivent tirée par les exportations et cela nécessite de renforcer la compétitivité des entreprises. La conséquence est importante : il n’y aura pas de modification de la stratégie de <st1:personname productid="la Banque Centrale" w:st="on">la Banque Centrale</st1:personname> Européenne. Comment pourrait-on imaginer qu’à Francfort on se mette à durcir les conditions de prêt alors même qu’à Berlin on soutient l’activité ? Ceci dessine donc 2010 et vraisemblablement 2011.

    Le vrai talent consistera pour les allemands comme pour nous à choisir le moment opportun où l’on décidera de diminuer les politiques budgétaires actives, c'est-à-dire où l’on commencera à traiter en priorité le problème de l’endettement. Sur l’organisation du temps, les choix de Madame Merkel ont donc désormais éclairés les décisions en Europe. Jusqu’en 2016, date de limitation constitutionnelle du déficit budgétaire, on verra que sa politique sera parfaitement adaptée à la réalité de la conjoncture mondiale européenne et allemande.

    Dans cette perspective heureusement plus coopérative que par le passé, la politique française doit également faire du « fine tuning ». Cela ne sert à rien de répéter inlassablement la dette, la dette, la dette, alors qu’on sait parfaitement qu’elle augmentera dans les douze à vingt-quatre mois et que nous n’avons pas d’autre choix. De la même manière, nous n’avons pas d’autres possibilités que de bâtir une politique économique tentant de rompre avec notre problème macro-économique principal, la perte de compétitivité constatée de l’économie française depuis une dizaine d’années. Dans cette perspective-là, le grand emprunt ne doit pas être abordé sous l’angle de l’endettement complémentaire, mais sous celui d’une prospective. Celle-ci permettra de déterminer les domaines d’activité, en nombre limité, que secteur public et privé associés, peuvent développer efficacement dans un délai de cinq à dix ans. Là aussi, la méthode, la séparation des sujets et la chronologie des décisions sont la base d’un « fine tuning ».

     


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