• Les eaux souterraines mondiales sont surexploitées

    Les eaux souterraines mondiales sont surexploitées

    Sollicitées par l'homme à hauteur de 734 km3 par an, les nappes phréatiques donnent des signes d'épuisement

    Au niveau mondial, le surpompage des eaux souterraines a plus que doublé au cours des cinquante dernières années. Dans une étude à paraître dans la revue américaine Geophysical Research Letters (GRL), des chercheurs néerlandais, en collaboration avec l'International Groundwater Resources Assessment Center (Igrac), établissent la première évaluation de l'appauvrissement des nappes phréatiques, ainsi que de l'évolution de ce phénomène. " L'ampleur des résultats est surprenante ", dit l'hydrogéologue Marc Bierkens (université d'Utrecht), principal auteur de ces travaux. Elle traduit la forte influence des activités humaines - en particulier agricoles - sur le cycle de l'eau.

    L'étude indique qu'en 2000, environ 734 km3 d'eau ont été prélevés dans les aquifères, à des fins de consommation mais surtout d'irrigation. En 1960, le rythme de prélèvement n'était que de 312 km3 par an. La part non durable de ce pompage (la quantité d'eau non renouvelée par les précipitations) est passée de 126 km3 à 283 km3 par an au cours de la même période. Chaque année, les nappes phréatiques mondiales s'appauvrissent donc globalement de 4 km3 de plus que l'année précédente - mais cette tendance s'accélère nettement depuis la fin des années 1990.

    Marc Bierkens et ses coauteurs fondent leurs travaux sur l'analyse des statistiques nationales de prélèvement dans les réservoirs souterrains. " Ils ont ensuite utilisé un modèle hydrologique pour simuler la recharge des nappes, car il n'existe aucune mesure globale de ce phénomène ", dit Anny Cazenave, chercheuse (Centre national d'études spatiales) au Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiales (Legos).

    Le recours à un modèle numérique est la principale source d'incertitude de ces travaux. Cependant, les mesures satellitaires, menées depuis 2002, des subtiles variations locales du champ de gravitation terrestre permettent d'évaluer localement la diminution des eaux souterraines. Selon Marc Bierkens, la seule différence notable avec ces observations directes est une légère surestimation par ses propres travaux de l'appauvrissement des nappes du nord du Pakistan.

    Le stress subi par les aquifères est inégalement réparti : c'est au nord-est de la Chine, dans le centre et le Grand Ouest des Etats-Unis, au Moyen-Orient ou encore dans le sous-continent indien que les nappes phréatiques sont le plus sollicitées. Avec quelques " points chauds ", où leur rythme d'assèchement est particulièrement rapide : certaines zones des Balkans, le delta du Nil, le nord de l'Iran, le nord-ouest de l'Inde et l'est du Pakistan, ainsi que la Californie apparaissent comme les secteurs les plus menacés par un futur ralentissement de leur production agricole. Parfois, les effets locaux de cette déplétion se font déjà sentir. C'est le cas notamment en Inde, où, " dans certaines régions, le niveau des puits chute d'un mètre par an ", affirme Marc Bierkens.

    En outre, la surexploitation des aquifères réserve parfois de mauvaises surprises, comme l'apparition de polluants dits " géogéniques ". Le cas le plus célèbre est celui du Bangladesh, où l'augmentation des besoins en eau depuis les années 1960 a conduit à forer de plus en plus profondément, là où l'eau est chargée en arsenic d'origine naturelle. Selon une étude publiée dans la revue The Lancet, un décès sur cinq est, dans ce pays, attribuable à une contamination chronique à ce métalloïde.

    Des études en cours, dans le cadre du projet européen AquaTrain, indiquent que plusieurs pays d'Europe orientale ne sont pas à l'abri de telles pollutions, généralement dues à la surexploitation des aquifères. En Roumanie et en Hongrie, " de 20 % à 30 % des prélèvements d'eau montrent depuis peu des taux d'arsenic supérieurs à la limite de potabilité ", explique Romain Millot, chercheur au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), et responsable du projet AquaTrain. En Californie, un autre métalloïde, le sélénium, commence à poser problème dans les eaux utilisées pour l'irrigation des cultures.

    Outre la cartographie des zones les plus sujettes à de tels périls, les travaux de M. Bierkens permettent d'évaluer la contribution du surpompage des eaux souterraines à l'élévation du niveau de la mer. Le déficit annuel de 283 km3 d'eau dans les nappes souterraines finit dans les océans, dont il élève le niveau de 0,8 millimètre par an (sur un total de 3,3 mm/an actuellement).

    " Il ne faut pas prendre ce résultat de manière isolée, prévient toutefois Mme Cazenave. Il faut voir les choses en termes de bilan de la gestion des eaux douces et se souvenir que les retenues artificielles contribuent, à l'inverse, à faire baisser le niveau des océans. "

    Rapporter ces phénomènes à des variations minuscules du niveau marin peut sembler inepte. Il n'en est rien : affiner ces estimations permet de mieux évaluer les contributions respectives de la fonte des glaces du Groenland et de l'Antarctique, des glaciers d'altitude et de la dilatation des océans (qui voient leur volume augmenter avec leur température). Ce qui permet d'affiner les calculs d'élévation des mers d'ici à la fin du siècle. p

    Stéphane Foucart

    • La majorité des cours d'eau en " état de crise "

      La majorité des rivières du monde sont en " état de crise ", souligne une étude publiée jeudi 30 septembre dans la revue Nature. Ses auteurs ont dressé le bilan de santé des plus grands fleuves de la planète, évaluant l'accès à l'eau pour les populations humaines et l'état de l'environnement grâce à vingt-trois " facteurs de stress ", comme le niveau de pollution, la richesse de la faune et de la flore aquatiques, le taux d'urbanisation, le développement agricole et industriel ou le captage d'eau. Près de 80 % de la population mondiale vit dans des zones où les rivières sont gravement menacées, notamment aux Etats-Unis et en Europe de l'Ouest. Déjà sombre, le tableau n'est pourtant pas complet, soulignent les auteurs : faute de données, ils n'ont en effet pas inclus dans leur évaluation la pollution minière ou les rejets croissants de substances pharmaceutiques.


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