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Services à la carte, coopérative ou privatisation pure et simple : les coupes dans les budgets de collectivités locales au Royaume-Uni ont déjà commencé
Londres Correspondante
Les Britanniques le savent mais n'en ont pas encore mesuré toutes les conséquences. Ils s'apprêtent à subir la plus importante cure d'austérité depuis la seconde guerre mondiale. Mercredi 20 octobre, le gouvernement du conservateur David Cameron devait en détailler les modalités. D'ici cinq ans, les dépenses publiques auront été amputées de 83 milliards de livres (94 milliards d'euros), et quelque 500 000 des 6 millions de salariés de la sphère publique auront perdu leur emploi.
Les collectivités locales, qui, à l'image des administrations centrales, vont devoir réduire leur train de vie de 25 % à 30 % en moyenne, se sont déjà mises au régime. Certaines d'entre elles ont fait des choix que Tony Travers, politologue à la London School of Economics, qualifie de " radicaux ". Et qui pourraient préfigurer ce que sera le service public d'ici à la fin de la législature, en mai 2015.
Barnet s'inspire d'EasyJet Nous sommes au nord de Londres sur un territoire tory traditionnel, qui abrite l'ancienne circonscription de Margaret Thatcher. Il y a deux ans, Mike Freer, alors à la tête de cette commune de 320 000 habitants, a lancé son projet d'" EasyMairie ", comme l'appelle la presse. En mai, cet ancien banquier, qui a fait ses armes dans le secteur du fast-food, a été élu député, mais Lynne Hillan, qui lui a succédé, compte bien mener le projet à terme. Le postulat de départ est le suivant : tout comme les clients des compagnies aériennes à bas coût, les contribuables veulent pouvoir choisir les services dont ils ont besoin. Et pour lesquels ils sont prêts à investir.
Le résident devra avoir accès à un service minimum qu'il pourra enrichir selon ses envies, à condition de payer : une poubelle plus grande, un conseiller attitré pour suivre tous les dossiers le concernant... Tout n'est pas possible - la loi empêche de faire payer les impatients qui souhaitent obtenir rapidement un permis de construire -, mais les idées sont légion.
L'" EasyMairie " se veut aussi respectueuse de la liberté de choix. Ainsi, y explique-t-on, les personnes âgées ne souhaitent pas toujours qu'on fasse leur ménage tant de fois par semaine. Peut-être préféreraient- elles qu'on leur finance " quelques jours de vacances à Eastbourne ", une station balnéaire du Sussex. Quant aux jeunes à qui la commune paye des thérapies cognitives, pourquoi ne pas leur proposer des cours de guitare ?
Ce service public à la carte devra s'accompagner de l'externalisation de pans entiers d'activités jusque-là gérées par la commune, comme la tenue des bibliothèques et des crématoriums, l'entretien des rues ou le ramassage des poubelles. La mairie compte aussi " inciter les gens à s'aider eux-mêmes ", et à prendre en charge certains aspects de la vie de leur quartier, comme déblayer devant leur porte en cas de neige. In fine, Barnet pense économiser 15 millions de livres par an et ne plus employer que quelques centaines de ses 3 500 salariés.
A Lambeth, on passe au coopératif Les travaillistes de Lambeth, au sud de Londres, croient au modèle de John Lewis, ce grand magasin britannique détenu par ses salariés. Le quartier, qui héberge 275 000 habitants, dont certains vivent dans des conditions de grande pauvreté, veut créer la première " mairie coopérative " britannique en s'inspirant des recettes qui ont fait le succès de John Lewis et le bonheur de ses 69 000 salariés-actionnaires.
Steve Reed, le leader labour de la commune, réélu pour un deuxième mandat en mai, souhaite que les résidents de Lambeth, tout comme ceux qui y travaillent, prennent en main des missions jusque-là assurées par la mairie. Il en est sûr : ils sauront mieux que des services administratifs définir les besoins de la collectivité et ils seront plus efficaces parce que plus concernés.
Des expériences ont été tentées qui abondent dans son sens, juge M. Reed - qui se garde bien aujourd'hui de chiffrer les économies à attendre. Et de citer ces immeubles de logements sociaux qui sont gérés par les locataires. Ces parents associés à la mairie qui ont créé une école secondaire. Ou ces " amis de Brockwell Park ", qui organisent le nettoyage du parc. Il s'agit de passer à la vitesse supérieure.
Lambeth consulte actuellement ses habitants et devrait préciser les choses d'ici à décembre. Bien sûr, ceux qui voudront s'impliquer ne recevront pas, comme les salariés de John Lewis, un bonus de fin d'année généreux. Mais ils pourront d'une manière ou d'une autre être récompensés par ce que M. Reed appelle " le dividende du citoyen actif ". Dans le questionnaire auquel les habitants doivent répondre, ils peuvent choisir entre un rabais sur leurs impôts locaux, une baisse de leur loyer quand ils vivent en HLM, un accès gratuit aux centres de loisirs du quartier...
Le Suffolk bientôt virtuel Nicholas Ridley, qui occupa plusieurs postes de ministre dans les gouvernements de Mme Thatcher, avait un rêve : que l'administration des collectivités locales soit réduite à une poignée d'hommes qui se réuniraient une fois par an pour signer les contrats de délégation de services publics aux entreprises. Dans l'est de l'Angleterre, le comté conservateur du Suffolk, 678 000 habitants, a décidé de donner corps à cette vision. Fin septembre, il a fait savoir qu'il comptait externaliser la quasi-totalité de ses activités.
L'éducation ne fait pas partie du lot, mais les projets du gouvernement, qui veut que les écoles gérées par des entreprises ou des groupes de parents se développent, devraient enlever au comté une grande part de ses responsabilités en la matière. Pour le reste, dans le Suffolk, tout devra être géré par le privé, qu'il s'agisse d'entreprises ou d'organisations caritatives. Les bibliothèques, les services autoroutiers, les centres pour jeunes et pour enfants ou encore les crèches et l'entretien des parcs seront les premiers services publics à être confiés à un tiers. Les autres suivront après avril 2011. A terme, le comté compte réduire son budget de 30 %. Et sabrer dans ses effectifs, aujourd'hui de 27 000 personnes, dont 15 000 dans l'éducation.
Le syndicat Unison prévoit que, une fois le processus achevé, le comté n'emploiera plus que " 200 à 500 salariés, uniquement pour conclure des contrats avec des entreprises ".
Virginie Malingre
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