• Pollution : le cas hongrois loin d'être isolé en Europe

    Pollution : le cas hongrois loin d'être isolé en Europe

    Malgré l'existence de nombreux sites menaçants, l'Union ne modifie pas pour le moment son arsenal législatif

    Alors que l'urgence s'éloigne en Hongrie, après la marée rouge de boues industrielles toxiques qui a dévasté la région d'Ajka, l'inquiétude s'étend à l'ensemble de l'Europe. Evacués depuis une semaine, les habitants de Kolontar ont regagné, vendredi 15 octobre dans l'après-midi, leur village, désormais protégé par des digues.

    Au même moment, le gouvernement ordonnait le redémarrage de l'usine d'aluminium MAL, où la rupture d'un réservoir, le 4 octobre, a lâché la vague de 700 000 m3 de boue empoisonnée. " Les décisions du gouvernement sont irresponsables, puisque les raisons exactes de l'accident n'ont pas encore été clarifiées ", dénonce Greenpeace, qui s'alarme aussi de la pollution de l'air, à mesure que sèche la boue qui recouvre le village et ses environs.

    Mais les organisations écologistes regardent désormais au-delà d'Ajka. Selon elles, l'Europe n'est pas à l'abri d'une nouvelle catastrophe. Ailleurs en Hongrie, à Almasfuzito, ou en Roumanie, à Tulcea, et dans la plupart des anciens pays communistes, d'immenses bassins chargés de millions de mètres cubes de boues toxiques sont autant de bombes à retardement qui menacent le Danube.

    La plupart des 150 exploitations minières dans les Balkans présentent des " risques sérieux pour l'environnement ", s'est aussi inquiétée, vendredi, une porte-parole du Programme des Nations unies pour l'environnement, Isabelle Valentiny. " La région est remplie de sites qui ont souvent été abandonnés lors du conflit en ex-Yougoslavie, qui n'ont pas été proprement fermés et qui n'ont plus de propriétaire ", a-t-elle expliqué, estimant que " les problèmes de pollution sont à certains endroits vraiment très sérieux ".

    Apportant sa voix à ce choeur alarmiste, l'agence allemande de notation environnementale Oekom assure que la catastrophe en Hongrie " n'est pas un cas exceptionnel ", mais au contraire " symptomatique de l'industrie minière et métallurgique ", dans un rapport publié jeudi 14 octobre. " Plus de 50 % des compagnies minières que nous avons analysées ont été responsables de graves dommages à l'environnement ", souligne Kristina Rüter, directrice de recherche chez Oekom.

    Face à cet état des lieux, WWF et d'autres associations écologistes jugent la législation européenne " insuffisante " : la boue rouge, issue de la transformation de la bauxite en aluminium, est considérée non comme un déchet dangereux mais comme un résidu " inerte ", bien qu'elle contienne de la soude caustique et soit légèrement radioactive. " Ce classement est le fruit des efforts du lobby de l'aluminium ", dénonce Jacky Bonnemains, président de l'organisation Robin des bois.

    Résultat : la stricte directive sur les déchets dangereux ne s'applique pas aux bassins de boue rouge. Ces sites sont couverts par les directives sur les déchets de l'industrie extractive - qui ne prévoit l'introduction de conditions sévères pour les industriels qu'en 2012 - et sur la maîtrise et la prévention des pollutions. En vertu de ces textes, la délivrance des permis d'exploitation aurait dû prendre en compte la sécurité des bassins, le respect de l'environnement, l'information et la protection du public, la provision de sommes couvrant les dépenses en cas d'accident... Autant d'éléments visiblement absents sur le site d'Ajka.

    " Prématuré "

    Modifier la législation sur les déchets industriels serait " prématuré ", a pourtant répondu, jeudi, le commissaire européen à l'environnement, Janez Potocnik. " Je tiens à rappeler qu'il ne suffit pas d'avoir une législation, encore faut-il la mettre en oeuvre et surveiller cette mise en oeuvre ", a plaidé le Slovène.

    Dans l'entourage du commissaire européen, on précise que la Commission pourrait lancer une procédure de sanction contre Budapest s'il apparaissait que le pays n'a pas appliqué les règles en vigueur. " Nous avons demandé à la Hongrie un rapport précisant de quelle façon elle a transcrit les normes européennes dans sa législation et comment elle les a fait respecter sur le terrain ", précise un collaborateur de M. Potocnik.

    Des photos aériennes prises en juin ont montré que le réservoir fuyait depuis des mois. Selon le quotidien hongrois Nepszabadsag, la police a collecté des témoignages d'ouvriers attestant que la direction de l'usine était au courant de ces fuites depuis des semaines. Chacun se demande comment l'inspection conduite sur place par les services régionaux de l'environnement, le 23 septembre, n'a rien décelé d'anormal. " Il serait plus satisfaisant pour l'Europe de pouvoir mener des inspections indépendantes sur ces sites industriels ", reconnaît-on au cabinet de M. Potocnik. C'est pour l'instant impossible.

    Grégoire Allix

    • Des ravages à long terme

      Bilan La coulée de 700 000 m3 de boue rouge, lundi 4 octobre, en Hongrie, a fait 9 morts, dévasté sept villages, pollué les sols sur 1 000 hectares, tué les plantes et détruit l'écosystème des rivières, probablement pour des années.

      Polluants La transformation de la bauxite en aluminium produit chaque année 70 millions de tonnes de boues rouges extrêmement alcalines, contenant de l'arsenic, de la soude caustique et de nombreux métaux lourds.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :