• Réguler le système financier international ( Le Monde)

    Les dysfonctionnements responsables de la crise ont bien été identifiés lors du G20 de Londres, tout comme les moyens de les corriger. Si les plus consensuels, sur l'élimination des paradis fiscaux ou la hausse des fonds propres, semblent en bonne voie, le doute subsiste sur la réalité de leur application. Mais d'autres sujets, comme les bonus, les fonds spéculatifs ou les normes comptables, divisent les gouvernements

     

                Lors du G20 de Londres, le 2 avril, les chefs d'Etat et de gouvernement s'étaient montrés unis pour mettre fin aux excès de la finance et discipliner le capitalisme. Ils promettaient d'agir sur ceux qu'ils jugeaient responsables de la crise : les fonds spéculatifs (hedge funds), les paradis fiscaux, les agences de notation et les bonus des traders. Six mois plus tard, les paroles ont été suivies d'effets. Mais les mesures adoptées sont parfois édulcorées et font très rarement l'objet d'un consensus international.



    POINT 8 DU COMMUNIQUÉ DU G20 DE LONDRES - Nous avons apporté un large soutien à nos systèmes bancaires afin de garantir les liquidités, de recapitaliser les institutions financières et de régler le problème des actifs dépréciés. Nous nous engageons à prendre les mesures nécessaires afin de restaurer le flux de crédit (...) et d'assurer la solidité des institutions fondamentales pour le système.

    Après les centaines de milliards de dollars que les Etats du G20 ont injectés dans le système bancaire en déroute, les grandes puissances ont exigé des banques qu'elles assurent aussi elles-mêmes leur solidité, en renforçant leurs capitaux propres. Les Etats-Unis ont ainsi, les premiers, soumis leurs banques à un exercice de stress tests, des tests de résistance à des scénarios de crise extrême dont les résultats, en mai, ont obligé dix des dix-neuf plus grands établissements américains à se recapitaliser. Le Fonds monétaire international (FMI) a exigé que les autres pays du G20 suivent. Mais si les stress tests y ont aussi été menés, c'est, la plupart du temps, dans la confidentialité.

    Dans une logique de plus long terme, les pays du G20 se sont mis d'accord pour relever les exigences de fonds propres des banques afin de les rendre plus solides, sans parvenir toutefois à un outil de mesure harmonisé entre les Etats.

    Quant au crédit, les statistiques aux Etats-Unis témoignent d'un assèchement des prêts et d'un renchérissement du coût de l'argent. Le même constat est fait en Europe où les patronats allemand, français et italien ont dénoncé, à la mi-septembre, des politiques de restriction de crédit de la part des banques, et ont mis ces dernières en garde. Des dispositifs ont été mis en place pour stimuler l'offre de crédit, par exemple en France avec un service public de médiation à disposition des PME. Mais ces mesures ne peuvent être qu'incitatives.



    POINT 15 Nous nous sommes accordés sur les points suivants : établir un nouveau Conseil de stabilité financière (...) avec un mandat renforcé, qui succédera au Forum de stabilité financière (FSF) et comprendra les pays du G20, des membres du FSF, l'Espagne et <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> européenne ; organiser une surveillance conjointe des risques macroéconomiques et financiers entre le Conseil de stabilité financière et le Fonds monétaire international (...).

    Au lendemain du G20 de Londres, un Conseil de stabilité financière (CSF) a remplacé le Forum de stabilité financière, créé en 1999 par le G7. Le nouveau conseil est doté d'une mission de supervision élargie à toute la finance mondiale. Il a tenu sa première réunion le 27 juin à Bâle, en Suisse, et constaté " des signes d'amélioration " dans la sphère financière. Le 15 septembre, il a préconisé de limiter les bonus versés par des banques insuffisamment capitalisées.

    Le Conseil travaille à la définition de nouvelles règles internationales découlant des décisions du G20, qui seront ensuite déclinées dans tous les pays. Il est censé être plus actif que le FSF, accusé de n'avoir pas vu venir la crise, et capable d'anticiper les crises grâce à un dialogue avec le FMI. Mais cette articulation avec le Fonds reste à organiser. Il s'agit d'un sujet délicat puisque le FMI dépend des gouvernements et le Conseil de stabilité des banquiers centraux, deux univers méfiants l'un envers l'autre.



    - Nous avons décidé de réformer nos systèmes de réglementation afin que nos autorités puissent identifier et prendre en compte les risques macroprudentiels.

    Derrière ce principe, il y a l'idée de repenser les systèmes de régulation nationaux, c'est-à-dire la doctrine des autorités de contrôle nationales (banques centrales, ministères des finances, etc.), afin que celles-ci prennent en compte les risques systémiques. En clair, les autorités nationales doivent mieux appréhender les conséquences de la faillite d'une grande banque établie dans leur pays pour tout le système. Cela suppose d'améliorer le dialogue entre les autorités nationales et de renforcer les coopérations, notamment en Europe.

    Sur ce point, les choses avancent vite, même si le principe d'un superviseur bancaire européen, souhaité par de grandes banques, continue de susciter des oppositions. Quant aux Etats-Unis, une réforme est actuellement discutée pour réduire le nombre de régulateurs (Réserve fédérale, FDIC, SEC, etc.) et combler les failles des contrôles révélées par la crise. Barack Obama a proposé de réduire de quatre à trois le nombre de régulateurs. Au Congrès, des voix se font entendre pour créer un superviseur unique



    - Nous avons décidé d'étendre la réglementation et la surveillance à tous les instruments, les marchés et les institutions financières d'importance systémique. Cela comprend, pour la première fois, les fonds spéculatifs d'importance systémique.

    Le G20 comptait ainsi s'attaquer aux fonds spéculatifs, ces " trous noirs de la finance " échappant à toute réglementation. Dans les faits, si des mesures ont été envisagées, c'est en ordre dispersé.

    Bruxelles a présenté un projet de directive fin avril sur lequel les gouvernements de l'Union européenne et le Parlement européen devront prochainement se prononcer. Le texte exige des gérants de fonds spéculatifs qu'ils s'enregistrent auprès des autorités de régulation et leur donnent des informations pour pouvoir exercer leurs activités au sein des Vingt-Sept. Mais le Royaume-Uni s'y oppose. Et le régulateur boursier britannique a annoncé, le 16 septembre, qu'il travaillait avec son homologue américain sur un corps réglementaire commun qui sera sans doute bien différent du texte européen.



    - Nous avons décidé d'approuver et d'appliquer les nouveaux principes rigoureux du FSF - devenu depuis le CSF - sur les salaires et les bonus et de promouvoir des systèmes d'attribution de bonus viables à long terme (...).

    Lors du G20 de Londres, les Etats se sont mis d'accord pour encadrer les bonus des " princes de la finance ". Mais depuis, le débat patine, régulièrement ponctué par des révélations de bonus faramineux dans des banques ayant touché des aides publiques.

    Deux positions s'affrontent : celle des Américains, d'accord pour différer le versement d'une partie des bonus, afin de tenir compte de la performance à long terme, mais hostiles au plafonnement des bonus ; celle des Européens, qui veulent imposer des règles strictes pour limiter les primes. L'Union européenne va soumettre à Pittsburgh un accord pour limiter la part variable des rémunérations par rapport au salaire fixe et lier ces dernières à la rentabilité des opérations sur une longue durée.



    - La réglementation doit prévenir les endettements excessifs et exiger que des fonds de réserve soient constitués en temps utile.

    La définition de la réglementation bancaire postcrise est déjà bien avancée. A Bâle, le 6 septembre, les banquiers centraux membres de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> des règlements internationaux (BRI), qui réunit toutes les puissances économiques mondiales, sont convenus de la nécessité de renforcer les fonds propres des banques.

    En application des principes du 2 avril, il a aussi été convenu d'introduire dans la gamme des indicateurs de solidité du secteur bancaire un ratio d'endettement rapportant le niveau de la dette financière d'un établissement à son poids en fonds propres. Mais ce ratio n'existe aujourd'hui formellement qu'aux Etats-Unis. Et les discussions devraient continuer durant des mois pour pouvoir le calibrer.



    - Nous avons décidé de prendre des mesures contre les pays non coopératifs, dont les paradis fiscaux font partie. Nous sommes prêts à mettre en place des sanctions (...). L'époque du secret bancaire est terminée.

    C'est une première dans l'histoire : pour récupérer l'argent de l'évasion fiscale (estimée à 100 milliards de dollars par an pour les Etats-Unis) et réduire les risques liés à l'opacité dans la sphère financière, le G20 a déclaré la guerre aux paradis fiscaux et réglementaires. Il a été convenu d'élaborer, sans doute à l'horizon 2010, une nouvelle liste noire des centres offshore qui continueraient de ne pas donner d'informations fiscales sur la clientèle des non-résidents.

    Or, cette menace s'avère déjà efficace puisque la plupart des paradis fiscaux sont en train de signer de nouvelles conventions d'échange de renseignements, pour ne pas apparaître sur cette liste. Depuis le début de 2008, plus de 75 conventions bilatérales ont été signées. Des pays comme <st1:personname productid="la Suisse" w:st="on">la Suisse</st1:personname>, l'Autriche et le Luxembourg ont accepté de lever leur sacro-saint secret bancaire, sur demande justifiée du fisc.

    A Pittsburgh, le G20 devra à présent s'entendre sur les modalités du contrôle de ces nouvelles conventions de coopération. Et s'accorder, le cas échéant, sur un dispositif de rétorsion et de sanctions.

    - Nous avons décidé d'appeler les normalisateurs comptables à travailler (...) avec des superviseurs et régulateurs pour améliorer les normes de valorisation et de provisions et parvenir à un seul ensemble de normes comptables mondiales de haute qualité.

    Ce sujet est l'un des principaux points d'achoppement entre les pays du G20, en particulier entre <st1:personname productid="la France" w:st="on">la France</st1:personname> et l'Allemagne d'un côté, et les Etats-Unis de l'autre. Les premiers souhaitent que soient réformés certains principes comptables, notamment la valorisation des actifs à la valeur de marché. Ce principe est accusé d'avoir amplifié les effets de la crise obligeant les établissements financiers à enregistrer des pertes artificielles.

    Mais si l'autorité chargée de définir les principes comptables aux Etats-Unis, le Financial Accounting Standard Board (FASB) a d'abord suivi les recommandations du G20 en assouplissant les règles du " mark to market ", elle a durci à nouveau ses principes avant l'été. Les Etats-Unis estiment en effet que le principe de valeur de marché est un outil de mesure objectif et transparent et ne semblent pas prêts à le remettre en cause. Pour l'heure, l'autorité chargée de rédiger les règles comptables en Europe, l'International Accounting Standard Board (IASB), y est aussi opposée. Autrement dit, le sujet patine.



    - Nous avons décidé d'étendre la surveillance de la régulation et l'enregistrement aux agences d'évaluation du crédit (...) afin de prévenir en particulier les conflits d'intérêt inacceptables.

    Les agences notant la qualité des crédits - Standard & Poor's, Moody's, Fitch... - ont été très vite accusées d'avoir sous-évalué les risques des crédits immobiliers à risque, les fameux subprimes. Leurs méthodes de travail - elles sont rémunérées par les sociétés qu'elles notent et leur proposent des conseils - ont été critiquées.

    Il est désormais interdit aux agences de cumuler une activité de conseil et de notation de crédit aux Etats-Unis, et cela le sera très prochainement en Europe. Bruxelles a en effet adopté en avril une directive qui obligera les agences à s'enregistrer auprès du régulateur des marchés européens, le CESR, pour être ensuite placées sous la surveillance de l'autorité du pays dans lequel elles notent les crédits.

    Aux Etats-Unis, le Trésor a aussi émis cet été une proposition de loi qui doit être discutée au Congrès. Le texte vise, comme en Europe, à augmenter la transparence des méthodes d'évaluation des crédits. L'Australie et le Japon réfléchissent eux aussi à de nouvelles règles. Mais nulle part n'a été remis en cause le principe qui consiste pour une agence à être rémunérée par la société dont elle note le crédit...



    POINT 16 Nous avons demandé au CSF et au FMI (...) de rédiger un rapport pour la prochaine réunion de nos ministres des finances, en novembre - 2009 - .

    Ce rapport sera remis le 6 novembre aux ministres des finances du G20. Il fera le point sur l'avancement de la réforme de la régulation financière : l'encadrement macroprudentiel, la résistance du secteur et la mise en oeuvre des mesures demandées en avril et de celles arrêtées à Pittsburgh.

    Claire Gatinois et Anne Michel
    De Londres à Pittsburgh Les 200 jours du G20 Analyse faite par le Monde de l Economie 


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