• Retraites La Finlande trace la voie d'une réforme réussie

    Retraites La Finlande trace la voie d'une réforme réussie

    De 1995 à 2009, le taux d'emploi des seniors est passé de 34 % à 55,5 % tL'amélioration des compétences et des conditions de travail des salariés âgés mais aussi la formation des managers, ont changé le regard des employeurs sur le déroulement de la vie professionnelle
    Helsinki Envoyé spécial
     

    La Finlande est le pays d'Europe où le déséquilibre démographique frappera le plus tôt. Dans les vingt ans à venir, ce pays nordique de 5,3 millions d'habitants aura le taux de personnes âgées le plus élevé de l'Union européenne (UE). " En 2010, nous voyons pour la première fois plus de gens qui quittent le marché du travail que de gens qui y entrent. C'est un tournant historique ", note Tomi Hussi, chercheur spécialiste en organisation du travail à TTL, l'Institut finlandais de médecine du travail. Mais c'est aussi le pays qui, ces dernières années, a vu le taux d'emploi des seniors croître le plus rapidement. Alors que la Finlande était, à la fin des années 1990, dans la moyenne des pays de l'UE avec un taux d'emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans de 36 %, ce taux s'élevait à 53 % en 2005, quand la moyenne européenne atteignait 43 %. Les deux dernières années de récession ont laissé leur marque, puisque le taux d'emploi des seniors a reculé de 2 %, même s'il a continué d'augmenter chez les femmes, moins employées que les hommes dans les industries très dépendantes des exportations. Mais le succès est indiscutable.

    Il a été obtenu en travaillant sur deux fronts " d'égale importance, précise Hannu Uusitalo, directeur de l'Agence des retraites : la réforme des retraites et la promotion de la qualité de vie au travail. Sur la retraite, nous avons utilisé la méthode de la carotte et du bâton ".

    Dès 1994, l'âge de la préretraite avait été progressivement augmenté de 55 à 58 ans, les retraites du public ont commencé à être ajustées à la baisse pour s'aligner sur celles du privé. La réforme la plus importante fut adoptée en 2005. Au lieu d'augmenter l'âge de la retraite, comme le font la plupart des pays, la Finlande a choisi la flexibilité, permettant aux actifs de prendre leur retraite entre 63 et 68 ans.

    L'âge de la préretraite a encore été relevé à 62 ans et le taux des pensions a été affecté. En arrêtant à 62 au lieu de 63 ans, la retraite est amputée de 7,2 % du salaire. Le salaire est en revanche majoré de 4,5 % si la personne poursuit son activité à 63 ans. Salaire majoré de 4,5 % par an pour chaque année supplémentaire travaillée jusqu'à 68 ans. Ainsi ceux qui choisissent de travailler jusqu'à 68 ans voient leur retraite valorisée de 23 % par rapport à 63 ans. " Beaucoup de gens ont continué à travailler à cause de ces encouragements financiers ", note Hannu Uusitalo.

    Mais avant de se lancer dans ces réformes, les Finlandais ont passé quinze ans à faire des recherches non pas tant dans le domaine de la démographie ou de l'équilibre économique du système, que sur le bien-être des employés seniors. Initiée par Keva, la compagnie qui gère les retraites des employés municipaux, une enquête a été confiée à l'Institut de médecine du travail. " C'est de ses résultats, assortis de propositions que les politiciens se sont réveillés ", raconte Juhani Ilmarinen, aujourd'hui consultant, ancien professeur à l'Institut de la médecine du travail d'Helsinki, considéré comme le père du programme pour les travailleurs âgés, appliqué dans tout le pays entre 1998 et 2002, et qui est à l'origine des bons résultats enregistrés en Finlande.

    Une quarantaine de projets furent identifiés par les chercheurs, impliquant simultanément les ministères des affaires sociales, du travail et de la formation.

    L'un des principaux projets était un cycle de formation des dirigeants d'entreprise, afin de leur faire comprendre la nécessité de changer d'attitude par rapport au vieillissement. Pendant près de cinq ans, 700 dirigeants d'entreprise ont été formés, ainsi qu'une centaine de consultants qui ont continué le travail par la suite.

    Un autre projet consistait à améliorer les compétences des travailleurs seniors, mais aussi à redéfinir leur poste de travail et leur fonction. Un point essentiel a été le travail envers les médias qui ont été abreuvés de données diverses pendant des années. " Une des clés du succès ", estime le professeur Ilmarinen.

    Stratégies de bien-être

    " Il existe maintenant un très bon marché du travail pour les seniors qui ont une bonne formation universitaire, sont experts dans leur domaine et sont, en général, en bonne condition physique, constate Guy Ahonen, chercheur à l'Institut de médecine du travail. Les programmes du gouvernement ont eu du succès dans cette catégorie : c'est celle qui reste le plus longtemps sur le marché du travail. "

    Selon un rapport publié par le cabinet de conseil en gestion des ressources humaines Excenta sur les stratégies de bien-être en Finlande publié cette année, le levier le plus utilisé par les entreprises est l'amélioration des conditions de travail, suivi par la formation de l'encadrement intermédiaire, avant celle de la direction. Suivent le développement des compétences et l'adaptation des horaires de travail. La mesure la moins utilisée est celle des congés supplémentaires.

    Des entreprises comme Abloy, leader mondial des systèmes de fermeture de portes, sont régulièrement citées en exemple. Abloy a mis en place en 2001 un programme Age Masters, dont l'objectif est de prolonger la durée de travail de ses employés de deux ans et de baisser l'absentéisme de 1 % par an. Age Masters comprend des conférences, des tests de fitness, des expositions artistiques, des Chèques-Vacances, etc., à partir de 58 ans. Objectif atteint, puisque depuis 2001, les seniors restent trois ans de plus en poste. 40 % des sociétés finlandaises ont aujourd'hui mis en place un programme de ce type.

    La Finlande estime que les réformes récentes permettront des économies équivalentes à près de 5 % du PIB d'ici à 2030. Les défis démographiques sont toutefois tels que la part des retraites dans le PIB augmentera tout de même, pour atteindre 15 % en 2030, contre 11 % actuellement.

    Aussi les Finlandais ont-ils lancé une seconde phase de leur programme, qui met cette fois l'accent sur le bien-être au travail tout au long de la carrière.

    " Il ne s'agit plus seulement de parler des seniors, mais d'avoir une approche sur trois générations ", explique Juhani Ilmarinen. " Nous voulons démontrer la nécessité de valoriser une carrière meilleure et plus cohérente, renchérit Tomi Hussi. On ne commence pas à améliorer la capacité professionnelle des travailleurs une fois qu'ils ont atteint 60 ans. "

    Les chercheurs de TTL ont construit un certain nombre d'outils, comme " l'index de capacité professionnelle ", aujourd'hui largement repris à l'étranger. " C'est la première fois qu'un tel indicateur réunit la santé physique, le développement des compétences, les notions de communauté professionnelle et d'environnement du travail, jusqu'ici négligés. " Les spécialistes finlandais développent maintenant une nouvelle approche, selon laquelle la gestion des travailleurs âgés n'est qu'un pan du concept plus large de " bien-être professionnel ".

    Alors que le sujet de l'emploi des seniors est brûlant sur tout le continent européen, les Finlandais s'étonnent des chemins de traverse empruntés à l'étranger. Peu de pays trouvent grâce aux yeux de Juhani Ilmarinen. " La France, comme la plupart des autres, fait le contraire de ce qu'il faut faire ", constate le père du système finlandais, souvent sollicité en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Autriche.

    " Je suis surpris, explique-t-il, que l'augmentation de l'âge de la retraite de 60 à 62 ans provoque tant de résistance alors que dans presque toute l'Europe, on parle de passer de 63 à 65 ans, voire de 65 à 67 ans. C'est étonnant, car on sait que les gens sont capables de travailler jusqu'à cet âge... à condition que ce soit dans de bonnes conditions. " Car Juhani Ilmarinen juge tout aussi sévèrement la politique menée à Paris. " Il faut d'abord développer l'environnement du travail de telle sorte que les gens soient motivés pour travailler. Une fois que ces conditions sont réunies, alors, on peut demander aux gens de partir à la retraite plus tard. Je n'ai rien vu de tel en France, alors que c'est crucial. La France augmente d'abord l'âge des retraites, mais ne fait rien pour aider les gens à rester au travail. Le problème est que cela prend du temps. "

    Olivier Truc

    Plus que sur le financement des régimes de retraite, les efforts des réformateurs finlandais ont porté sur le "bien-être au travail" L'aboutissement de quinze ans de réflexion


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