• Une nouvelle vague d’exilés

    IRLANDEUne nouvelle vague d’exilés

    La crise profonde dans laquelle se débat le pays pousse les jeunes les mieux formés à s’expatrier.

     David Sharrock | The Independent



     

    Cette expérience, toutes les familles irlandaises l’ont vécue, mais elles la croyaient reléguée dans le passé : le trajet jusqu’à l’aéroport de Dublin, les adieux, et puis l’exil économique. Il y a quelques jours, Frank O’Brien, maître de conférences en relations d’affaires internationales, a dit au revoir à ses fils dans le hall des départs. Sa femme, Mary, était trop émue pour les accompagner. “Le plus dur est que mes garçons sont ce qu’il y a de mieux”, explique Frank O’Brien, la voix brisée par l’amertume et la colère. “Nous les avons bien élevés, ils ont décroché d’excellents diplômes. Le travail ne leur fait pas peur. Et ce sont eux qui doivent s’en aller.”

    Tous ses voisins font eux aussi le déprimant trajet entre Greystones, une banlieue de classes moyennes au sud de Dublin, et le terminal flambant neuf de l’aéroport. “C’est un monument au nouveau Grand Exode, une sorte de folie victorienne. Il faut voir tous ces gens qui s’embrassent en pleurant. Nous avons construit des musées consacrés à l’histoire de notre émigration en pensant que c’était fini, mais maintenant c’est le retour à la case départ. Mes amis de l’autre côte de la rue, leurs trois fils sont partis, et, un peu plus loin, il y a une autre famille dont un garçon et une fille sont partis aussi.” Quant aux enfants de Frank, Michael, 29 ans, et Stephen, 23 ans, ils vivent maintenant à Vancouver, au Canada.

    Ce sont les meilleurs qui partent

    “Quand Michael m’a annoncé son projet, je lui ai dit : ‘Mon fils, si j’avais un billet d’avion, je m’en irais ce matin même, ça ne sert plus à rien de rester ici.’ Une vingtaine de ses amis sont déjà installés à Vancouver. Mais quelles sont les chances de voir mes enfants revenir ? Faibles, vu les 50 milliards d’euros nécessaires pour sortir le pays de la panade. Nous perdons les meilleurs éléments de toute une génération.”

    La diaspora est célébrée avec mélancolie dans la poésie et les chansons irlandaises, qui souvent mettent la mauvaise fortune des Irlandais sur le compte des Britanniques, leurs anciens maîtres coloniaux. Mais, quand le récit de cette nouvelle vague d’émigration sera archivé sur Facebook et Twitter, les futurs historiens sauront qu’il faudra en faire porter la responsabilité au gouvernement irlandais et à la cupidité créée par une énorme bulle immobilière.

    “Je suis déjà passé par là, se souvient Frank. Dans les années 1950, quand j’avais entre 12 et 17 ans, j’ai rarement vu mon père – il travaillait comme monteur en Angleterre. Ensuite, dans les années 1980, Mary et moi avons travaillé quatre ans aux Etats-Unis. Mais nous avons osé croire que tout ça, c’était fini. Je disais de Michael qu’il était ‘un grand bébé du tigre celtique’. Il a trouvé un bon emploi dans une banque deux jours après avoir terminé ses études et, moins d’une semaine après, tout son service passait le week-end à Chypre. Nous avons tenté de le prévenir que ça n’était pas normal. Je crois que c’est le jour où j’ai remarqué dans le quartier une petite maison mitoyenne mise en vente pour 350 000 euros, il y a cinq ans, que j’ai réalisé que tout ça ne pouvait pas durer.” Le cadet, Stephen, a également choisi de travailler dans la banque.

    32 % du PIB

    Deux ans après l’engagement pris par le gouvernement de garantir les créances des cinq principales banques du pays, qui avaient octroyé des prêts à tort et à travers durant le boom de l’immobilier, la facture est tombée : il faudra 50 milliards d’euros pour les renflouer, soit l’équivalent de 32 % du PIB.

    On estime que 100 000 personnes en âge de travailler auront quitté l’Irlande à la fin de l’année. Le taux de chômage officiel est de 13,6 %. D’après les syndicats, il est en réalité de 20 %.

     

    Fuite des cerveaux

    p49_1041_morgenavisen.jpg
    “Les cerveaux quittent le pays”, annonçait fin septembre Jyllands-Posten. Chaque année, 20 000 à 22 000 diplômés quittent en effet le Danemark. Dans les années 1960, 66 % de ces émigrés qualifiés rentraient au pays après deux ans. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 49 % à revenir après deux, six ou dix ans à l'étranger.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :