• L’AMF stigmatise les dangers du trading haute fréquence  

    Le krach éclair du 6 mai à Wall Street préoccupe l’Autorité des marchés financiers (AMF). Ce jour-là, en l’espace de dix minutes, près de 1.000 milliards de dollars de capitalisation se sont en volés à la Bourse de New York, laissant opérateurs et régulateurs désœuvrés devant ce qui constitue à ce jour une anomalie technique, accélérée – en partie – par l’utilisation de plus en plus massive de machines de trading automatisées.« Cela m’a fait penser à Mickey jouant à l’apprenti sorcier dans ’Fantasia’ et perdant totalement le contrôle de son balai », a lancé hier le président du gendarme de la Bourse, Jean-Pierre Jouyet, à l’occasion du 5ecolloque du conseil scientifique de l’AMF.« Le potentiel déstabilisateur des facteurs techniques a été démontré », a-t-il ajouté.Derrière ce constat se profile une remise en question d’un usage immodéré du « trading de haute fréquence ». L’expression relève du jargon boursier mais désigne une réalité toute simple : des formules algorithmiques chargées de lancer des ordres à la vitesse de l’éclair sur les plates-formes d’échange de titres. Aux Etats-Unis, le trading de haute fréquence représente plus des deux tiers des volumes d’activité sur les marchés actions. Au point que les chercheurs n’arrivent pas à suivre.« Nous avons besoin de données », a souligné hier Bruno Biais, professeur de finance à l’école d’économie de Toulouse.« Les données sont là, mais les opérateurs boursiers ne veulent pas nous les donner. Les régulateurs doivent leur mettre la pression pour nous les fournir avant qu’il ne soit trop tard. »Son homologue à l’université de Ber keley aux Etats-Unis, Terrence Hendershott, a insisté sur la nécessité de contrôler de près ce phénomène. Jean-Philippe Bouchaud, président du fonds alternatif Capital Fund Management, a quant à lui évoqué les« risques systémiques »posés par les algorithmes boursiers, dont la sensibilité à la volatilité peut s’avérer dangereuse. Autant de défis que l’AMF ne peut relever seule.Jean-Pierre Jouyet et son secrétaire général, Thierry Francq, ont profité de l’occasion pour réclamer une nouvelle fois l’établis sement d’une agence paneuropéenne dotée de moyens et de pouvoirs importants. Une opinion que les Britanniques sont encore loin de partager.

    M. RN.

    Oui, mais rappellez vous : Les risques de marché


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  • Vraiment pas de quoi crier au loup et de nous expliquer constamment il faut délocaliser.

    A reflechir


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  • Les retraites et la confiance  

    La chronique d’éric le boucher

    La politique économique est devant un lourd dilemme de communication. Le gouvernement doit éviter que la demande privée ne s’effondre au moment où il va réduire les déficits et resserrer les boulons de la dépense publique. Pour cela, il doit maintenir suffisamment de « confiance » chez les ménages comme les entreprises. Sinon, la méfiance grossira l’épargne, la consommation piquera du nez, la croissance avec, et le pays s’engagera dans une longue stagnation. Concrètement, la question est de savoir si, sur les trois sujets qui engagent l’avenir – la dette, les dépenses de santé et la retraite –, les Français sont capables d’entendre la vérité. François Fillon a fait en 2006 un livre pour répondre : oui (1). Pourtant, le sondage sur les retraites publié mercredi 26 mai dans ce journal permet d’en douter : 53 % des Français jugent qu’« on peut garantir les retraites sans avoir à augmenter la durée de cotisation ou à repousser l’âge légal de départ ». Il ne faut pas revenir sur cet « acquis social » qu’est la retraite à 60 ans, il y a d’autres solutions, dit une majorité de nos compatriotes. Ce sondage montre l’échec de la stratégie de communication du gouvernement. La prudence, l’appui sur le dernier rapport normalement impartial du Conseil d’orientation des retraites (COR), la « consultation » des syndicats et la proposition, avancée tout timidement, de passer à 62 ou 63 ans, n’ont pas établi les bases d’une crédibilité gouvernementale. L’idée toute mathématique que le problème est « démographique » et qu’il faut travailler plus longtemps si l’on vit plus longtemps, n’a pas cassé l’illusion d’« une autre politique ».En jouant sur ce thème, le Parti socialiste semble avoir gagné l’opinion. Si l’on a travaillé depuis l’âge de 16 ans, il est normal de pouvoir partir quand on est fatigué, dit Martine Aubry. Il faut maintenir le droit au départ à 60 ans. Comment le financer ? En taxant le capital et les banques et en relevant les coti- sations. Ce projet du PS paraît « le plus juste » à 59 % des Français. Sur l’axe de la « confiance », le gouvernement fait moins bien que le PS. Du moins en ce qui concerne le projet de départ.Les Français n’ont visiblement pas lu le rapport du COR qui est pourtant limpide sur l’état réel de notre système de retraites. Que dit le COR ? Que le rétablissement de l’équilibre du financement passe par un retard de l’âge moyen du départ à la retraite de… 5 ans à l’horizon de 2020, de 7 ans en 2030 et de 10 ans en 2050.Si l’on retient un retard de seulement 2 ans des départs, pour équilibrer les comptes, il faudra en plus d’ici à 2020 ou bien hausser les prélèvements de 2,5 % (de 28,8 % à 31,3 %) ou bien baisser le niveau des pensions de 12 % (le rapport entre pension et revenu d’activité), ou un mélange des deux. En 2030, le relèvement nécessaire sera de 5 % ou la baisse de 22 %.Le PS n’est pas clair entre le droit au départ à 60 ans (maintenu) et l’âge de départ effectif (possiblement augmenté). Mais pour fixer les idées,ne pas toucher à l’âge de départ effec-tif force à hausser les cotisations de 5 % ou à abaisser les pensions de 25 %. En 2030, ce sera un relèvement de 7,5 % ou une baisse de 30 %, pour atteindre l’équilibre financier.Un recul de 2 ou 3 ans, comme le propose le gouvernement, ou de zéro, comme dit le PS, impose de monter les cotisations et de trouver des recettes hors système. M. Sarkozy remet en cause son bouclier fiscal, le PS mise sur les taxes du capital et des banques (mais ayant grillé cette cartouche, comment réduira-t-il par ailleurs le déficit général et celui de la santé ?). Comme il n’est pas sain de compter longtemps sur les impôts ou les cotisations qui pèsent sur les actifs (les « jeunes »), le problème des retraites est en réalité simplifié : il faut soit reculer beaucoup plus l’âge des départs, soit abaisser les pensions. Mais au lieu de présenter ce choix clair, au lieu de mener bataille pour justifier une baisse des pensions, comme Olivier Ferrand de Terra Nova (2), ou bien encore comme dit Laurence Boone, au lieu« de redonner un sens à l’épargne retraite, en assurant à chacun un système clair et visible sur le long terme de retraites par points » (3), nos politiques rejettent les vraies réformes et, par facilité, pénalisent les actifs. Et tous les trois ans, ils doivent remettre l’ouvrage sur le métier dans les cris et les manifs. Est-ce le bon moyen d’obtenir la confiance ?

    Eric Le Boucher est directeur de la rédaction d’« Enjeux-Les Echos ».

    1) « Les Français peuvent supporter la vérité »,François Fillon, Albin Michel, 2006.(2) tnova.fr.(3) telos-eu.com.


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  • La bataille de la qualité

    J. Bradford DeLong

    BERKELEY – Fin mai, le rendement à maturité des bons à 30 ans du Trésor américain était de 4,07% l’an – en baisse d’un demi pour cent depuis le début du mois. Cela signifie que le prix d’un bon à 30 ans du Trésor américain a augmenté de 15%. Un investisseur moyen acceptait donc de payer 15% de plus en numéraire et plus de 30% de plus en action pour des bons du Trésor américain à la fin du mois qu’au début. Cela démontre un changement remarquable dans la demande relative pour les actifs financiers de première catégorie et liquides  – une hausse extraordinaire dans un marché ou la demande est excessive pour de tels actifs.

    Pourquoi est-ce important ? Parce que, comme l’écrivait l’économiste John Stuart Mill au début du 19ième siècle, une demande excessive en cash (ou pour une catégorie élargie d’actifs de première catégorie et liquides) correspond une offre excessive de tout le reste. Ce que les économistes trois générations plus tard appelleraient la Loi de Walras est le principe selon lequel n’importe quel marché sur lequel les investisseurs prévoient d’acheter plus qu’il n’y a à vendre doit être contrebalancé par un marché ou des marchés dans lesquels ils prévoient d’acheter moins.

    Ce principe est à l’ouvre depuis l’automne 2007, puisque la demande excessive croissante pour des actifs financiers surs, liquides, de première catégorie a entrainé dans son sillage une offre excessive croissante des biens et des services qui sont les produits du travail continu humain. C’est tellement le cas qu’il y a aujourd’hui un écart de 10% entre la production  actuelle de l’économie globale et ce qu’elle produirait si elle était dans une situation relativement saine de quasi-équilibre.

    Et les marchés financiers mondiaux nous disent aujourd’hui que cette demande excessive pour des actifs financiers surs, liquides, de première catégorie est en augmentation.

    Dans un certain sens, c’est un changement d’attitude des investisseurs qui a induit la hausse de la demande excessive pour de tels actifs. Après tout, nous pouvons assumer que l’instinct animal des investisseurs et des financiers a été démoralisé ; comme un contrecoup par rapport à l’extraordinaire confiance dans les forces de l’ingénierie financière d’il y a quelques années.

    Mais dans l’ensemble, les récentes évolutions ne proviennent pas d’une hausse de la demande en actifs financiers surs, liquides, de première catégorie, mais d’une diminution de l’offre : il y a six mois, les bons émis par les gouvernements du sud de l’Europe étaient considérés comme des actifs de première catégorie dans l’économie mondiale que l’on pouvait garder sans problème en toute sécurité ; ils ne le sont plus aujourd’hui.

    Il y a six mois, l’argument en faveur de ces bons semblait presque en béton. Oui, les obligations du secteur privé du sud de l’Europe étaient spéculatives et potentiellement risquées ; mais la région fait partie de la zone euro, et donc les dettes de ces gouvernements étaient cautionnées par la Banque Centrale Européenne, elle-même soutenue par les gouvernements français et allemand, eux-mêmes soutenus par la bonne volonté des contribuables Français et Allemands qui acceptaient de financer le projet à long terme d’une meilleure intégration européenne. Il est clair que ni les Français ni les Allemands ne veulent envisager de revenir à l’époque où chaque génération s’entretuait pour décider quelle langue devrait être parlée par le maire de Strasbourg (ou devrait-on dire Strassbourg ?).

    Les choses ne sont plus si certaines.

    Lorsqu’il y a une demande excessive pour des actifs financiers surs, liquides, de première catégorie, la règle pour déterminer la politique économique à poursuivre – si, bien sur, vous voulez éviter une dépression plus profonde – est fort bien connue depuis 1825. Si le marché veut des actifs financiers liquides plus surs et de meilleure qualité, donnez -lui ce qu’il veut.

    Après tout, tout comme le ferait un mécanisme de planification de ressources sociales, un marché nous dit ce qui est bon et nous donne donc le signal d’en faire plus. Les marchés sont donc en train de nous signaler que les bons du Trésor américain sont des actifs de bien plus grande valeur qu’ils ne l’étaient il y a un mois. Donc ces gouvernements dont le crédit n’est pas encore mis à mal et dont les actifs sont encore une référence de qualité pour l’économie mondiale devrait en émettre bien plus.

    Les gouvernements solvables dans le monde peuvent créer plus d’actifs financiers surs, liquides, de première catégorie par différents canaux. Ils peuvent dépenser plus ou baisser les impôts, et emprunter la différence. Ils peuvent garantir la dette des entités du secteur privé, et ce faisant transformer les actifs plombés aujourd’hui à risque en or à nouveau. Leurs banques centrales peuvent emprunter et utiliser ces fonds pour acheter une partie du nombre important d’actifs à risque sur le marché.

    Laquelle de ces mesures devraient prendre les gouvernements solvables du monde en réponse aux mouvements de prix des actifs pendant le mois de mai ? Toutes, parce que nous ne sommes pas surs quelle serait la plus efficace et la plus efficiente pour drainer la demande excessive en actifs de première catégorie.  

    Jusqu’où doivent-ils aller ? Aussi longtemps qu’il y aura une offre excessive globale évidente de biens et de services - aussi longtemps que le chômage restera très élevé et que les taux d’inflation chuteront – ils n’en feront pas assez. Et l’écart entre ce qu’ils devraient faire et ce qu’ils ont fait s’est élargi de façon marquée au cours du mois de mai.

    Ce n’est pas sorcier. Ce n’est pas comme reboucher une valve de pétrole en haute mer. Ce sont des problèmes que nous savons résoudre depuis longtemps.

    J. Bradford DeLong, a former US Assistant Secretary of the Treasury, is Professor of Economics at the University of California at Berkeley and a Research Associate at the National Bureau for Economic Research.

    Copyright: Project Syndicate, 2010.
    www.project-syndicate.org


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