• Banques : le moment est venu de réformer Hans-Werner Sinn

    Banques : le moment est venu de réformer

    by Hans-Werner Sinn

    Hans-Werner Sinn

    MUNICH –  Alors que les différents plans de sauvetage financier commencent à faire sentir leurs effets, les Bourses semblent connaître un début de redressement. Le rapport cours/bénéfice de l'indice S&P500 remonte progressivement vers sa moyenne à long terme de 16, les actions détenues par les banques sont à la hausse et certaines d'entre elles ont commencé à rembourser l'aide fournie par l'Etat.

    Mais ainsi que je le souligne dans mon nouveau livre, Kasino-Kapitalismus [Le capitalisme de casino], c'est peut-être la conséquence momentanée de l'attente d'une amélioration plutôt qu'une véritable reprise, car le volume des pertes cachées des banques dans leur bilan est probablement colossal. Selon les dernières estimations du FMI, les pertes relatives aux créances au cours de cette crise atteindront 4050 milliards de dollars au total pour les USA (2700 milliards à eux seuls), le Japon, la zone euro et le Royaume-Uni. Mais selon mes calculs basés sur les données de Bloomberg, en février 2009 ces pertes s'élevaient à seulement 1120 milliards. Autrement dit les trois quarts des pertes sont encore à venir.

    C'est une mauvaise nouvelle, notamment pour les USA et la Suisse. Car dans ces deux pays les pertes représentent déjà 53 et 54% du bilan agrégé de leur système bancaire, soit respectivement 4,4% et 15,0% de leur PIB. Les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Allemagne sont aussi concernés, car ils se trouvent immédiatement derrière dans le classement des pays dont le système bancaire a été le plus secoué par la crise. Leurs pertes représentaient 2,0%, 4,2% et 2,8% respectivement de leur PIB, soit 11%, 16% et 22% des capitaux propres agrégés de leur système bancaire.

    Ces chiffres terrifiants amènent à douter de la stabilité du système financier occidental et réduisent à peu de chose les mesures prises, telles les "banques poubelles" et les garanties gouvernementales destinées à résoudre une simple crise des liquidités. Le système bancaire ne souffre pas prioritairement d'un écroulement momentané du marché interbancaire et d'une baisse temporaire de la valeur des actifs, ce qui pourrait être surmonté simplement en se contentant d'attendre la reprise, mais il est au bord de la faillite - avec une diminution irréversible des capitaux propres.

    Le prix des titres structurés tels que les dettes obligataires a baissé parce qu'on a découvert la fraude institutionnelle réalisée par une chaîne de titrisation tout azimut. Des prêts titrisés avec primes avec des commissions extravagantes aux courtiers accordés à des clients sans revenu, sans travail et sans patrimoine et restructurés parfois jusqu'à 60 fois perdent toute valeur. Et si ce processus aboutit à des titres notés AAA à partir de prêts notés B il doit bien y avoir une erreur fondamentale dans la procédure de notation, erreur qui ne va pas disparaître comme par enchantement parce que l'économie redémarre ou que la Bourse est à la hausse.

    Par ailleurs, il va encore y avoir des défauts de paiement sur des créances sur carte de crédits qui ont été titrisées et sur des prêts commerciaux accordés à des entreprises qui vont à la faillite. Cela continuera à priver le système bancaire de fonds propres, avec peu de chance d'un redressement dans le futur proche.

    Les règles comptables sont assez laxistes pour permettre aux banques de camoufler leurs pertes, au moins pour l'instant. Mais ce n'est qu'une affaire de temps jusqu'au moment où elles seront contraintes de révéler la vérité. Aussi, il ne faut pas attendre de miracles et ne pas faire comme les Japonais qui ont essayé en vain de s'en tirer, pour finalement aboutir à 18 ans de stagnation.

    Dans la situation présente, ce serait une recette pour prolonger la crise actuelle et s'enfoncer dans une stagnation comparable à celle décrite par Alvin Hansen, un contemporain de Keynes. Il prédisait que le capitalisme souffrirait d'une crise de sous-investissement permanent et que les banques réduiraient leur bilan en proportion des pertes qu'elles annoncent en capitaux propres, ce qui exacerberait le resserrement du crédit. Ce à quoi on assiste aujourd'hui.

    On crée des banques poubelles pour injecter suffisamment de capitaux propres cachés pour éviter ou limiter le resserrement du crédit. Mais ce serait une mauvaise idée que de les institutionnaliser, cela signifierait que l'Etat subventionne les banques, ce qui les inciterait à prendre des risques inconsidérés sur le long terme. L'une des raisons de la crise des banques tient à ce qu'elles s'attendaient à ce que l'Etat vienne à leur rescousse en cas de difficulté.

     Une meilleure façon d'aider les banques et faire qu'elles ne se contentent pas de diminuer leur endettement serait d'établir une transparence totale et de les approvisionner en argent frais des contribuables. Mais l'Etat ne doit pas faire de cadeaux. Il devrait établir un partenariat avec les actionnaires privés, ce qui permettrait d'injecter des capitaux propres dans les banques en attendant la fin de la crise. Cette stratégie présenterait un double avantage : elle apporterait une aide immédiate aux banques et les encouragerait à adopter une meilleure attitude, car elles sauraient que l'Etat n'empêcherait pas la disparition des fonds propres en cas de crise.

    Elle permettrait également d'augmenter le ratio capitaux propres/actifs afin qu'il réponde aux exigences même en pleine crise, ceci sans risquer un resserrement du crédit. Si l'Etat devient un partenaire, cela permettrait sans doute aux banques de disposer immédiatement des fonds propres nécessaires à leur activité. La confiance entre elles serait rétablie et le marché interbancaire fonctionnerait. Du point de vue politique, il est plus facile de réaliser cette réforme en pleine crise, plutôt que lorsque Wall Street s'imagine que tout est redevenu comme avant. C'est maintenant qu'il faut réformer.

    Hans-Werner Sinn est professeur d'économie et de finance à l'université de Munich et président de l'Institut de recherche économique Ifo.

    Copyright: Project Syndicate, 2009.
    www.project-syndicate.org
    Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

     

    Deuxiéme personalité ( a ma connaissance) qui recomande un régime drastique sans ambiguité, pour les banques,

    Il faut empêcher les banques de recommencer Stiglitz 


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