• Crise, krach, Moore

    Crise, krach, Moore  

     

    Documentaire

    CAPITALISM : A LOVE STORY de Michael Moore

    2 h 2.Flint, Michigan. Un père et son fils marchent le long d’un immense terrain dévasté. Le vieil homme a travaillé trente-trois ans« et demi »comme ouvrier dans cette usine de General Motors. Son fils, Michael Moore, documentariste, a reçu la palme d’or à Cannes en 2004 pour son brûlot anti-Bush, « Fahrenheit 9/11 ». Ce jour-là, GM a annoncé sa mise en faillite.« Mon meilleur souvenir, c’est que les gens qui travaillaient là étaient des gens bien,raconte l’ancien ouvrier.On ne méritait pas ça. On travaillait dur, mais on gagnait bien. Ça fait mal au cœur de voir ça. »Flash-back. Vingt ans plus tôt, le jeune Michael, caméra au poing, tente d’entrer dans le saint des saints de Detroit, l’immeuble tutélaire de GM, afin d’interviewer son président, Roger Smith. Il n’y parviendra pas, mais son documentaire « Roger and Me » fera le tour du monde et rendra son auteur, à la démarche balourde et à l’éternelle casquette vissée sur le crâne, célèbre. En 1989, au cours de son reportage, Moore avait néanmoins réussi à coincer le directeur des ressources humaines de General Motors, qui lui affirmait qu’il licencierait autant d’employés qu’il le faudrait à Detroit.« Y compris tous ? », avait demandé le reporter.« Pourquoi pas ? »répondait le DRH sans ciller. Vingt ans après, Michael Moore demande à rencontrer l’actuel PDG. Il est refoulé de la même manière que par le passé.

    Au bazooka

    Son nouveau brûlot, « Capitalism : a Love Story », est son meilleur film depuis « Roger and Me ». Comme à son habitude, Moore y va au bazooka. La thèse est simple, mais dans la lignée de Stiglitz ou de Krugman, elle n’est pas simpliste : au début des années 1980, Ronald Reagan, conseillé par les banques de Wall Street, Merrill Lynch en tête, a lancé une vaste opération de dérégulation planétaire, enrichissant les plus riches au détriment de la classe moyenne. Le miroir aux alouettes du « subprime » a achevé de ruiner les candidats à la propriété les plus fragiles. Voyez cet agent immobilier de Miami qui a fièrement baptisé son agence « Vautour Immo ». Il revend des maisons saisies. Il cède pour 350.000 dollars une maison achetée 800.000par ses anciens propriétaires.« Bienvenue à Miami crash »,lance-t-il fièrement avant de se justifier :« Tout le monde a envie de profiter du malheur des autres. Les vautours ne tuent pas, ils nettoient. La différence entre eux et moi : je ne me vomis pas dessus le matin. »

    Paysans morts

    Plus grave encore, l’argent roi a perturbé les comportements moraux des Américains. Moore en donne de nombreux exemples : ce juge qui avait investi dans un centre de redressement privé pour mineurs et multipliait les condamnations pour les faits les plus anodins, rallongeant les peines en cours de route pour faire du chiffre. Il avait appelé son yacht : « Le justicier des mers. » Moore dénonce aussi les sociétés, parmi les plus respectables des Etats-Unis, qui prennent des contrats d’assurance-décès sur leurs employés. A ceci près que c’est l’entreprise qui, à la mort du salarié, touche l’argent, laissant la famille dans le dénuement. On appelle ces contrats « dead peasants » (« paysans morts »). Ils sont tout à fait légaux.Il y a deux ans, le documentaire de Michael Moore aurait paru excessif ; aujourd’hui, après que l’économie mondiale a frisé le collapsus, il force à la réflexion. La hiérarchie catholique du Michigan, elle, a déjà choisi son camp :« Le capitalisme est contraire à la parole de Jésus. »Signé : Mgr Thomas Gumbleton, évêque de Detroit.

    T. G.

    Michael Moore signe là son meilleur film depuis « Roger and Me ».Paramount Pictures

     

    Le constat désabusé de Michael Moore, enfant trahi d'une société prospère 


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