• Retraites : le ratio caché (suite)

    Retraites : le ratio caché (suite)

     

    J’ai reçu beaucoup de remarques et de questions sur mon billet précédent : sur mon blog, mon mail et jusque… dans les manifs ! Pour presque tous, il s’agit d’une découverte voire d’un choc. Il est vrai que le gouvernement ne risque pas de mettre en avant ce ratio et son évolution, qui montrent (si le raisonnement est exact, ce que nous allons voir) que la situation est tout sauf dramatique pour le financement des retraites et d’autres besoins collectifs dans les décennies à venir.

    Mais du coup les questions portent sur la fiabilité de ce ratio, sur sa pertinence, ses limites, ou sur les risques d’interprétations douteuses. Autant de questions très importantes que je ne traiterai pas toutes ici.

    La première et peut-être la plus importante des questions concerne les dépenses respectives (dépenses privées et dépenses publiques) qui font face aux besoins des jeunes d’une part, des retraités de l’autre. Pourquoi est-ce essentiel ?

    Revenons pour cela à notre ratio dit « de dépendance économique », qui est le quotient de la population totale par la population en emploi. Les projections existantes montrent qu’il devrait augmenter assez peu d’ici 2050 (+ 13,5 %), contrairement au ratio de dépendance vieillesse, plus connu. La raison principale de cette faible augmentation est que, si la proportion de personnes âgées doit en effet augmenter vivement, celle des jeunes devrait diminuer, ce qui produit une « compensation statistique ». Certes, il y a d’autres catégories de personnes hors emploi que les jeunes et les vieux, mais ce sont ces deux dernières qui ont, de loin, le plus d’influence sur les évolutions. Donc concentrons-nous sur elles.

    Ce ratio socio-démographique ne dit rien du financement tant qu’on n’a pas une idée du « coût » respectif d’un jeune et d’un retraité. S’il apparaissait par exemple que le premier est faible et restera faible vis-à-vis du second, alors c’est la vive croissance de la proportion de personnes âgées qui serait déterminante dans l’évolution des « coûts d’entretien » des personnes hors emploi (l’ensemble des ressources économiques qui leur sont destinées).

    C’est donc là qu’intervient l’hypothèse de Pierre Concialdi, ainsi citée dans mon billet : « contrairement à une idée reçue, le coût « d’entretien » des personnes âgées n’est pas plus élevé que celui des jeunes ».

    Cette hypothèse semble aller à rebours de tout ce qu’on nous assène sur les « charges » liées au vieillissement. Elle est pourtant solide. Je m’appuie ici (de très près) sur un échange avec Pierre Concialdi, avec son accord. Cela fait près de quinze ans que Pierre écrit régulièrement sur cette question (voir en particulier en 1997 son article dans la Revue de l’IRES, « L’alibi de la démographie »). Faut-il que j’ajoute que son apport (entre autres dans son récent livre) va très au-delà de ce ratio, qui n’est qu’une des pièces du puzzle ?

    Dès les années 1980, une estimation de Jean-Pierre Cendron montrait que les dépenses totales (publiques ET privées) étaient du même ordre pour un jeune et pour un vieux. Pierre Concialdi avait actualisé ce chiffrage en 1997, avec la même conclusion. Cela peut surprendre, mais il faut savoir que, par convention, on considère que les jeunes qui vivent chez leurs parents ont le même « niveau de vie » que ces derniers (pour la définition des niveaux de vie, voir mon post du 11 janvier 2010). Dans la mesure où les ménages de retraités ont aujourd’hui un niveau de vie à peu près égal à celui des ménages d’actifs, les jeunes qui vivent dans ces ménages d’actifs ont donc un niveau de vie lui aussi égal à celui des retraités. Cette hypothèse est discutable (notamment pour les femmes), mais pour les jeunes elle n’est pas stupide.

    Cela dit, il y a une vraie différence entre ces dépenses associées aux jeunes et aux vieux, non pas de montant total mais de structure. Les dépenses pour les plus vieux sont majoritairement publiques (dépenses pour les retraites… tant qu’on assure leur financement public !) alors que les dépenses pour les jeunes sont majoritairement privées (elles dépassent de loin le montant des dépenses publiques d’éducation, de crèches, etc.). Il y a donc bien un choix politique majeur à travers le débat sur les retraites (le degré de socialisation de la réponse aux besoins)… mais guère de difficultés économiques globales sous l’angle des richesses économiques nécessaires.

    Cette approche fondée sur le constat des dépenses actuelles ne dit évidemment rien de ce qui serait souhaitable dans les décennies à venir, de l’évolution relative des besoins des plus jeunes et des plus vieux, etc.

    Mais, et j’ajoute ici un argument personnel non emprunté à Pierre Concialdi, entre l’amélioration d’un côté de l’éducation et de l’accueil des jeunes enfants, et de l’autre le développement de services divers aux personnes âgées, je ne vois pas de raison de penser que les dépenses publiques par retraité soient appelées à progresser plus vite que celles qui concernent les jeunes. Si l’on conserve par ailleurs une norme d’égalité approximative des niveaux de vie, l’hypothèse de Concialdi semble pouvoir tenir la route à long terme.

    Jean Gadrey

    Lien : Retraites : le ratio qu’on vous cache


  • Commentaires

    1
    phili675
    Mercredi 20 Octobre 2010 à 08:58
    Bonjour.
    Très sincèrement les théoriciens en matière économique me font de plus en plus peur, et ce discours me rappelle un peu 1980, ou après le grand soir, et ses avancées sociales, nous avons eu droit au réveil douloureux, moins d'un an plus tard.

    Simple question : si cette théorie est fondée, et son ratio prouvé , comment expliquer que toutes les caisses de retraite , et même les représentants syndicaux , s'accordent à reconnaitre des déficits importants pour les années qui arrivent , si rien n'est fait.

    Voila. Merci de m'avoir lu.

    PHILIPPE
    2
    emile11111 Profil de emile11111
    Mercredi 20 Octobre 2010 à 09:16
    Je partage assez votre sentiment. Mais l'objectivité veut que je poste des avis qui sortent de la pensée unique.
    Maintenant sur ce blog il y a beaucoup d'articles qui montrent que le déficit peut être comblé "relativement facilement" ( salaire des femmes, réforme fiscales au profits des "très riche" et des entreprises, etc..), et j'entends peut les représentants syndicaux, politiques ou autres en parler.
    Merci de votre contribution
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