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    Depuis deux semaines, le dollar est devenu la monnaie vedette des spéculateurs. La devise qui avait servi, au plus fort de la crise, de valeur refuge, finance aujourd'hui les stratégies spéculatives appelées " carry trade " (ou portage). Elles consistent à emprunter de l'argent dans une monnaie où les taux sont les plus bas puis à replacer ces capitaux dans une autre qui rémunère davantage.

    Depuis fin août, les taux d'intérêt américains à trois mois sont passés en dessous des taux japonais et suisse. Les spéculateurs qui, depuis le printemps, empruntaient de l'argent en yens et en francs suisses pour le replacer sur des marchés où les taux sont les plus élevés, comme le dollar australien ou le dollar néo-zélandais, mais aussi sur les matières premières, empruntent désormais en dollars. Et comme ils doivent, pour mettre en oeuvre ces stratégies de " carry trade ", vendre les dollars empruntés, le billet vert est sous pression et les monnaies sur lesquelles ils réinvestissent explosent.

    Depuis mars, le dollar néozélandais a progressé de 43 % face au dollar. La banque centrale néozélandaise a indiqué jeudi 10 septembre que si l'appréciation de sa devise continuait, cela pourrait compromettre la reprise économique du pays. " Un avertissement qu'il ne faut pas prendre à la légère, estiment les économistes de BNP Paribas. (...) Il ne serait pas surprenant de voir la banque centrale intervenir en cas de nouvelles hausses du dollar néo-zélandais face au dollar américain. Rappelons que les Etats-Unis sont un important partenaire commercial de <st1:personname productid="la Nouvelle-Zélande" w:st="on">la Nouvelle-Zélande</st1:personname>, contrairement à l'Australie, qui traite essentiellement avec le Japon et les autres économies asiatiques. "

    Des taux toujours bas

    Jusqu'à présent, les spéculateurs n'étaient pas parvenus à faire chuter fortement le dollar face à l'euro. Mardi, alors que l'or franchissait le seuil des 1 000 dollars l'once, le dollar a brusquement décroché, envoyant l'euro à son plus haut niveau depuis septembre 2008. La monnaie unique a poursuivi son ascension tout le long de la semaine, allant jusqu'à 1,4628 dollar, vendredi, et gagnant plus de 2 % sur cinq jours. Certains économistes n'excluent pas de voir l'euro prochainement dépasser les 1,50 dollar.

    En fait, " un très gros investisseur bloquait depuis plusieurs jours le marché de manière à ce que le dollar ne chute pas en dessous du niveau de 1,4450 dollar pour 1 euro. Mais cette position n'a pas résisté, mardi, à la puissance de la vague de vente du dollar qui a suivi le sommet du G20 finances ce week-end - des 4 et 5 septembre - et cela a provoqué un mouvement de panique ", explique Sébastien Galy, stratège sur les devises chez BNP Paribas.

    Les ministres des finances et les banquiers centraux des pays du G20 se sont entendus, les 4 et 5 septembre, pour ne pas précipiter le retrait des mesures anti-crise. La banque centrale du Canada a précisé jeudi à l'issue de sa réunion monétaire qu'elle allait conserver les taux très bas jusqu'à la fin du deuxième trimestre de 2010.

    Les financiers, eux, ont compris que le coût de l'argent resterait bas encore un long moment et qu'ils pouvaient continuer à spéculer. " Des données - économiques - décevantes pourraient même inciter des investisseurs à prendre des risques et à faire des paris agressifs sur les marchés émergents dans la mesure où il n'y aura pas de sortie rapide de la politique fiscale et monétaire expansionniste dans les pays industrialisés ", jugent les économistes de BNP Paribas.

    Ainsi la prudence des banques centrales pourrait se retourner contre elles. A laisser les taux bas trop longtemps, elles risquent de créer des bulles spéculatives. Et surtout de devoir prendre en compte cet élément lors de la normalisation monétaire pour ne pas causer d'autres dégâts.

    A la suite d'une politique monétaire ultra-souple menée depuis 2001, <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> du Japon avait longuement hésité en 2006 avant de commencer à normaliser sa politique monétaire. Elle craignait d'engendrer des déséquilibres au vu des sommes considérables que les spéculateurs avaient à l'époque emprunté en yens à des taux très bas pour effectuer des opérations de " carry trade ". En mars 2006, elle décidait toutefois de réduire les facilités qu'elle accordait aux banques. Un an plus tard seulement, en février 2007, elle commençait à relever ses taux d'intérêt.

    Cécile Prudhomme

     


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  • Ludovic Lamant

    • ·  Que retenir du rapport final de la commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social, qui sera rendu public lundi 14 septembre dans le grand amphithéâtre de <st1:personname productid="la Sorbonne" w:st="on">la Sorbonne</st1:personname> à Paris, et auquel Mediapart a eu accès? Une condamnation sans appel de l'hégémonie du Produit intérieur brut (PIB), qui devrait faire date, et des pistes parfois audacieuses pour mesurer le «bien-être» des individus comme la «durabilité» du développement des sociétés. Présidé par l'américain Joseph Stiglitz, le groupe de vingt-deux experts (dont deux femmes seulement, et pas moins de quatre Nobel, tous américains), fait le pari que le séisme économique des derniers mois va légitimer un peu plus ses travaux décisifs, pour remettre l'individu au centre de l'économie.

     «La crise nous enseigne une leçon très importante : ceux qui tentent de diriger l'économie et nos sociétés, sont comme des pilotes sans boussoles, lit-on dans l'introduction. Si la conscience des limites des instruments de mesure classiques, comme le PIB, avait été plus forte, peut-être l'euphorie entourant les performances économiques des années précédant la crise aurait été moins vive.» A travers douze recommandations, la commission exhorte donc les responsables politiques, les chercheurs, les journalistes, mais aussi les associations et la société civile, à «aller au-delà du PIB», pour reprendre le slogan d'une conférence «historique» organisée sur le sujet par <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> européenne, en novembre 2007.

    L'inventaire des faiblesses du PIB n'est pas nouveau, mais c'est peut-être la première fois que des économistes aussi prestigieux le formulent de manière aussi nette. Le PIB, somme des valeurs de tous les biens produits sur un territoire, a pris un coup de vieux, car la société a changé depuis la création de cet indicateur en 1932. «La part de plus en plus importante des services et la production de produits de plus en plus complexes à réaliser rendent l'évaluation de la production et de la performance économique plus difficiles qu'auparavant.» Pire: le PIB ne dit rien des inégalités d'une société. Ce n'est pas parce que le PIB croît que les inégalités décroissent. Il faut donc, estime le panel, davantage se placer du côté des ménages pour apprécier la donne.

    Préférer aux approches globales des visions plus fines, par catégories sociales et par revenus (par exemple, l'inflation n'a pas le même effet sur le pouvoir d'achat des plus riches ou des plus pauvres). Insister sur les activités «non marchandes» dans le calcul de la richesse d'un pays (notamment dans les pays du Sud, où des biens sont produits dans l'enceinte familiale). Prendre en compte le patrimoine des ménages pour juger de leur situation (car celui qui dépense tout son argent en consommation ne travaille pas à son bien-être futur).  
    ·  Comment anticiper le bien-être d'une société?

    On s'en doutait depuis le début des travaux: la commission n'a pas cherché à remplacer le PIB par un autre hypothétique indicateur vedette. D'abord parce que le PIB reste un indicateur pertinent pour mesurer la performance économique d'un pays et anticiper, par exemple, les évolutions sur le front de l'emploi. Mais aussi parce qu'il faut prendre en compte une multitude de dimensions pour rendre compte du bien-être d'une personne, depuis la santé jusqu'à la sécurité, passant par l'éducation, l'environnement ou même l'intensité de ses relations sociales, et qu'aucun indicateur agrégé ne peut y parvenir seul. Des critères tels que la qualité d'une démocratie, le taux de mortalité infantile ou encore le taux de scolarisation sont mis en avant dans le rapport – sans surprise.

     

    Le plus spectaculaire, et sans doute l'un des points les plus débattus au sein de la commission, est ailleurs : la dixième recommandation [ci-dessous] propose de «prendre en compte les évaluations faites par les intéressés eux-mêmes de leur vie, et d'enregistrer leurs propres échelles de priorités». En clair, il s'agit d'intégrer au calcul de la «qualité de vie» les perceptions subjectives des populations, via des sondages plus ou moins élaborés. Sur ce point, la concrétisation s'annonce particulièrement délicate (quelles lignes de budget? quelle utilisation par le pouvoir politique?). En tout cas, <st1:personname productid="la Commission" w:st="on">la Commission</st1:personname> a l'air d'y croire très fort: «Des mesures quantitatives de ces éléments subjectifs devraient permettre de livrer, non seulement une mesure de la qualité de vie en tant que telle, mais aussi une meilleure compréhension de ses déterminants.»

     

     

    Enfin, le rapport se conclut sur des pistes de mesure du développement durable. Comment jauger la croissance verte? Comment anticiper le bien-être d'une société à T+1 ou T+2 ? Les experts n'ont pas fait les choix les plus consensuels. Ils proposent un tableau d'indicateurs permettant de calculer des «variations de stocks». L'idée étant, à chaque fois, d'établir ce qu'il restera aux générations à venir. Pour que la croissance soit durable, il faut donc que les stocks s'accumulent. Par exemple, un pays, dont la croissance repose avant tout sur l'exploitation de ses matières premières, est en train de détruire son capital: ses stocks s'amenuisent, sa croissance n'est pas tenable.

     

    Déjà très contestée, l'Epargne nette ajustée (ENA) ferait son grand retour. L'indicateur, inventé par <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> mondiale («genuine savings»), recourt à des chiffres classiques de la comptabilité nationale, comme les dépenses d'éducation ou l'épargne intérieure brut, pour rendre compte de la «durabilité» d'une société. Un instrument monétaire, donc, très critiqué par les écologistes, qui défendent eux des indicateurs physiques (comme l'empreinte écologique). Par rapport à la première version du rapport publié en juin, la commission a tout de même arrondi les angles, et pris ses distances avec une approche purement monétaire. On notera par ailleurs que l'empreinte écologique, très à la mode ces derniers temps, n'a pas été retenue par le panel.

     

     Site le la Commission Stiglitz 

    A suivre ce débat


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  •  L’Amérique n’est pas morte, rétorque, à ceux qui annoncent son déclin certain, cet ancien dirigeant qui a scruté les mouvements de concentration dans la finance et la technologie. Les résultats sont impressionnants : l’Amérique est bien en train de créer des géants encore plus forts, pendant qu’en Europe la création de grands groupes mondiaux semble encore heurter tout le monde.

    Il est de bon ton dans certains pays européens de considérer que la crise économique et financière va affaiblir les États-Unis de façon permanente.

    L’OPA de Kraft sur Cadbury n’est qu’une preuve supplémentaire que rien n’est plus faux.

    Certes, l’influence politique des États-Unis en sort diminuée après les années Bush, le dollar est affaibli par le déficit extérieur, les finances fédérales et des États sont gravement déficitaires, et le taux de chômage, qui dépassera sans doute les 10 % pour la première fois depuis la crise de 1929, va rester durablement élevé.

    Mais en déduire un affaiblissement généralisé de l’économie américaine, c’est ne pas avoir conscience du formidable mouvement d’adaptation qui est en cours dans les entreprises.

    Prenons par exemple deux secteurs très différents, la finance et la technologie.

    La finance d’abord. Depuis l’été 2007, on assiste à un mouvement sans précédent de concentration avec la création de cinq énormes conglomérats financiers, bénéficiant en pratique de la garantie de l’État fédéral : BoA, Citi, Goldman

    Sachs, JP Morgan et Wells Fargo. Il serait exagéré de dire que les États-Unis viennent de créer cinq Federal Reserve Banks supplémentaires, mais l’image n’est pas totalement inexacte !

    JP Morgan, après l’absorption de Bear Sterns et de WaMu, a retrouvé son lustre d’il y a cent ans. L’acquisition de Merrill Lynch a été difficile, mais personne ne doute que Bank of America ressortira renforcée de cette crise. Citi donne parfois l’impression d’être un « canard boiteux », mais les demandes de démembrement sont déjà moins pressantes. Wells Fargo n’a pas hésité à offrir 7 fois ce que proposait Citi pour absorber Wachovia. Enfin, Goldman

    Sachs se joue avec insolence de la déroute de ses concurrents. Toutes ont renoué avec des milliards de dollars de profits, leurs cours de Bourse ont explosé, et elles se sont refinancées sans difficultés sur des marchés qui voulaient tourner la page de la crise financière.

    Non seulement, ces entités sont évidemment « too big to fail », mais elles profiteront pleinement de la nouvelle phase de croissance des marchés financiers, sans même que soit nécessaire un retour à la finance « casino » des années 2002-2007, et à plus forte raison si cela devait être le cas. Dans la technologie, le phénomène est identique, même si les moteurs diffèrent. Les grandes entreprises technologiques américaines subissent l’effet de la crise de façon limitée. Elles continuent donc à accumuler des liquidités considérables et à investir en R&D. En plus, l’effondrement des valeurs boursières leur offre des opportunités d’acquisition inespérées.

    Cinq grands groupes en particulier ont su les saisir et créer de véritables conglomérats verticalisés, du hardware au software, et du marché entreprise au marché grand public : Cisco, HP, IBM, Microsoft et Oracle. Ces cinq groupes, de plus en plus concurrents entre eux, sont en train de créer des « écosystèmes » où consommateurs et entreprises trouvent tout ce dont ils ont besoin, mais deviennent captifs. Même Apple ou Google, dont les succès ont été foudroyants, donnent le sentiment d’être distancés. Quant aux autres entreprises, pourtant leaders dans leur domaine technologique, qui croyaient avoir une taille critique suffisante (5, 10 ou 15 milliards de dollars de chiffre d’affaires, selon leur degré de spécialisation), elles doivent complètement repenser leur stratégie. Le « rouleau compresseur

    » de l’un des cinq conglomérats est peut-être sur le point de les absorber également !

    Ces deux exemples sont loin de faire exception : il en est de même des secteurs des médias, de l’énergie, ou encore, avec l’OPA de Kraft, des biens de consommation. La course à la taille n’est peut-être pas une fin en soi ou un gage de succès. Mais force est de constater que des secteurs entiers de l’économie américaine profitent de la crise pour se concentrer, afin que leurs entreprises abordent la phase suivante, notamment de concurrence avec l’Asie, plus puissantes encore.

    Le contraste avec ce qui se passe en Europe est saisissant. Nos banques sont sanctuarisées, à quelques petites exceptions près, avec la bénédiction des États. Leurs modèles économiques, résistants en période de crise, n’ont probablement pas la même capacité de rebond. Dans la technologie, Nokia joue encore dans la cour des grands, avec une stratégie identique d’acquisition tous azimuts. Mais le reste du secteur est marginalisé. D’ailleurs, il intéresse peu les Asiatiques et les Américains, qui se contentent de gagner des parts de marché.

    Car, en Europe, la création de grands groupes mondiaux semble heurter tout le monde : les politiques qui soutiennent « leurs » entreprises, et non celles des voisins ; les salariés et les syndicats qui craignent des « purges » ; les opinions publiques et la presse qui analysent les concentrations en termes purement manichéens et les considèrent comme anormales ; et les organes de gouvernance et les directions générales qui, dans cette ambiance de « chasse aux sorcières », ne semblent pas avoir le courage de mettre en œuvre ce qu’une analyse lucide leur suggère.

     

    Franck Dangeard

    Administrateur de sociétés

     

    Faudrait pas les oubliez,  la réalité est quand même calme plat en Europe  et le monde change autour de nous.
     Regardez les articles dans la rubrique.
    Le Monde change 


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  • Est-ce jouer avec complaisance les prophètes de malheur que de relever dans les nouvelles américaines d’hier et d’aujourd’hui la forte dégradation de la situation des marchés immobiliers commercial et résidentiel ainsi que la chute brutale du crédit à la consommation, les deux principaux moteurs identifiés de l’économie ? Contredisant, tout du moins dans les apparences, les conclusions du « livre beige » de la Fed (le rapport écrit publié avant ses réunions du Comité de politique monétaire), qui vient d’être publié et met l’accent sur le fait que « l’activité économique a continué de se stabiliser en juillet et en août », ce qui permet à certains de prédire rapidement que la récession est terminée  ?

    Où est l’erreur, quand sur le front de la finance on apprend que la demande des banques aux enchères de refinancement de la Fed (les adjudication) a été d’un montant nettement inférieur aux précédentes, pour se rapprocher avec un montant de 31,9 milliards de dollar de ceux d’avant la crise d’environ 30 milliards ? Ou bien lorsque la FDIC informe que son programme de garantie de la dette bancaire pourrait prendre fin au 31 octobre prochain, au profit d’un plan destiné aux seuls cas d’urgence ? Cela va mieux ou pas, comment s’y retrouver  ?

    On se demande si une confusion voulue n’est pas en train de s’installer, privilégiant à la reconnaissance de la tendance lourde et destinée à durer de la mauvaise situation économique générale la mise en avant de l’embellie financière et boursière constatée parallèlement, comme une feuille de décor filmée sur un plateau délabré, maintenu précautionneusement hors champ par la caméra aussi longtemps que dure le tournage. Soulignant que les banques américaines ont certes réussi à lever des capitaux dans des conditions douteuses abondamment relevées (les stress tests et leur suite), pour mieux s’interroger sur la réalité de leur solidité financière.

    Comme si elles avaient enfoui plus profondément sous ces fonds des actifs comptablement revalorisés par un artifice, mais dont la valeur ne s’était pas pour autant améliorée sur le marché et qu’elles prétendaient vivre en leur compagnie dorénavant. Et qu’elles envisageaient de continuer à le faire, alors que de nouvelles dévalorisations menaçaient de s’imposer, dont elles allaient encore ignorer la nécessité, pour les mêmes raisons et avec les mêmes méthodes. Comme si l’on assistait également, mais en beaucoup plus grandes et lourdes conséquences, à la manifestation de ce déni auquel les hommes politiques nous ont accoutumés, et dont les banques ont fait une méthode peu orthodoxe et dangereuse de gestion. Enfouissant, pour ne plus les voir, les témoins tenaces de leurs errements, faisant des risques d’hier ceux de demain, tout en prétendant désormais maîtriser ce risque (se préparant à en prendre d’autres). Incorrigibles et incontrôlés apprentis sorciers !

    Rappelons donc que, pour le sixième mois consécutif, l’en-cours du crédit à la consommation US a reculé en août de 21,5 milliards de dollars par rapport à juillet, soit une chute de 10,4% en rythme annuel. Que 358.471 saisies immobilières ont été prononcées en août, sensiblement le même chiffre que celui de juillet, qui était un record.  Que, selon l’Association des banquiers hypothécaires (MBA), les retards de paiement d’emprunteurs dans l’immobilier commercial ont atteint un niveau inégalé au deuxième trimestre. Et que seulement 12 pour cent des emprunteurs individuels éligibles au programmes d’aide financière (une faible part de ceux qui ont fait défaut) ont obtenu la renégociation de leur prêt à la baisse et que, selon le département du Trésor, des millions de prêts vont faire à leur tour défaut. Voilà la réalité que cache ce décor qui se voudrait avantageux.

    Mais l’est-il tellement  ? Rien n’est moins sur, si l’on écoute l’agence Moody’s, qui vient de rendre publique une étude selon laquelle le marché de la titrisation, qui permet aux banques de sortir de leur bilan le risque des crédits qu’elles accordent, s’est effondré et ne redémarre que très lentement. « Les mauvaises performances vont se poursuivre dans la titrisation adossée à des prêts aux consommateurs malgré la croissance du PIB, parce que le niveau du chômage et des prix de l’immobilier vont continuer à se détériorer pendant une bonne partie de l’année 2010 ». De même pour les prêts immobiliers aux particuliers, et pire encore sur le marché de l’immobilier commercial, un marché où « les défauts de paiement, la valeur des biens et d’autres mesures de performance sous-jacente se sont considérablement détériorés ». Voilà ce qui explique, avec la « perte de confiance » enregistrée sur le marché interbancaire, sur lequel seuls les opérations à court terme reprennent quelques couleurs, pourquoi le crédit n’est pas prêt de repartir et l’économie avec lui. Voilà également un sujet d’inquiétude pour les marchés financiers, pour lesquels la titrisation était, sous couvert du soutien à l’économie, une source de gigantesques profits, qu’il est essentiel de renouveler sur de nouvelles bases.

    Un discours a hier fait le tour de la planète et des rédactions, celui de Lloyd Blankfein, le Pdg de Goldman Sachs, car il sonnait comme un véritable manifeste et était prononcé par un homme pouvant concourir au titre de plus puissant la planète. Quel a été l’essentiel du message  ? « Retirer totalement le risque du système se ferait aux dépens de la croissance économique » a martelé son auteur fort écouté, ajoutant : « si nous abandonnons, au lieu de réguler, des mécanismes de marché créés il y a plusieurs dizaines d’années, comme les produits dérivés, nous pourrions limiter l’accès au capital et une protection et distribution efficaces contre le risque ». Donnant de son point de vue le coup de grâce en affirmant  qu’il fallait «résister à la tentation d’une réaction visant uniquement à nous protéger d’une tempête qui n’arrive que tous les 100 ans ». Le reste de ses propos n’étaient que des concessions formelles, des habillages concédés et faisant la part du feu, sur la compensation des produits dérives « normalisés » dans des chambres de compensation (cf. le billet d’hier), la réintégration dans les bilans financiers des véhicules d’investissement hors-bilan (SIV), ou bien encore les bonus.

    La manière avec laquelle le Pdg de Goldman Sachs a présenté ce qui était également le plaidoyer du secteur financier n’était pas sans habilité, il faut la relever : « le secteur a laissé la croissance et la complexité des nouveaux instruments dépasser leur rôle économique et social ainsi que les moyens opérationnels de les gérer. Résultat, les risques opérationnels ont dramatiquement augmenté, et cela a eu un impact direct sur la stabilité globale du système financier ». Le Financial Times titrant  :  »Le patron de Goldman admet que les banques ont perdu le contrôle ». Le rôle économique et social de ces instruments (il s’agit pour l’essentiel de l’ensemble des produits dérivés) justifie donc d’en reprendre le contrôle (on ne sait pas comment), dans la logique de cette présentation, mais pas de les mettre ne serait-ce que partiellement en cause. Avec cet argument imparable: il faut que les clients qui manifestent un fort appétit pour le risque (et pour les profits) puissent trouver dans le catalogue de produits que leur présentent les banques chaussure à leur portefeuille.

    Combien sur la défensive apparaissent, dans ces conditions semblant comme dictées par le vainqueur, la tentative des banques françaises de se défausser devant la menace qui leur pend au bout du nez de devoir augmenter leurs fonds propres  ! « Nous aimerions que l’ensemble des questions liées à la stabilité financière ne soit pas réglée par l’addition de couches de fonds propres », a demandé Ariane Obolensky, directrice de la Fédération bancaire Française (FBF), se réfugiant derrière l’application des normes prudentielles dites de « Bâle II » et à la méthode du calcul des risques. Faisant penser que le calcul de risque pour les banques européennes ce qu’a été la révision des normes comptables pour les américaines. Il faut se pencher dans le dédale technique des méthodes de calcul de risque de « Bâle II » pour comprendre que c’est un formidable terrain de jeu pour tout financier un peu créatif, une espèce qui n’est pas en voie de disparition. A chacun ses méthodes et ses travestissements des deux côtés de l’Atlantique. L’argument décisif étant ensuite employé par la FBF  : des exigences trop élevées de fonds propres pourraient « affecter le financement de l’économie ». On se demande bien pourquoi…

    Aller voir ce lien :

    évolution faillites bancaires aux US 


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