• L'Elysée sacrifie 80 millions d'économies par crainte de mécontenter les étudiants

    650 000 familles pourront toujours cumuler APL et demi-part fiscale, et les étudiants vont percevoir neuf mois et demi de bourse en 2010

     

     

    Sacrifier des économies budgétaires afin de ne pas ouvrir un front de contestation dans le monde étudiant, alors que la rentrée s'annonce déjà socialement agitée avec la réforme des retraites. C'est le choix qu'a fait Nicolas Sarkozy. Au risque de montrer qu'il ne sera pas simple de couper dans les dépenses de l'Etat pour réduire les déficits publics.

    Jeudi 26 août, l'Elysée a en effet annoncé que le projet d'interdire, pour les étudiants et leurs parents, le cumul entre l'aide personnalisée au logement (APL) et la demi-part fiscale pour enfant à charge était abandonné. Dans le même temps, la présidence de la République a indiqué que les bourses étudiantes seront versées sur neuf mois et demi en 2010-2011, puis dix mois en 2011-2012, contre neuf mois actuellement.

    Le projet de suppression du dispositif de cumul APL et demi-part fiscale, qui concerne plus de 650 000 étudiants, avait été avancé début juillet par le gouvernement lors de la présentation des grandes lignes du budget 2011. Il s'agissait de l'un des rares exemples donnés par l'exécutif pour illustrer la façon dont il entend diminuer les dépenses de l'Etat afin de réduire les déficits publics.

    Cette annonce avait provoqué de vives réactions chez les syndicats étudiants et les associations familiales. Mais aussi - un peu - dans la majorité. La mesure aurait pénalisé les classes moyennes, sujet politiquement très sensible.

    Le sénateur UMP de la Seine-Saint-Denis, Christian Demuynck, a ainsi calculé qu'un foyer fiscal avec deux étudiants gagnant 4 800 euros brut par mois aurait subi une perte annuelle de plus de 1 685 euros en choisissant l'aide au logement et de 3 400 euros en choisissant la demi-part fiscale.

    " Recul sous la pression "

    Si la décision d'annuler le projet a été communiquée jeudi à l'issue d'une réunion entre M. Sarkozy et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, elle avait été prise " dès le 20 août, lors de la réunion de Brégançon " entre le président de la République, le premier ministre, François Fillon, et le ministre du budget, François Baroin, indique-t-on à l'Elysée.

    " C'est un recul sous la pression. Nicolas Sarkozy a voulu éviter un conflit avec les étudiants à la rentrée ", s'est félicité, jeudi, Jean-Baptiste Prévost, le président du syndicat étudiant UNEF.

    A l'Elysée, on explique que la proposition avait été défendue par M. Baroin " fonctionnellement, car c'est son boulot ", mais que M. Fillon avait toujours eu des doutes et que M. Sarkozy ne l'avait pas arbitrée. Ce dernier aurait considéré que le dispositif ne prenait pas assez en compte l'éloignement géographique des étudiants et, surtout, qu'il " ne fallait pas que l'on puisse donner le sentiment que l'on faisait des économies sur la formation des jeunes ", souligne son entourage.

    L'impact financier - 80 millions d'euros d'économies en 2011 et 130 millions en 2012 - n'était pas non plus si important qu'il vaille la peine de s'exposer à la colère " de centaines de milliers de familles ", ajoute-t-on à l'Elysée.

    " Avec l'APL, on rendait l'annonce du dixième mois de bourse inaudible ", fait par ailleurs remarquer une source proche du dossier. Or, cette mesure, elle, était très attendue... Depuis la mise en place de l'architecture licence-master-doctorat et du " plan licence ", en 2007, l'année universitaire s'est allongée à dix mois dans de nombreuses universités. Les 570 000 boursiers demandaient donc que le versement des bourses s'aligne sur cette durée. La polémique sur l'APL entachait un tableau qui fait la fierté du gouvernement, lequel s'enorgueillit d'une hausse moyenne des bourses de 19 % sur la mandature.

    Le recul sur les aides au logement étudiant témoigne de la difficulté que l'exécutif aura à couper dans les dépenses de l'Etat. Son ambition est de réduire de 10 % les aides publiques de ce type sur trois ans (- 4 milliards d'euros dès 2011). Il veut aussi réduire de 10 milliards d'euros les dépenses occasionnées par les régimes fiscaux dérogatoires - les niches - en supprimant ou réduisant certains d'entre eux.

    " L'exemple de l'APL et de la demi-part fiscale me conforte dans l'idée qu'il faut donner un coup de rabot partout, une baisse uniforme de tant de pour-cent sur tous ces régimes fiscaux préférentiels ", relève Philippe Marini, le rapporteur (UMP) du budget au Sénat. " Ce serait plus simple, plus efficace et plus équitable. "

    Mais l'Elysée ne veut pas en entendre parler, évoquant des " mesures aveugles " et " pas très courageuses ". Quitte à devoir affronter autant de mécontents qu'il y aura de niches supprimées. Car, selon l'adage, en chacune d'elles il y aurait " un chien qui mord ".

    Benoît Floc'h, Arnaud Leparmentier et Philippe Le Coeur


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  • " L'homme transforme l'aléa naturel en catastrophe "

    Un entretien avec Salvano Briceno, directeur de la Stratégie internationale pour la réduction des catastrophes

    ENTRETIEN

    Villes et villages se vident dans la vallée de l'Indus. Des centaines de milliers de Pakistanais continuent de fuir les inondations qui ont déjà fait 1 500 morts depuis un mois. Au Pakistan comme en Russie, en Chine ou en Inde, les catastrophes naturelles ont rendu l'été meurtrier. Mais sont-elles si naturelles ?

    Plus que le climat ou l'environnement, " c'est l'intervention de l'homme qui crée la catastrophe ", estime le Vénézuélien Salvano Briceno, qui dirige à Genève la Stratégie internationale de réduction des catastrophes des Nations unies.

    Depuis dix ans, cette agence noue des partenariats avec l'ensemble des agences de l'ONU, la Banque mondiale et les organisations humanitaires, pour que les stratégies d'adaptation au changement climatique et de lutte contre la pauvreté intègrent la prévention des catastrophes. Avec des progrès très lents.

    Quelle leçon tirez-vous de la situation au Pakistan ?

    Là-bas comme ailleurs, on ne tient pas compte des risques naturels, vus à tort comme inévitables. On a permis aux gens de s'installer sur les bords des fleuves, dans les plaines d'inondation. Des endroits où les risques étaient pourtant bien connus. C'est la principale cause de la catastrophe. Ce n'est pas l'aléa naturel qui tue les gens. Si la plupart des victimes sont mortes dans le nord, c'est parce que la guerre avait rendu la région vulnérable et fait de nombreux déplacés.


    Pour vous, les catastrophes sont avant tout dues à des facteurs humains ?

    L'aménagement du territoire et la politique de construction portent une responsabilité essentielle dans la fabrication des catastrophes. Elles ne sont pas naturelles. C'est l'action de l'homme qui transforme l'aléa naturel en désastre.

    En Russie, la mauvaise gestion des forêts a été une des causes principales des incendies qui ont ravagé le pays. En Chine, la croissance urbaine incontrôlée et la déforestation favorisent les glissements de terrain. En Haïti, le 12 janvier, les habitants de Port-au-Prince ont été tués par leur pauvreté, pas par le tremblement de terre. Un mois plus tard, un séisme équivalent a frappé le Chili, avec infiniment moins de morts. La différence, c'est la misère, l'urbanisation des terrains à risque, l'absence de normes de construction. Chaque année, un même ouragan fait des ravages mortels à Haïti mais aucune victime à Cuba ou en République dominicaine.

    Comment inverser la tendance ?
    Il faut cesser de considérer la catastrophe comme un événement imparable, comprendre que ce sont les conditions du développement économique, social, urbain qui créent le risque ou le réduisent. Cela signifie, puisqu'on ne peut pas toujours éviter les aléas naturels, qu'il faut substituer une stratégie de réduction du risque, aujourd'hui largement inexistante, à la politique actuelle de gestion des catastrophes. Pour l'instant, on ne sait que répondre à la crise : c'est beaucoup plus simple. La réponse des secours chinois face aux glissements de terrain montre que la Chine est bien meilleure pour gérer les catastrophes que pour gérer les risques.

    La croissance urbaine doit prendre davantage en compte le rôle des espaces naturels. Il faut renforcer les écosystèmes non seulement pour maintenir la biodiversité, mais aussi pour leur fonction de réduction des risques, qui n'est pas encore reconnue. Et si le développement des bidonvilles est encore inévitable dans bien des pays, les gouvernements peuvent guider les pauvres vers des zones moins exposées.

    Nous sommes à mi-parcours de la décennie d'actions pour la prévention des catastrophes adoptée par les Nations unies à Hyogo, au Japon, en 2005. Y a-t-il eu des progrès concrets ?

    Nous sommes à mi-chemin de la prise de conscience, mais au tout début de la mise en oeuvre. Certains pays, comme le Bangladesh, ont fait des choses incroyables pour diminuer la mortalité lors des cyclones. Des groupes de pays comme ceux de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean) se sont engagés à traduire le cadre d'action de Hyogo dans leur législation.

    Du côté des grandes agences internationales et des bailleurs de fonds, la prise de conscience existe, mais ces acteurs ne voient pas facilement à long terme. Toute l'aide internationale est centrée sur le court terme. Or, l'éducation, les systèmes d'alerte, les règles de construction, cela se bâtit sur la longue durée.

    La négociation sur le climat peut-elle changer la donne ?

    Oui. La question de la réduction des risques de catastrophe a été incluse dans la négociation sur le climat en 2007, dans le plan d'action de Bali. C'est toujours une des bases de la négociation pour l'adaptation des pays pauvres au changement climatique.

    Quand un accord international sera enfin trouvé, ce sera un grand pas en avant : le financement par les pays riches de ces stratégies d'adaptation va dégager des ressources importantes.

    Et pour s'adapter au changement climatique, les pays vulnérables devront commencer par réduire les risques liés aux aléas naturels.

    Propos recueillis par Grégoire Allix

    • Un été meurtrier

      Chine Les inondations et les glissements de terrain ont fait plus de 2 000 morts et 1 000 disparus depuis le mois de juin.

      140 millions de Chinois ont été affectés, 10 millions ont dû être évacués.

      Pakistan Depuis le 29 juillet, une mousson exceptionnelle entraîne de graves inondations le long de l'Indus. 1 500 personnes sont mortes, 20 millions sont touchées, 8 millions ont besoin d'une aide d'urgence.

      Inde Le 6 août, des pluies torrentielles, des glissements de boue et de rochers ravagent Leh, dans le Ladakh, au Cachemire indien, faisant 190 morts, 400 disparus et des centaines de blessés.

      Russie Des feux de forêt et de tourbière, attisés par une canicule record, ravagent des centaines de milliers d'hectares et des villages entiers fin juillet et au mois d'août. Bilan : 54 morts.



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  • Stephff, The Nation (Bangkok)


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  • L’Europe trahie par les Vingt-Sept

     La Stampa Turin



    Ils l'aiment, mais elle ne le leur rend pas. Bruxelles, 3 juillet 2010, le spectacle d'ouverture de la présidence belge de l'UE.

    L’Union européenne est au plus bas dans les sondages, révèle le dernier Eurobaromètre. Ce ne sont pas les euro-sceptiques qui sont en hausse, mais bien les partisans de l’intégration. La Commission piétine. Le président de l’Union est aux abonnés absents. Réveillez-vous, les Vingt-Sept !

    Lorsque l’Europe demande à ses citoyens si elle est encore la plus belle du royaume, seuls 49 % répondent "oui". Le dernier Eurobaromètre publié par la Commission révèle que moins de la moitié des européens considère qu’appartenir à l’UE est "une bonne chose" pour leur propre pays. On n’était pas passés sous la barre des 50 % depuis 2004, et l’on comptait 58 % d’euro-enthousiastes en 2008. Nous sommes au plus bas niveau depuis que l’Europe compte 27 membres. La saison de la majorité absolue est temporairement suspendue.

    Est-ce là une défaite de l’Union ? Oui, bien sûr. Une défaite de l’Europe ? Absolument pas. Une victoire des euro-sceptiques ? Vous voulez rire ? Ce même sondage indique qu’il existe un désir croissant de rassembler et de consolider l’énergie politique européenne. Le nombre de personnes considérant que l’Europe doit résoudre les problèmes liés à la récession est en hausse. Trois quarts des européens demandent en effet davantage de coordination.

    Nombre de personnes souhaiteraient du reste mieux connaître ce que l’Europe peut faire pour elles, parce qu’elles s’attendent à ce qu’elle le fasse. Si de nombreux européens pensent finalement que l’Europe n’est pas "une si bonne chose", ce n’est pas parce qu’ils sont opposés à l’intégration, mais parce qu’ils se sentent trahis par les Vingt-Sept et par la façon dont ceux-ci ont conçu le projet d’intégration. Ils exigent davantage. Ils se sentent abandonnés par les petits jeux de pouvoir qui se nouent entre Bruxelles et les autres pays européens. Ils veulent savoir et participer.

    La solution à adopter est évidente. Il faut cesser de donner l’impression qu’il ne s’agit que d’un simple jeu de société, comme le fait actuellement le Haut représentant de l'Union pour la Politique étrangère, Catherine Ashton, de concert avec les Vingt-Sept, avec le lancement du service diplomatique. Il s’agit d’un problème de communication, un problème concernant la façon dont l’Europe s’exprime à ses citoyens et la manière dont les institutions mènent leur guerre fratricide. C’est un problème d’approche nationale, car personne ne veut réellement faire équipe jusqu’au bout.

    La façon dont a été gérée, en France, la question des Roms, en témoigne idéalement. Paris les a chassés car Nicolas Sarkozy est en baisse de popularité, puis elle a convié à un sommet sur l’immigration six pays membres, sans inviter cependant ni la Commission ni le Conseil. La Commission, furibonde, a dénoncé les risques liés au manque de dialogue, et elle a obtenu en retour une invitation au sommet parisien, au terme duquel elle a annoncé : "Nous avons la réelle sensation que la question des Roms n’était pas à l’ordre du jour du sommet souhaité par les Français". Ben voyons.

    La question des Roms est un problème sérieux. D’une part, parce qu’elle concerne des personnes devant être protégées et rassurées. D’autre part parce qu’elle peut également donner naissance à une recrudescence de la microcriminalité. Enfin, parce que les Roms ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que tout autre citoyen.

    L’Europe doit affronter le problème, unie et compacte. Elle doit répondre à ceux qui souhaitent une Europe plus concrète, à ceux qui désirent davantage de sécurité, à ceux qui prônent l’égalité des citoyens, quelque soit leur race, leur ethnie ou leur religion.

    L’Europe doit faire face à ses responsabilités. Sinon, elle baissera davantage dans les prochains sondages, abandonnée par ceux qui l’aiment.


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