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  • Attention à la « brasilo-béatitude »

    Qu'est-ce qui fait une belle bulle, une vraie ? Vaste question et, pourtant, la réponse est assez simple : la combinaison d'une explosion des cours, d'un enthousiasme immodéré des investisseurs, et d'une surenchère médiatique, plus un catalyseur.

    Et le Brésil est aujourd'hui le marché (après les obligations des États américain et européens) qui correspond le mieux aux critères de beauté (pas étonnant, quand on parle du Brésil) de la bulle parfaite. L'élection annoncée de la dauphine officielle de Lula, Dilma Rousseff, a donné lieu cette semaine à un véritable carnaval médiatique, en France particulièrement, mais aussi à l'étranger. Avec une surenchère de titres ronflants. Ne cherchez plus où passer vos vacances, il faut que ce soit Rio. Ne cherchez plus où placer votre argent, il faut que ce soit São Paulo. Gare aux fonds et aux gérants qui n'auront pas du Brésil en portefeuille sur leur rapport de fin d'année ; leurs souscripteurs ne leur pardonneront pas ; à côté des actions Apple, il faut du Brésil.

    Tout le reste n'a pas d'importance. Écartons d'emblée toute polémique. Personne ne peut nier l'évidence : le Brésil est devenu une grande puissance économique mondiale. Lula a permis, pendant ses deux mandats, au pays d'atteindre un niveau économique et social inédit. Les niveaux de croissance, d'investissements, de progrès sur la pauvreté forcent l'admiration. Mais attention à ne pas tomber dans la « brasilo-béatitude ».

    Rappelez-vous de la Chine et de la sino-béatitude. La Chine était en 2007 l'eldorado financier pour tous les investisseurs. Il fallait être à Shanghai pour jouer le « découplage ». Certes, la Chine est devenue la deuxième puissance mondiale et se rapproche rapidement des États-Unis, mais l'indice de la Bourse de Shanghai n'est qu'à 2.600 alors qu'il valait plus de 6.100 il y a trois ans exactement...

    Prenez quelques minutes et regardez les deux « graphes » de la Bourse de São Paulo et de celle de Shanghai sur une dizaine d'années. Les deux marchés émergents ont eu un destin parallèle. Les indices ont été multipliés par 6 entre 2003 et 2007, ont chuté de plus de 50 % en quelques semaines. Mais alors que Shanghai a à peine rebondi, São Paulo se rapproche de son sommet historique. Tous les fonds qui ont fui la Chine après s'être, enfin, rendu compte de l'absence totale de transparence sur les entreprises et les banques, ont acheté la jolie histoire, racontée sur un fond de guitare de bossa-nova, de la classe moyenne qui accède à la consommation. Mais toute histoire, même vraie, a un prix. Et le prix à payer aujourd'hui pour ceux qui découvrent le Brésil de Lula la semaine où il s'en va me paraît excessivement élevé.

     

    Pour qu'une bulle explose, il faut un catalyseur et de la patience. Même si le Nasdaq était surévalué en 1999, il n'a chuté qu'à partir de mars 2000 ; même si Shanghai était à un niveau absurde en 2007, il a fallu attendre octobre pour que les cours chutent. Il faudra peut-être une semaine, un mois ou un an pour que la Bourse de São Paulo perde 50 % de sa valeur, mais elle perdra 50 % de sa valeur, ou peut-être 30 ou 40 %. Et l'augmentation massive, « record », de capital de Petrobras, à hauteur de 70 milliards de dollars, est peut-être l'opération de trop. Celle qu'on regardera dans quelques mois en se demandant comment des investisseurs ont pu se jeter à corps perdu dans les bras d'une Brésilienne pulpeuse mais coûteuse.

    Ne vous méprenez pas. J'aime le Brésil. J'admire Lula. J'avais même proposé dans ces colonnes il y a près d'un an que Lula se voie attribuer le prix Nobel d'économie. Je n'ai aucun doute sur la pérennité du Brésil parmi les grandes puissances mondiales. Et rien ne vaut un réveillon du jour de l'an sur une plage de Copacabana. Mais ne perdons pas la tête et arrêtons de passer d'une béatitude à l'autre. D'un excès à l'autre. Et d'une bulle à l'autre. Au Brésil aussi, on tond les moutons...

    À contre-courant, par Marc Fiorentino, stratège d'Allofinance.com

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  • La Grèce, cheval de Troie de la Chine en Europe

    À trois jours du sommet UE-Chine, le Premier ministre chinois Wen Jiabao a promis ce week-end d'aider la Grèce en crise.

    Achats d'obligations à long terme quand l'État grec émettra de nouveau sur ce créneau, lancement d'un fonds de 5 milliards de dollars pour faciliter l'acquisition, par les armateurs grecs, de navires chinois, établissement d'un centre de recherche chinois dans le port du Pirée pour réduire les émissions de gaz à effets de serre de la marine marchande : la Chine n'a pas lésiné sur les promesses, à l'occasion de la visite de son Premier ministre, Wen Jiabao, ce week-end à Athènes.

    Certes, Pékin a les moyens de sa politique. Friande de papier obligataire, qu'elle utilise pour placer les énormes excédents de liquidés que lui rapporte son commerce avec ses partenaires, la Chine peut largement s'engager à acheter des obligations du Trésor grec, qui seront sans doute émises en 2011. Pour l'heure, la Grèce, qui se remet à peine d'une grave crise sur sa dette, ne peut émettre qu'à trois mois. De même, les investissements au Pirée ont du sens, puisque l'ex-empire du Milieu et la Grèce ont annoncé leur intention de doubler, d'ici 2015, leurs échanges commerciaux, pour les passer à 8 milliards de dollars au total. Le Pirée pourrait devenir le point d'entrée pour les marchandises chinoises en Europe.

    Stimuler les investissements

    Enfin, il est logique que la Chine cherche, par d'autres accords cadres, à accroître ses investissements en Grèce, ainsi qu'à améliorer son accès à la technologie, à une ressource telle que le marbre, ou encore à favoriser le tourisme chinois sur place. La Grèce, qui a vu fondre les investissements étrangers de 6,9 milliards d'euros en 2006 à 4,5 milliards en 2009, ne peut que se réjouir. Mais certains veulent y voir plus que l'exploitation, de la part de la Chine, de simples opportunités économiques. Ils estiment qu'il s'agit même plus que d'une simple stratégie, utilisée par les autorités chinoises dans bien d'autres pays, et reposant sur une générosité susceptible de s'attirer les bonnes grâces de nouveaux « amis ». Aider la Grèce en difficulté, en particulier au point de vue de ses emprunts obligataires, est, aux yeux de Pékin, une façon habile de tenter de désamorcer la bombe du taux de change. Les critiques sont unanimes, en Europe comme aux États-Unis : en refusant de réévaluer franchement sa monnaie, la Chine offre à ses exportateurs un avantage de taille pour inonder les marchés occidentaux de ses produits. Mais les Américains sont les plus offensifs sur cette question. Du coup, en amadouant d'abord la Grèce, et par là même, tous les Européens, la Chine peut espérer diviser le front commun. Le Premier ministre chinois aura de nombreuses occasions de faire valoir sa volonté de coopérer avec l'Europe. Wen Jiabao a déjà tenu à souligner qu'il soutenait un euro stable. Sa visite à Athènes n'est que la première étape d'un périple de neuf jours, de Bruxelles (où il assistera à deux sommets, l'un Asie-Europe, l'autre UE-Chine) à l'Italie, en passant par la Turquie. Lysiane J. Baudu


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