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  • Le BIT estime que l'emploi ne retrouvera son niveau d'avant la crise qu'en 2015

    Le Bureau international du travail s'inquiète des politiques de rigueur dans les pays développés

    Une crise peut en cacher une autre. C'est l'avertissement que le Bureau international du travail (BIT) adresse dans son rapport 2010 sur le travail, rendu public vendredi 1er octobre. Intitulé " D'une crise à l'autre ? ", l'organisation internationale estime qu'une nouvelle crise pourrait survenir malgré les signes de reprise actuels. Chômage de masse, revenus du travail trop faibles pour soutenir la consommation, recours au crédit auprès d'un système bancaire qui a été insuffisamment réformé et politiques de rigueur trop strictes en sont les éléments préparateurs.

    Premier point noir, le BIT, qui regroupe les représentants des Etats, des organisations de salariés et d'employeurs, juge que, " en dépit d'éléments positifs importants, de nouveaux nuages obscurcissent l'horizon et les perspectives de l'emploi se sont sérieusement aggravées dans de nombreux pays ". L'emploi ne reviendra à son niveau d'avant la crise, dans les pays industrialisés, qu'en 2015 et non en 2013 comme estimé dans le rapport précédent. Et dans les pays émergents, ce sont 8 millions d'emplois qu'il faudra créer pour répondre à l'augmentation de la population active.

    Ce scénario se traduit par l'augmentation généralisée du nombre de chômeurs de longue durée. Ainsi, " dans 35 pays où les statistiques sont disponibles, près de 40 % des demandeurs d'emploi sont sans travail depuis plus d'un an et courent donc un risque important de démoralisation, de perte de l'estime de soi et de problèmes psychologiques ". La crise sociale devient politique car, dans ces pays, la confiance dans les gouvernements a reculé, le sentiment d'injustice a progressé, selon des indicateurs que le BIT a corrélés avec la progression du taux de chômage. Beaucoup de chômeurs, notamment les seniors, les femmes et les jeunes, se retirent d'eux-mêmes du marché du travail.

    Deuxième élément, le marché ne permet pas suffisamment la croissance des revenus du travail et la demande intérieure ne progresse que modestement. La recherche de gains de productivité creuse les inégalités. Du coup, explique le BIT, pour financer leurs dépenses, les ménages recommencent à emprunter. Une situation qui risque d'aboutir à une nouvelle bulle de la dette privée, qui avait été à l'origine de la récente crise.

    " Un tour de vis précipité "

    Le recours à la dette publique a été massif pour stimuler l'économie. Les politiques de rigueur adoptées jouent contre les mesures de relance et les politiques de soutien à l'emploi. " Les gouvernements ne devraient pas avoir à choisir entre les exigences des marchés financiers et les besoins de leurs citoyens ", juge le directeur général du Bureau international du travail, Juan Somavia. Raymond Torres, directeur de l'Institut international d'études sociales du BIT, estime, lui, " ce changement de cap politique, ce tour de vis, précipité et trop général ".

    Le FMI lui-même estime que les politiques de rigueur budgétaire pèseront davantage sur la croissance économique à court terme. " Il y a un sacrifice à court terme et des bénéfices sur une longue période ", affirme Daniel Leigh, économiste du FMI, dans un rapport intitulé " Perspectives économiques mondiales ", publié jeudi 30 septembre. Mais pour Raymond Torres, ces bénéfices sur " le long terme " sont " trop lointains ". Et la réforme du système bancaire n'a pas été assez loin pour garantir sa stabilité. " Le volume du crédit accordé à l'économie réelle a décliné dans les économies avancées ", note le rapport du BIT, et " la volatilité des flux de capitaux déstabilise les pays émergents et en voie de développement ". En clair, " aucune réforme n'a réussi à s'attaquer à la cause de la maladie ".

    Rémi Barroux

    Le rapport " From one crisis to the next " est disponible sur le site www.ilo.org

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  • Le point de vue des chroniqueurs de l'agence économique Reuters Breakingviews

    Le yuan faible nourrit le protectionnisme américain

     

    Très mécontente de la politique de change pratiquée par la Chine, la chambre des représentants américaine vient de réagir en votant une loi qui fait de ce Congrès l'un des plus protectionnistes des dernières années.

    Le camp vainqueur des prochaines élections aux Etats-Unis fera peut-être marche arrière en validant toute une série de projets mis entre parenthèses, mais Pékin ne doit surtout pas croire que Washington en serait pour autant mieux disposé à son égard.

    Il y a pourtant peu de chance que le Sénat se joigne au mouvement pour faire pression sur la Chine afin qu'elle laisse sa devise - le yuan - s'apprécier plus rapidement. Quand bien même cela devrait arriver, le président Barack Obama userait probablement de son droit de veto.

    Haro sur le libre-échange

    Il n'en reste pas moins que le vote massif de la Chambre basse montre que le consensus en faveur du libre-échange a pris encore un peu plus de plomb dans l'aile. Il existe en effet une tendance qui va au-delà de l'expression d'une simple frustration face à la faiblesse délibérée de la monnaie chinoise, accusée de détruire des emplois aux Etats-Unis.

    Ainsi, le Congrès n'a pas non plus ratifié des accords commerciaux conclus avec la Corée du Sud, la Colombie et le Panama, des accords qui pourraient accroître les exportations américaines de 12 milliards de dollars (8,8 milliards d'euros) chaque année. La somme en jeu n'est certes qu'une goutte d'eau en comparaison du volume global des échanges américains, mais ce serait un sacré coup de pouce pour des entreprises comme Boeing, Caterpillar ou Oracle, à un moment où l'économie tourne au ralenti.

    Le mois de novembre verra peut-être entrer au Congrès suffisamment de républicains partisans du libre-échange pour que les trois protocoles soient approuvés. La volte-face serait particulièrement perturbante sur le plan politique si le " vénérable grand parti ", comme on appelle aussi le camp républicain, reprenait le contrôle de la Chambre des représentants. La présidence de la commission des voies et moyens, par exemple, serait retirée à un démocrate soutenu par les grands syndicats pour revenir à un républicain qui a déjà promis de s'occuper, en priorité, des fameux projets d'accords commerciaux.

    Il est moins évident que les républicains puissent prendre les rênes au Sénat, mais Max Baucus, qui préside la commission des finances de l'institution, est un défenseur du libre-échange. En outre, le rôle de chef de file des républicains serait dévolu à Orrin Hatch, considéré comme plus favorable au développement du commerce extérieur que son prédécesseur Charles Grassley. D'un autre côté, le terrain d'entente entre les deux partis est vaste dès lors qu'il s'agit de la Chine. Les promoteurs du commerce de l'un et l'autre bord se rejoignent sur l'idée qu'il faut presser davantage Pékin, tant sur le sujet du yuan que sur celui de l'ouverture du marché chinois.

    Le deuxième point importe tout spécialement aux multinationales américaines, qui sont les soutiens traditionnels du lobby du libre-échange. Le gouvernement Obama continuera certainement aussi de dénoncer les pratiques commerciales déloyales de la Pékin devant l'Organisation mondiale du commerce.

    On n'en est pas au point de déterrer la hache de guerre, mais si le chômage aux Etats-Unis se maintient à un niveau élevé pendant encore un an, il est à craindre que les hommes politiques américains n'aient d'autre choix que de faire monter la pression, au point de rendre marchés et entreprises très nerveux.

    James Pethotoukis

    (Traduction de Christine Lahuec)


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