• L'Irlande affiche un déficit historique de 32 %

    Le nouveau plan de sauvetage bancaire coûtera 20 % du PIB en 2010.

    Le chiffre doit donner des sueurs froides du côté de Bruxelles?: l'Irlande va afficher cette année un déficit de 32 % du PIB, dix fois plus que le maximum autorisé par Bruxelles. Ce dérapage historique fait suite à un nouveau plan de sauvetage bancaire, annoncé ce jeudi.

    Le coût du plan bancaire n'en finit pas de grimper?: 2,6 % du PIB en 2009 auxquels s'additionnent désormais 20 % du PIB en 2010. À cela vient s'ajouter un déficit « réel » de 12 %, qui termine de noircir le tableau.

    C'est essentiellement la faillite d'Anglo Irish Bank qui explique ce dérapage incontrôlé. Son sauvetage va coûter 29,3 milliards d'euros, soit 6,4 milliards de plus qu'attendu.

    Avec un tel déficit, l'Irlande est-elle désormais au bord de la cessation de paiements?? Non, répond Dublin, qui souligne ne pas avoir besoin de liquidités d'ici à juin 2011, après avoir réussi toutes ses émissions obligataires jusqu'à présent (bien que parfois à un prix très élevé). De plus, la facture du sauvetage bancaire, bien que comptabilisée essentiellement sur 2010, sera étalée sur dix ans. L'Irlande a donc décidé de ne pas procéder aux émissions obligataires prévues en octobre et novembre, et de ne pas revenir sur les marchés avant 2011.

    La situation n'en reste pas moins très sérieuse, et Brian Lenihan, le ministre de l'Économie, promet un nouveau plan de rigueur en décembre, pour ramener le déficit sous 3 % du PIB d'ici à 2014. Jean-Claude Juncker, qui dirige les ministres des Finances de la zone euro, salue l'initiative, estimant que l'Irlande « pourra résoudre son problème sans avoir recours au fonds de sauvetage européen ».

    budget d'austérité

    Le problème est que cela sera le troisième budget d'austérité irlandais en deux ans, et que le pays a déjà passé des mesures très dures, y compris la baisse de 15 % des salaires des fonctionnaires. « L'Irlande a besoin d'un plan de relance, pas de rigueur », rétorque Alan McQuaid, économiste à la maison de courtage Bloxham. Il en veut pour preuve la rechute du PIB irlandais, qui est repassé dans le rouge au deuxième trimestre (? 1,2 %) après une brève croissance au premier trimestre. Cela ne peut qu'aggraver la baisse des prix immobiliers, ce qui aurait pour conséquence de creuser les pertes des banques... et donc le coût de leur sauvetage et le déficit du pays.

    Politiquement aussi, la rigueur devient très difficile à assumer. Avec 83 % d'opinions défavorables, et une majorité d'à peine quelques voix, le gouvernement de coalition est au bord de l'écroulement. « La patience des gens est à bout », avertit Alan McQuaid. Éric Albert, à Londres


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  • Brésil : les années Lula, une assez belle histoire

     

    Le Financial Times le représente dans la figure du Christ rédempteur, la statue qui, du haut du mont Corcovado, domine la baie de Rio de Janeiro. Bras grands ouverts, protecteur, veillant pour l'éternité sur ses concitoyens. Aux Oscars d'Hollywood 2011, le film qui portera les couleurs du Brésil est un long-métrage retraçant sa vie : Lula, le fils du Brésil. A cette date, le président Luiz Inacio Lula da Silva aura quitté le pouvoir - quasi sanctifié, héros national, avec un taux de popularité record. L'élection présidentielle a lieu cet automne.

    Dilma Rousseff, 62 ans, la candidate adoubée par Lula est donnée gagnante : portée par le soutien du " grand homme ", elle pourrait l'emporter dès le premier tour, le 3 octobre. Elle entrera en fonctions en janvier. Ce sera la fin des " années Lula ", ces deux mandats exercés à la tête de l'Etat par le chef du Parti des travailleurs, l'ancien patron du Syndicat de la métallurgie, huitième enfant d'une famille modeste, qui quitte l'école à 12 ans pour devenir cireur de chaussures, vendeur de cacahuètes puis tourneur dans une firme automobile à 14 ans. De cette adolescence en usine, le président Lula da Silva porte la marque : un doigt amputé - pas si fréquent dans la corporation.

    C'est tout cela qui crée le mythe. Mais pas seulement. Si les années de la présidence Lula, 2002-2010, sont célébrées à plaisir, c'est parce que l'homme incarne un moment-clé dans l'histoire du pays : l'accès du Brésil au statut de grande puissance émergente. Avec la Chine, l'Inde et quelques autres, le Brésil est l'un de ces Etats qui modifient la carte de la répartition du pouvoir en ce début de XXIe siècle. Lula est le porte-drapeau de cette transformation, le passage de la puissance virtuelle - " le Brésil, ce pays d'avenir et qui le restera longtemps ", disait-on au début du siècle dernier - à la puissance réelle.

    C'est d'abord un succès économique. L'ancien chef du Syndicat des métallos " a eu l'intelligence de surfer sur la politique menée par son prédécesseur ", explique Alfredo Valladao, professeur à Science Po et animateur du centre d'études Union européenne-Brésil. Lula parachève l'oeuvre du président Fernando Henrique Cardoso, l'homme de la stabilisation du real, la monnaie nationale : orthodoxie monétaire, privatisations, ancrage du pays dans la mondialisation. Réaliste mais fidèle à ses engagements, Lula y ajoute sa marque sociale : hausse du salaire minimum, bourse d'aide pour les familles les plus pauvres.

    Huitième économie mondiale, le Brésil - 190 millions d'habitants - cumule une liste d'atouts proprement scandaleuse : richesses naturelles infinies, industrie diversifiée et, dans ce pays grand comme quinze fois la France, une exploitation de la terre qui en fait la première puissance agricole mondiale.

    En seize ans - les mandats Cardoso et Lula -, la classe moyenne, déjà centrale, s'est accrue de 35 millions de personnes. L'économie s'appuie sur une forte demande intérieure ; elle peut résister aux chocs extérieurs. Elle est portée par une confiance dans l'avenir que transcrivent tous les sondages. Les Brésiliens sont optimistes pour leur pays, convaincus, à l'inverse des Européens ou même des Américains, que leurs enfants vivront mieux qu'eux. Cette assurance, c'est aussi Lula, grande gueule, sourire jovial, épaules de bûcheron, charme à revendre.

    Lula prédit : " Le Brésil ne restera pas à l'écart du XXIe siècle, comme ce fut le cas au XXe. " Fort du poids de son économie, le Brésil, comme ses compagnons du ticket de tête des puissances émergentes, la Chine et l'Inde, veut sa part de pouvoir politique dans l'arène internationale. Il réclame un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) ; plus de droits au Fonds monétaire international (FMI) ; la mort du G8, qui réunit les puissances les plus anciennes, celles du Nord, au profit de la pérennisation du G20, où des pays comme le Brésil, la Turquie et l'Indonésie jouent un rôle à la hauteur de leur importance économique.

    Le Brésil veut peser sur les affaires du monde. Mais dans quel sens ? Ici, pas de naïveté, pour justifiée qu'elle soit, cette ambition ne doit pas être interprétée comme particulièrement altruiste ou généreuse. La diplomatie Lula est celle d'une puissance qui défend d'abord ses intérêts. Elle est le parfait reflet du comportement des émergents sur la scène internationale. Les émergents sont, le plus souvent, libre-échangistes : à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Brésil veut un nouveau round de libéralisation des échanges et peste contre le protectionnisme agricole de l'Europe. Les émergents sont souverainistes : rien n'est plus étranger à des pays comme le Brésil ou la Chine que l'idée d'un droit d'ingérence - fût-il humanitaire - qui viendrait empiéter sur le principe de la souveraineté des Etats. Et de cette position découle une autre : les émergents ne sont pas droits de l'hommistes , au sens où la défense de certains principes justifierait sinon d'enfreindre celui de la souveraineté des Etats, du moins d'être prudent dans le choix de ses amitiés.

    C'est la face sombre des années Lula. Au nom d'une solidarité Sud-Sud, il copine avec l'Iranien Mahmoud Ahmadinejad au-delà de ce qu'imposerait la realpolitik ; au lendemain d'élections truquées, en fait transformées en putsch militaire par le même Ahmadinejad, il tonne, péremptoire, qu'il n'y a pas eu de fraude à Téhéran ; en visite à Cuba, bras dessus, bras dessous avec un autre barbu, il se moque de la grève de la faim observée par les prisonniers politiques du régime castriste - lui qui, un temps incarcéré par la dictature militaire brésilienne, mena aussi une grève de la faim...

    C'est une leçon. Même présidée par Lula, une puissance émergente reste un Etat ; elle n'est pas une ONG.

    Post-scriptum : Cette chronique emprunte honteusement au " Hors-série " du Monde, Brésil, un géant s'impose (98 pages, 7,50 ¤), en vente jusqu'en novembre, et qui doit beaucoup à Martine Jacot et à notre correspondant à Rio, Jean-Pierre Langellier.

    Alain Frachon


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  • Pourquoi pas en France !


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  • L'automobile doit s'adapter à un marché bouleversé par la crise

    Les ventes se sont redressées, mais ce sont les pays émergents qui tirent la demande

     

    Alors que le Mondial de l'automobile ouvre ses portes au public, samedi 2 octobre, l'ambiance dans les allées devrait être cette année beaucoup plus détendue. Il y a deux ans, le secteur s'enfonçait dans une crise sans précédent. Cette nouvelle édition devrait donc être pour les constructeurs le Salon de l'après-crise. Plus de 300 marques de vingt pays y sont attendues. Pas moins de 90 nouveaux modèles seront présentés.

    De quoi redonner un peu d'optimisme à une industrie frappée de plein fouet par la tourmente économique et financière. Les ventes s'étaient effondrées, passant brutalement de 70,5 millions en 2008 à 61,7 millions en 2009. Avec des disparités : si les Etats-Unis ont vu leur marché chuter de 40 % en deux ans à 8,7 millions, entraînant la chute de General Motors (GM) et de Chrysler, la Chine, elle, a vu sa production s'envoler de près de 50 % à 13,8 millions de véhicules, devenant le premier marché mondial quand l'Europe passait de 19,6 millions à 14,3 millions.

    Conséquences : à l'exception du coréen Hyundai et de l'allemand Volkswagen (VW), tous les constructeurs ont affiché de lourdes pertes. Même les Japonais " jusque-là champions, de la croissance et de la rentabilité, n'ont pas échappé à la crise ", souligne Yann Lacroix, responsable des études sectorielles chez Euler Hermès.

    L'année 2010 se présente donc sous le signe du retour à la croissance. Le secteur devrait retrouver peu ou prou les niveaux de 2008, avec un marché d'un peu moins de 70 millions de voitures.

    Mais ce rebond cache un basculement de la demande vers les pays émergents : désormais, les piliers de la croissance sont le Brésil, la Russie, l'Inde... et bien évidemment la Chine, où le taux d'équipement reste faible : 3 % contre 80 % aux Etats-Unis et près de 60 % en Europe et au Japon. " Dès 2012, les pays émergents pèseront plus de 50 % dans la production mondiale ", assure Gérard Morin, associé de PriceWaterhouseCoopers (PWC), responsable du secteur automobile en France.

    La Chine, nouvel eldorado

    Quelques chiffres pour prouver cette tendance : la Chine aura gagné 9 millions de véhicules, l'Inde 800 000 et le Brésil 500 000 entre 2007 et 2010 tandis que les Etats-Unis en auront perdu 5 millions et l'Europe 2,5 millions, conséquence de l'arrêt des primes à la casse. L'Allemagne étant durement affectée (chute de 30 % des immatriculations sur les huit premiers mois de l'année 2010).

    C'est donc vers ce nouvel eldorado qu'est l'empire du Milieu que les constructeurs se tournent. Pas une semaine sans que l'un d'entre eux annonce la construction d'une nouvelle usine pour y augmenter ses capacités de production. " Les constructeurs internationaux ont contribué à hauteur de 76,6 % de la production du pays en 2009 ", relève Philippe Couderc, chez PWC. La Chine est désormais le premier marché de GM, de VW ou de Nissan. C'est aussi l'un des axes majeurs de la stratégie de PSA Peugeot Citroën. Ses projets devraient lui permettre de fabriquer un million de véhicules par an d'ici à 2015.

    Les constructeurs occidentaux devront aussi tenir compte de cette nouvelle donne pour adapter leur outil industriel sur leur marché national. Aux Etats-Unis, les restructurations sont bien engagées. Le gouvernement a accepté de soutenir financièrement ses champions nationaux, à la condition qu'ils s'attaquent à leurs problèmes de surcapacités industrielles. GM, Ford et Chrysler ont obtempéré en fermant des usines pour s'adapter à un marché tombé à 12 millions de véhicules, quand, lors de la précédente décennie, il oscillait entre 15 et 17 millions. Les effectifs ont été divisés par deux, tout comme la production.

    En Europe la situation est bien différente : " Le travail n'a pas été fait, or cela paraît inéluctable ", prévient Remi Cornubert, du cabinet Oliver Wyman. Les gouvernements, notamment en France, ont en effet conditionné les aides au maintien de l'emploi. En échange d'un prêt de 6 milliards d'euros, Renault et PSA se sont engagés à ne pas fermer d'usine. Or le taux d'utilisation avoisine les 65 % alors qu'on estime qu'une usine devient rentable à partir de 85 %. Pour s'attaquer à ce problème, les constructeurs se sont engagés dans des programmes de " compactages " de leurs sites (réduction des mètres carrés pour réduire les coûts). " On peut toujours réduire la taille des usines mais si les constructeurs délocalisent encore certains de leurs modèles, comme le haut de gamme par exemple, alors il faudra peut-être un jour résorber les surcapacités ", prévient Karine Bergé, chef économiste chez Euler Hermès.

    Dans ces conditions, l'année 2011 s'annonce cruciale. La faiblesse de la croissance économique en Europe et aux Etats-Unis laisse augurer des moments difficiles pour les marchés occidentaux. L'émergence de la voiture électrique, quel que soit son succès, ne résoudra pas tous les problèmes de surcapacité.

    Nathalie Brafman


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