• Plus de 600 organismes publics sans réel contrôle 

    Avec 371.000 salariés, les 643 opérateurs (Pôle emploi, CNRS, Inserm, etc.) représentent le quatrième poste de dépenses de l’Etat. Certains ministères n’hésitent pas à leur transférer une partie de leurs charges pour respecter le principe de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

    Pôle emploi, Météo France, les parcs nationaux, les centres de recherche scientifique et médicale (CNRS et Inserm), le Louvre et l’Opéra de Paris figurent parmi les opérateurs les plus connus des Français. Mais derrière eux se cachent une multitude d’organismes – 643 au total – financés et contrôlés par l’Etat et qui exercent tous une mission de service public. Le gouvernement évalue leur poids à 43 milliards d’euros (dont 34 milliards d’euros de subventions et 9 milliards de taxes affectées) et à plus de 371.000 emplois. Si l’on exclut les universités et les agences régionales de santé, ils ne sont plus que 250.000. Il s’agit du quatrième poste de dépenses de l’Etat.Ces opérateurs ont longtemps échappé au contrôle de Bercy. Il y a quelques mois, celui-ci n’avait, par exemple, aucune idée de leur patrimoine immobilier précis. C’est chose faite, ce qui va permettre de rationaliser les locaux de chacun d’entre eux, en vendant les bureaux inutiles. Dans certains cas, les agents disposent d’une surface de travail supérieure à <st1:metricconverter productid="50 mètres carrés" w:st="on">50 mètres carrés</st1:metricconverter>, en moyenne, alors que l’Etat vise un objectif de <st1:metricconverter productid="12 mètres carrés" w:st="on">12 mètres carrés</st1:metricconverter> par agent dans les ministères !Mais c’est sur les questions d’emploi que les opérateurs se font le plus régulièrement épingler. Depuis 1994, les effectifs des établissements publics administratifs (une forme d’opérateur) ont ainsi progressé de 46,7 %. Rien qu’en 2007, l’Etat a perdu 11.244 postes tandis que les opérateurs en gagnaient 13.989. Celui-ci est en partie responsable : Bercy s’est rendu compte que, lorsque les effectifs d’un ministère baissaient, ceux de ses opérateurs avaient plutôt tendance à s’accroître.

    Difficile réduction des effectifs

    A titre d’exemple, le ministère de <st1:personname productid="la Culture" w:st="on">la Culture</st1:personname> semble s’accommoder du principe de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux en transférant une partie de ses compétences vers ses opérateurs. La sphère culturelle comptabilise ainsi 31.000 emplois, dont seuls 7.750 figurent directement dans le budget du ministère. Plus largement, les effectifs des opérateurs se sont accrus de près de 80.000 entre 2006 et 2009. En dépit d’une légère inversion de tendance cette année (1.108 postes supprimés), leur nombre repartira encore à la hausse l’année prochaine (+ 352 postes), du fait des 1.250 emplois supplémentaires prévus à Pôle emploi. Sur le long terme, la réduction des effectifs est loin d’être aisée : la moyenne d’âge des salariés y est beaucoup moins élevée que dans les administrations centrales et les départs à la retraite moins nombreux.


    votre commentaire

  • votre commentaire
  • L'immobilier commercial fragilise un peu plus les banques américaines.

    Aux États-Unis, le taux de défaut dans cette classe d'actifs n'a pas été aussi élevé depuis le début des années 1990.

    Tandis que la planète finance a les yeux rivés vers Dubaï, Wall Street s'inquiète de l'exposition des banques américaines à l'immobilier commercial dans leur propre pays. Pour cause: selon le cabinet Real Estate Econometrics, le taux de défaut sur leurs créances liées aux bureaux, hôtels, sites industriels et autres centres commerciaux a bondi à 3,4 % au troisième trimestre aux États-Unis — un niveau inédit depuis la crise des « savings and loans » au début des années 1990 — contre 2,88 % au trimestre précédent. La présidente du fonds de garantie bancaire (FDIC), Sheila Bair, juge ainsi que l'immobilier commercial constitue le risque principal pesant sur les établissements américains tandis que le président de <st1:personname productid="la Réserve" w:st="on">la Réserve</st1:personname> fédérale, Ben Bernanke, craint un ralentissement de la reprise économique lié à cette exposition.

    Depuis qu'a éclaté la crise du crédit, la valeur des biens commerciaux ayant fait l'objet de défauts, de saisies ou d'une restructuration de dette a atteint 138 milliards de dollars. Mais Kenneth Rosen, qui dirige le département d'étude de l'immobilier de l'université de Berkeley, prévient que le portefeuille de 550 milliards de dollars de dettes actuellement adossées à de l'immobilier commercial « se détériore à un rythme rapide ». Certes, les prêts consentis par les banques pour des projets dans l'immobilier commercial ont reculé de 54% au troisième trimestre, indique l'association des banquiers hypothécaires (MBA), mais le stock existant laisse présager un avenir plutôt sombre.

    EXPOSITION GERABLE

    Ainsi, Real Estate Econometrics estime que le taux de défaut sur les créances immobilières commerciales atteindra 4% à la fin 2009 pour culminer à 5,3% en 2011. « Les crédits hypothécaires ayant démarré en 2006 et 2007 sont les plus affectés », note Sam Chandan, le chef économiste du cabinet. Selon Moody's, la valeur du parc immobilier commercial américain s'est effondrée de 42,9% depuis son sommet atteint en <st1:metricconverter productid="2007. L" w:st="on">2007. L</st1:metricconverter>'agence de notation estime qu'avant de se stabiliser, cette valeur reculera de 55% par rapport à son pic, mais pourrait chuter jusqu'à 65% en cas de « scénario de stress », c'est-à-dire d'un nouveau plongeon de l'activité économique aux États-Unis. Dans ce contexte, l'universitaire Kenneth Rosen anticipe 200 nouvelles faillites de banques régionales.

    Ces derniers jours, associations bancaires et analystes ont tenté de rassurer Wall Street sur l'exposition des établissements américains à la dette de Dubai World. « L'exposition des banques américaines aux Emirats arabes unis », dont fait partie l'émirat de Dubaï, « est tout à fait gérable », estime ainsi CreditSights, précisant qu'elle atteignait « 9,9 milliards de dollars à la fin 2008 », dont 5,9 milliards de dollars pour Citigroup et 2,5 milliards pour JP Morgan Chase. Pourtant, Richard Bove, analyste chez Rochdale Securities, craint néanmoins un retour de bâton indirect: aux États-Unis, « Dubaï devra peut-être se défaire de certains de ses prestigieux biens immobiliers à des prix bradés, ce qui risque de tirer vers le bas l'ensemble de la valorisation de l'immobilier commercial ».

    Éric Chalmet, à New York


    votre commentaire
  • Le mal incarné

    Jeffrey A Engel

     

    COLLEGE STATION, TEXAS –Assimiler la guerre à un individu incarnant le mal est devenu un exercice courant – si ce n’est universel – de la politique internationale contemporaine. Les guerres sont devenues des croisades contre des tyrans malfaisants et les gouvernements illégitimes qu’ils contrôlent. Cette rhétorique permet de justifier, de mener et de soutenir plus facilement une guerre, en particulier pour les dirigeants élus qui doivent répondre directement aux changements d’humeur de leur opinion publique. Ce discours peut être utilisé avec succès par toute société à notre époque obsédée par les médias.

    Il ne faut donc pas s’étonner que les dirigeants politiques personnalisent systématiquement les conflits internationaux. Hélas, ce lieu commun a aussi eu pour effet de rendre les guerres plus difficiles à éviter et à terminer et on peut sans doute dire, plus meurtrières.

    La rhétorique du mal incarné compte de nombreux exemples américains, sans pour autant être un phénomène exclusivement américain. Les dirigeants chinois font porter la responsabilité des tensions inter-détroit sur les dirigeants taïwanais, et sur le dalaï-lama pour tout ce qui va mal au Tibet. De la même manière, des manifestants dans le monde entier ont assimilé George W. Bush à Hitler, tandis que les mollahs dans l’ensemble du monde musulman font référence aux Etats-Unis comme étant le Grand Satan, tout en soulignant par ailleurs leur affection pour le peuple américain.

    Les derniers chefs d’État américains ont de leur côté jugé quasiment impossible de déployer les forces armées sans recourir à cette rhétorique, à la fois comme mantra et comme béquille. L’exemple le plus connu date de 1917. Woodrow Wilson, en demandant au Congrès une déclaration de guerre des États-Unis à l’Allemagne, a dit que « Nous n’avons pas de querelle avec le peuple allemand. Nous n’avons pour lui aucun autre sentiment que sympathie et amitié. Ce n’est pas à son instigation que son gouvernement est entré en guerre ». Seuls le Kaiser et ses sbires sont à blâmer.

    En 1990, George H.W. Bush faisait le même discours : « Nous n’avons pas de querelle avec le peuple irakien ». Son fils a répété cette phrase en 2003, en ajoutant : « qui est la victime quotidienne de l’oppression de Saddam Hussein ». Quelques temps plus tôt, George W. Bush avait déjà affirmé que les Américains « n’avaient pas de querelle avec le peuple afghan », seulement avec Al Quaida et les talibans. Il a même employé cette phrase lors de son ultime discours sur l’état de l’Union en 2008, en déclarant : « Notre message au peuple iranien est clair : nous n'avons pas de querelle avec vous… Notre message aux dirigeants iraniens est tout aussi clair : suspendez de façon vérifiable votre programme d'enrichissement nucléaire, afin que les négociations puissent commencer ».

    Depuis Wilson, chaque président américain a, au moins une fois au cours de son mandat, prononcé les mots « pas de querelle avec » un ennemi étranger. Ce genre de déclaration intervient en général quelques jours, voire quelques heures, avant que les premières bombes américaines ne soient larguées. A la veille du bombardement de <st1:personname productid="la Serbie" w:st="on">la Serbie</st1:personname>, Bill Clinton disait : « Je ne saurai trop fortement souligner que les Etats-Unis n’ont pas de querelle avec le peuple serbe ». Lors de la campagne électorale, Barack Obama a promis que « nous n’avons pas de querelle avec les Iraniens. Ils sont bien conscients du fait que le président Ahmadinejad est imprudent, irresponsable et oublieux de leurs besoins quotidiens ».

    Les présidents américains se servent de cette rhétorique pour une bonne raison. Ils savent que leurs électeurs, un creuset de peuples de multiples origines, préfèrent se battre contre un dictateur que contre leurs frères et cousins de l’étranger. En fait, la formulation originelle de Wilson tenait à un dilemme démographique et politique. En 1917, plus d’un tiers des Américains pouvaient faire remonter leurs origines à l’Allemagne ou l’un de ses pays alliés. Wilson ne pouvait pas demander à ses compatriotes de « tuer les Chleus », comme le disaient fréquemment les dirigeants britanniques et français, parce qu’une proportion importante de soldats américains étaient, de par leurs origines, eux-mêmes des « Chleus ». De meurtriers fratricides, Wilson a transformé, par un tour de passe-passe rhétorique, les soldats américains en libérateurs de leur patrie d’origine.

    Ce n’est que lorsque les ennemis ne ressemblaient pas à la manière dont les Américains se percevaient que la guerre pouvait être déclarée à un peuple entier. C’est ainsi que Franklin Roosevelt pouvait faire appel à ces concitoyens pour empêcher que le monde soit « dominé par Hitler et Mussolini  » tout en leur disant que « nous sommes maintenant en état de guerre avec le Japon  ». La guerre en Europe était une guerre de libération de peuples opprimés. La guerre dans le Pacifique était une guerre raciale.

    Ce genre de langage politique de circonstance a toutefois son revers stratégique. D’abord, si l’on met un conflit international sur le compte d’une seule personne, que ce soit un Saddam Hussein ou un Kim Jong Il, il devient difficile de trouver une solution à ce conflit qui ne passe pas par la chute du tyran en question. Peut-on imaginer Bush parlementer avec Saddam Hussein en 2005 ou 2006 ou que la guerre en Irak n’ait jamais eu lieu, après qu’il l’ait qualifié de Hitler de sa génération ?

    L’assimilation d’un conflit à un seul individu est peut-être plus grave parce qu’elle obscurcit la nature plus insidieuse et systémique des conflits internationaux. Imaginez, à nouveau, si l’histoire avait pris un tour différent, si Saddam Hussein avait accepté l’offre de dernière minute de l’administration Bush, l’exil plutôt que la guerre. Ou si la tentative d’assassinat de Saddam Hussein aux premières heures de la guerre avait réussi.

    Si l’Irak avait eu des armes de destruction massive, comme le croyait Bush, le départ de Saddam Hussein aurait mis ces armes aux mains de … de qui en fait? Assimiler la guerre à un tyran unique impose ainsi des limitations stratégiques aux politiciens. Paradoxalement, ce choix entraîne également un nombre plus élevé de victimes, qui n’ont rien à faire avec les hautes sphères du pouvoir. Leur mort est plus facile à accepter, et à justifier, tant que les forces armées, et l’opinion publique, pensent que la violence est dirigée contre le mal incarné.

    Nul doute que cette rhétorique, globale par nature, fonctionne. Mais elle contribue aussi à faire du monde un endroit plus dangereux en dissimulant les vraies raisons de la guerre et en permettant aux dirigeants de justifier la violence et la guerre, non comme un moyen permettant de réaliser un objectif, mais comme une mission sacrée de libération et d’éradication de la tyrannie. Tant que les dirigeants politiques ne renonceront pas à justifier la guerre par la rhétorique du mal, la guerre elle-même n’est pas prête de disparaître.

    Copyright: Project Syndicate, 2009.
    www.project-syndicate.org
    Traduit de l’anglais par Julia Gallin

    Jeffrey A. Engel est directeur de la programmation à l’Institut Scowcroft pour les Affaires internationales de l’université Texas A&M.


    votre commentaire
  • L’homme, la machine et l’entre-deux

    Jens Clausen

    TÜBINGEN, ALLEMAGNE – De nos jours, nous sommes tellement entourés de gadgets qu’il est parfois difficile de déterminer où se terminent les appareils et où commencent les individus. Des ordinateurs et scanners aux appareils portables, un nombre croissant d’individus passent une grande partie de leur temps à communiquer avec le reste du monde au moyen d’appareils électroniques, la seule barrière entre le cerveau et l’appareil étant les sens – la vue, le son et le toucher – par lesquels les humains et les appareils sont connectés. Mais si l’on retire les sens de cette équation, des dispositifs électroniques peuvent devenir nos yeux, nos oreilles et même nos bras et jambes, percevant le monde qui nous entoure et communiquant avec lui au moyen d’appareils et de logiciels.

    Ce scénario n’est pas une simple prédiction. Les interfaces cerveau-machine sont déjà une réalité au plan clinique – par exemple en rétablissant l’audition au moyen d’implants cochléaires. Et les patients en phase terminale de la maladie de Parkinson peuvent être traités par une stimulation cérébrale profonde (ou DBS - deep brain stimulation en anglais). Les expériences réalisées actuellement en neuroprosthétique démontrent l’énorme potentiel futur de ce genre d’interventions, que ce soit les implants rétiniens pour les aveugles ou les implants du tronc cérébral pour les sourds, ou encore les dispositifs permettant d’enregistrer l’activité cérébrale pour contrôler des prothèses.

    Des interfaces cerveau-machine non invasives basées sur des enregistrements d’électroencéphalogrammes ont permis de rétablir les capacités de communication de patients paralysés. Des recherches sur des animaux et quelques études de cas humains suggèrent que le contrôle de membres artificiels en temps réel pourrait permettre à des personnes paralysées de saisir des objets, voire de marcher avec des prothèses contrôlées par le cerveau, bien que ce soit sans doute par des méthodes invasives, avec des électrodes directement implantés dans le cerveau.

    Les progrès futurs dans le domaine des neurosciences, couplés à la miniaturisation des puces microélectroniques, devraient donner lieu à des applications plus étendues des interfaces cerveau-machine. Cette évolution pourrait être perçue comme un défi à nos notions de statut de la personne et de responsabilité morale. Et la question se posera sûrement de savoir, dans la mesure où ces technologies peuvent être utilisées pour rétablir les fonctions de ceux qui en ont besoin, s’il est justifié de les utiliser pour améliorer les capacités de personnes en bonne santé.

    Mais le problème déontologique soulevé par ces technologies ne diffère guère au plan conceptuel de celui posé par des thérapies existantes, comme les antidépresseurs. Bien que les technologies et situations créées par les interfaces neuronales directes semblent nouvelles et inhabituelles, elles ne présentent en fait que peu de nouvelles difficultés déontologiques.

    Dans le cas de prothèses contrôlées par le cerveau, un ordinateur placé dans le dispositif prothétique décode les signaux émis par le cerveau. Ces signaux sont ensuite utilisés pour prévoir ce que l’utilisateur compte faire. Il arrive naturellement que les anticipations se révèlent erronées, ce qui peut créer des situations dangereuses, ou tout au moins embarrassantes. Qui doit porter la responsabilité d’actes involontaires ? Est-ce la faute de l’ordinateur ou de l’utilisateur ? L’utilisateur devra-t-il posséder une sorte de permis et souscrire à une assurance pour utiliser sa prothèse ?

    Heureusement, il existe des précédents pour déterminer la responsabilité lorsque la biologie et la technologie sont en défaut. Une meilleure connaissance du patrimoine génétique humain a par exemple conduit à tenter de nier la responsabilité criminelle, sur la base de la croyance erronée que les gènes déterminent les actions d’un individu. Ces tentatives ont échoué, et il semble également peu probable que les avancées des neurosciences modifient notre conception de la responsabilité et du libre choix des individus.

    De plus, les humains manient souvent des outils dangereux et imprévisibles, comme les voitures et les armes à feu. Les interfaces cerveau-machine ne sont rien de plus qu’une version très sophistiquée de l’utilisation d’un outil. La responsabilité légale ne devrait pas être tellement plus difficile à déterminer.

    Mais que se passe-t-il si les machines modifient le cerveau ? Les études des premiers cas de stimulation du cerveau réalisés il y a cinquante ans démontrent qu’appliquer un courant électrique au cerveau peut provoquer des modifications de la personnalité et du comportement. Et même si de nombreux personnes atteintes de la maladie de Parkinson profitent clairement d’une DBS, ce traitement a également révélé des incidences importantes d’effets négatifs, tels que désordres psychiatriques et du système nerveux et un taux de suicide plus élevé. Des études de cas ont également montré une hypomanie et des modifications de la personnalité dont les patients n’étaient pas conscients et qui ont perturbé les relations familiales jusqu’à ce que les paramètres de la stimulation aient été réajustés.

    Ces exemples illustrent les effets secondaires potentiellement dramatiques d’une DBS, mais des effets plus subtils sont également possibles. Même sans stimulation, l’implantation de simples dispositifs d’enregistrement, comme un moteur de prothèse contrôlé par le cerveau, peut altérer la personnalité d’un patient. Les utilisateurs auront besoin d’une formation de manière à générer les signaux neuronaux adéquats pour diriger leur prothèse. Ce processus pourrait avoir des effets marginaux sur l’humeur, la mémoire ou la locution.

    Toutefois, ces problèmes ne soulèvent pas un nouveau problème déontologique. Les effets secondaires sont habituels dans la plupart des traitements médicaux, y compris dans le cas de traitement psychoactif. En 2004 par exemple, le Food and  Drug Administration (FDA) américaine a demandé aux fabricants de médicaments d’imprimer une mise en garde sur l’emballage de certains antidépresseurs à propos du risque accru à court terme de risque de suicide chez les adolescents utilisant ces médicaments et prescrivant un suivi médical de ces jeunes au début du traitement.

    Des mises en garde similaires seront nécessaires pour les neuroprothèses, y compris au stade de la recherche. L’approche classique de la déontologie biomédicale est d’évaluer les avantages pour le patient par rapport aux risques d’une intervention et de respecter la décision du patient. Aucune des nouvelles technologies ne nécessite de modifier cette approche.

    Il n’en reste pas moins que l’accès récent à cette technologie commence à poser problème. Par exemple, un nombre élevé de malentendants ont refusé les implants cochléaires parce qu’ils ne considèrent pas la surdité comme un handicap qui doit être corrigé, mais comme une partie intégrante de leur mode de vie. De leur point du vue, les implants cochléaires constituent une amélioration qui va au-delà de leur fonctionnement normal.

    Faire la distinction entre une amélioration et un  traitement implique de définir la différence entre la normalité et la maladie, un exercice notoirement difficile. Par exemple, Christopher Boorse, un philosophe de l’université de Delaware, a défini la maladie comme une déviation statistique du « fonctionnement typique à l’espèce ».

    Dans cette perspective, les implants cochléaires ne devraient pas poser de problème déontologique. Mais Anita Silvers, une philosophe rattachée à l’université de San Francisco et une universitaire et militante reconnue sur les questions de handicap, a décrit ces traitements comme une « tyrannie de la normalité », qui auraient uniquement pour but d’intégrer les malentendants à un monde conçu par les bien-entendants, impliquant de ce fait l’infériorité de la surdité.

    Bien que nous devions prendre ce genre de préoccupations au sérieux, elles ne doivent pas nous empêcher de poursuivre les recherches sur les interfaces neuronales directes. Les technologies liées au cerveau doivent être présentées comme une option, mais pas comme la seule solution pour, par exemple, la paralysie ou la surdité. Que ce soit dans ces cas ou dans le cas d’autres applications médicales, nous sommes préparés à confronter les questions de déontologie, en parallèle et en coopération avec la recherche neuroscientifique.

    Copyright: Project Syndicate, 2009.
    www.project-syndicate.org
    Traduit de l’anglais par Julia Gallin

    Jens Clausen est assistant de recherche à l’Institut pour la déontologie et l’histoire de la médecine de Tübingen, en Allemagne.



    votre commentaire