• SOMMET

    Copenhague, un sommet sous urgence climatique  

    Une négociation compliquée s’ouvre, autour de trois questions clefs : les efforts de réduction

    des émissions de gaz à effet de serre de chacun, le financement de la nécessaire révolution énergétique,

    et la volonté ou non des Etats d’accepter des contraintes.

    Copenhague attend quelque 50.000 visiteurs, dont 85 chefs d’Etat pour le sommet sur le climat qui s’ouvre lundi jusqu’au 18 décembre. Yvo de Boer, secrétaire général de la Convention sur les changements climatiques, espère qu’il marquera un tournant dans la lutte internationale contre le réchauffement de la planète :« La science le réclame, le monde économique l’encourage, et les futures générations l’exigent»,répète-t-il aux chefs d’Etat qui doivent s’accorder sur le futur du protocole de Kyoto.Premier outil mondial négocié pour préserver le climat, ce protocole de 1997 engage les pays industrialisés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 5 % en 2012 par rapport à 1990. Malheureusement, seule l’Union européenne le respecte. Désormais, il faut donc non seulement prévoir l’après-2012, mais surtout réagir aux nouvelles données scientifiques. Publié en 2007, le dernier rapport du groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) explique qu’au delà d’une hausse de température de 2 °C, les impacts pour l’environnement mondial, l’approvisionnement en eau et en nourriture deviendront insoutenables et déstabiliseront des régions parmi les plus peuplées du monde.

    Donner un prix au CO2

    Or, pour espérer stabiliser la température, il faudrait diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Comme les pays industrialisés émettent entre 5 et 10 fois plus que les Indiens par exemple, ceci suppose qu’ils diminuent les leurs de 80 %, en passant par un palier compris entre –25 % et –40 % en 2020. Mais les grands pays émergents doivent aussi commencer à adopter un développement plus « propre ».A Copenhague, il faut donc se mettre d’accord sur une véritable révolution énergétique, ce qui passe par la nécessité de donner un prix à un bien collectif : la tonne de CO2émise ou plutôt évitée. Or, si chacun est conscient des enjeux planétaires, tous les Etats en craignent les conséquences financières. Les discussions vont se nouer autour de trois questions majeures : les efforts de réduction des émissions, les financements, et la volonté ou non d’aller vers un accord international transparent, contrôlable et contraignant. Pour chaque Etat, cela signifie en clair : investir chez soi pour changer ses modes de consommation, favoriser l’émergence d’un prix du CO2et consacrer une part de cette nouvelle finance à l’aide aux pays les plus pauvres, et, enfin, accepter une certaine limitation de sa souveraineté en admettant d’éventuels rappels à l’ordre de l’ONU. Rien de simple !Où en est-on à deux jours de l’ouverture de la conférence ? Sur les objectifs de réduction des émissions, le compte n’y est pas. L’ensemble des propositions mises sur la table par les pays développés aboutit à une fourchette de réduction de 12 % à 16 % par rapport à 1990, loin de ce que prône le GIEC et de ce qu’attendent les pays en développement. En outre, beaucoup de propositions sont conditionnelles, du type : « J’y vais, si tu y vas »... Les Etats-Unis et la Chine, responsables de 40% des émissions planétaires, sont ainsi engagés dans ce jeu de poker. Il est impossible au président des Etats-Unis de conclure un engagement fort si la Chine ne donne pas de gages sur son entrée dans le jeu. Cette dernière a promis un effort pour diminuer son intensité énergétique, mais pas davantage.Au final, Yvo de Boer espère obtenir un« accord clair », d’abord pour réaffirmer la volonté de tous de ne pas réchauffer l’air de plus de 2° C, qui soit décliné en objectifs chiffrés pour les nations industrialisées et en mesures politiques fortes de lutte contre le gaspillage et la déforestation des pays en voie de développement pour infléchir leurs émissions.

    Le délicat chiffrage des besoins

    Le deuxième enjeu porte évidemment sur la question des financements. Une discussion clef, qui oppose le Sud au Nord, les premiers réclamant au second une augmentation significative de l’aide publique au développement. Le chiffrage des besoins est délicat : d’au moins 100 milliards de dollars par an d’ici à 2030, à trouver essentiellement sur les marchés privés, dont la vente de permis d’émission de CO2négociables, mais aussi par une hausse de l’aide publique. Pour trouver de l’argent frais, la France propose d’instituer une taxe Tobin sur les transactions financières.Enfin, toute la question est de savoir si les grandes puissances, Etats-Unis et Chine, accepteront un traité contraignant (voir ci dessous). Les espoirs de parvenir à un Kyoto bis sont déjà abandonnés, tant de questions restent en suspens, mais tout le monde espère mieux qu’une simple déclaration politique. Yvo de Boer fera tout pour obtenir une« décision rattachée à la Convention sur les changements climatiques », ce qui vaudrait comme un engagement international d’application immédiate. Quitte à renvoyer la finalisation d’un traité « Kyoto + » dans la lancée en 2010. Chacun espère que c’est au moins le message d’espoir qu’apportera Barack Obama lors de sa visite le 9 décembre prochain à Copenhague : une promesse que les Etats-Unis accepteront pour une fois le jeu multilatéral de l’ONU.

    Anne Bauer

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  • Sondage

    Sortie de crise : les Français attendent des vrais changements 

    La croissance verte, la solidarité, les petites entreprises et le retour à certaines valeurs sont plébiscités par les Français pour sortir de la crise. Voilà quelques enseignements de la troisième enquête sur les « mots de la crise » de l’Institut Médiascopie et de la Fédération française des sociétés d’assurances pour « Les Echos », France Inter et iTélé.

    Plus d’un an après son déclenchement, la crise taraude toujours les Français. Et s’en extirper nécessitera, selon eux, une profonde remise en question du système en place. Telle est l’une des grandes conclusions de la troisième enquête sur « les mots de la crise » de Médiascopie et de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), pour « les Echos », France Inter et iTélé. Comme en décembre 2008 et en juin dernier, l’institut a demandé entre le 1eret le 4 novembre à un échantillon représentatif de plus de 300 Français de classer 180 mots sur une double échelle de proximité et d’intensité du vécu de la crise. Avec des résultats relativement proches de ceux obtenus il y a six mois. Ce qui est déjà en soi un enseignement.Les mois ont passé depuis la faillite de Lehman Brothers, mais la crise inquiète toujours autant. Les mots « licenciements » et « chômage » sont encore perçus par les personnes interrogées comme les plus menaçants. Avec le « stress au travail » et les « suicides en entreprise ».« Les Français ne voient pas le bout du tunnel et n’ont pas le sentiment que la situation s’améliore, contrairement aux experts économiques, qui notent une timide embellie »,souligne Denis Muzet, le président de Médiascopie. Les sondés« sont encore les deux pieds dans la crise ».Et ils la ressentent d’autant plus durement que s’y ajoute une nouvelle dimension : le mal-être au travail, en raison notamment de la pression mise sur les salariés.

    Pour une régulation forte

    Conséquence,« toutes les réformes qui, dans l’opinion publique, ne sont pas directement liées à la crise suscitent de l’inquiétude », poursuit Denis Muzet. Qu’il s’agisse de la suppression de la taxe professionnelle, du changement du statut de La Poste ou de la création de la taxe carbone. Pour une majorité de Français, ces changements sont craints« parce qu’ils pourraient conduire à une aggravation des inégalités ou renforcer les difficultés économiques actuelles ».Les déficits sont, de ce point de vue, l’une des sources de préoccupation majeures des personnes interrogées par Médiascopie. Les mots « augmentations des impôts » et « dette publique » inquiètent autant que « chômage » ou « licenciements ».Fait notable, si la menace, du côté des entreprises, se cristallisait au printemps sur les noms des quelques grands groupes industriels en détresse tel Continental, elle se focalise aujour-d’hui sur les banques. Et non parce qu’elles risquent de nouveau la faillite, mais« parce qu’elles font de nouveau des bénéfices, parfois insolents »,explique Denis Muzet. Curieux paradoxe, mais seulement en apparence.En fait, les Français interrogés par Médiascopie sont très demandeurs de régulation forte, de retour aux règles et aux valeurs. Les efforts de gouvernance mondiale, dont le récent sommet du G20 de Pittsburgh,« n’ont pas convaincu »les sondés, affirme Denis Muzet. « Transparence des marchés », « levée du secret bancaire », « limitation des bonus », « moralisation de l’économie » ou « suppression des paradis fiscaux » sont des mots plébiscités par les sondés (voir le graphique ci-dessus centré sur la sortie de crise). Tout comme ceux qui touchent à la croissance verte ou à la solidarité, déjà perçus comme très rassurants lors de l’enquête de juin (voir « Les Echos » du 17 juin). Testées pour la première fois, les mesures de soutien au PME et surtout aux TPE, ainsi que les technologies du futur se positionnent aussi très bien. Mais le grand emprunt, censé préparer l’avenir en mettant l’accent sur le développement de ces dernières, est, pour les sondés, une source de préoccupation, état des finances publiques oblige.

    STÉPHANE DUPONT

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  • Davos veut « repenser » le monde

    La quarantième édition du World Economic Forum se déroulera fin janvier dans la petite station suisse.

    Forum

    Pas de crise des 40 ans pour le World Economic Forum, qui fêtera sa quatrième décennie du 27 au 31 janvier prochain, comme à l'habitude dans la petite station suisse de Davos . Pourtant, l'humeur est à la rénovation, « Améliorer l'état du monde : repenser, redessiner, rebâtir », tel est le thème de la prochaine édition où se retrouveront quelque 2.000 participants, chefs d'entreprise, universitaires et politiques du monde entier. Il s'agit bien sûr de repenser le monde, après — ou pendant — cette crise inhabituelle qui frappe l'économie. Comme toujours, Davos est à la pointe de la technologie. Dès le début des années 1990, les participants au forum utilisaient les e-mails pour communiquer entre eux. Ils travailleront cette année avec une application collaborative intégrant la technologie Web 2.0.

    <st1:personname productid="LA CRISE N'EST" w:st="on">LA CRISE N'EST</st1:personname> PAS FINIE

    Klaus Schwab, fondateur et inspirateur du forum, se montre tout à la fois désireux d'œuvrer pour faire émerger de nouvelles idées et inquiet sur la conjoncture. Si l'on n'avait pas eu les plans de relance, notait-il lors de son passage à Paris jeudi, toutes les économies auraient été encore en récession au troisième trimestre, y compris <st1:personname productid="la Chine" w:st="on">la Chine</st1:personname> : la crise n'est pas finie. Même la coopération internationale initiée par le G20 lui semble encore fragile — on l'évaluera sur ses résultats concrets, explique-t-il. À ces inquiétudes s'ajoute la crainte de la grippe A. Tout le staff du forum a été dûment vacciné, et les participants sont incités à faire de même, pour ne pas prendre le risque de déclencher une contamination des élites mondiales.

    Comme chaque année, le président de <st1:personname productid="la République" w:st="on">la République</st1:personname> française a été invité à s'exprimer à Davos . En 2005, Jacques Chirac avait fait un discours à distance, retransmis sur écran géant. L'année dernière, en pleine crise, Sarkozy avait décliné l'offre. Il pourrait en être autrement cette année : l'Élysée indique que la décision définitive sera prise en janvier. François Lenglet


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  • L’Afrique en péril

    Meles Zenawi

     

    ADDIS ABEBA – Le changement climatique touchera l’Afrique en premier et le plus durement, bien que ce continent n’ait pour ainsi dire rien fait pour le provoquer.

    A l’exception de l’Antarctique, l’Afrique est le seul continent qui ne soit pas industrialisé. En fait, depuis les années 1980, le peu d’industrialisation qu’il y ait eu a dans l’ensemble été inversé. L’Afrique n’a donc en rien contribué à l’accumulation des gaz à effet de serre au cours du temps à cause d’une industrialisation génératrice de carbone. De plus, sa contribution actuelle est également négligeable et provient pour l’essentiel de la déforestation et de la dégradation des forêts et des terres arables.

    Et pourtant le changement climatique frappera le plus durement l’Afrique, parce qu’il portera atteinte au secteur agricole du continent, très vulnérable, dont dépend 70 pour cent de la population. Toutes les estimations concernant les retombées possibles du réchauffement climatique font apparaître qu’une grande partie du continent deviendra plus sec et qu’il subira dans l’ensemble des plus grandes variations climatiques.

    Nous savons quelles conséquences ont les sécheresses périodiques sur les vies de dizaines de millions d’Africains. Nous pouvons donc sans difficulté imaginer quel impact un climat plus sec pourrait avoir sur l’agriculture. Les conditions dans ce secteur économique vital deviendront plus précaires qu’elles ne le sont aujourd’hui.

    L’Afrique ne sera pas seulement la plus durement touchée, elle sera aussi touchée en premier. A vrai dire, le changement climatique tant redouté est déjà manifeste. La sécheresse qui frappe actuellement une grande partie de l’Afrique de l’Est – bien plus sévère que les sécheresses passées – a été directement liée au changement climatique.

    Les prochaines négociations sur le climat devront porter sur les problèmes spécifiques de l’Afrique et des autres régions pauvres et vulnérables. La première étape, et la plus importante, sera d’obtenir une limitation de la hausse des températures au <st1:metricconverter productid="2°C" w:st="on">2°C</st1:metricconverter> qui semblent inévitables, au-delà desquels se profile une catastrophe environnementale que les pays pauvres et vulnérables ne pourront surmonter. La deuxième étape est de faire en sorte que des ressources adéquates soient mises à la disposition des pays et régions pauvres et vulnérables pour leur permettre de s’adapter au changement climatique.

    Le changement climatique, principalement lié aux activités des pays développés, a rendu la lutte des pays pauvres et vulnérables contre la pauvreté encore plus difficile. Il a créé un environnement encore moins favorable au développement. Aucune somme ne permettra de remédier au désastre. Toutefois, des investissements adéquats, permettant d’atténuer les dégâts, pourraient résoudre une partie du problème.

    Les pays développés sont donc dans l’obligation morale de verser une compensation partielle aux pays et régions pauvres et vulnérables pour couvrir une partie du coût des investissements qu’ils devront faire pour s’adapter au changement climatique.

    Diverses estimations ont été faites concernant l’ampleur des investissements nécessaires. Une estimation prudente – qui a des chances raisonnables d’être acceptée parce qu’elle est prudente – prévoit des investissements à hauteur de 50 milliards de dollars à partir de 2015, et de 100 milliards à partir de 2020 et au-delà. Un accord de financement transitionnel pourrait être conclu pour la période 2010-2015.

    Certaines personnes ont estimé que les pays développés n’étaient pas en mesure de verser de telles sommes, en particulier compte tenu du difficile contexte économique actuel. Mais jusqu’à présent, personne n’a prétendu que le coût des dégâts causés aux perspectives de développement des régions et pays pauvres était inférieur au montant compensatoire permettant de couvrir les coûts d’ajustement. La raison en est évidente : les dégâts provoqués par le changement climatique sont de très loin supérieurs aux montants compensatoires demandés.

    Il n’en reste pas moins, affirment certains, que quel que soit le coût réel des dégâts, les pays développés ne peuvent pas aujourd’hui fournir une assistance financière de cette ampleur. Mais nous savons tous que ces pays et leurs banques nationales ont pu dépenser des milliers de milliards de dollars en quelques mois pour renflouer leurs banquiers qui, dans les années précédentes, avaient engrangé des bénéfices record. Quand le vent a tourné, les contribuables et les gouvernements sont venus à la rescousse pour garantir qu’ils continuent à percevoir des primes extraordinaires.

    Si le monde développé est capable de dépenser de telles sommes pour remédier à une crise économique provoquée par le secteur financier, comment est-il possible qu’il ne puisse se permettre de dépenser quelques milliards de dollars pour remédier à un désastre qu’il a lui-même créé et qui menace la survie de continents entiers ?

    Il ne s’agit clairement pas de la disponibilité de ressources. Il s’agit de priorités mal pensées concernant l’allocation de ses ressources. Il s’agit de valeurs morales qui permettent de renflouer des banquiers qui s’attendent à ce que tout le monde sauf eux paie pour la crise qu’ils ont provoquée et qui ne permettent pas de compenser les plus pauvres de la planète, dont la survie est menacée par les dégâts causés par les pays développés.

    Je ne peux pas croire que les citoyens des pays développés, une fois au courant de la situation, puissent soutenir les banquiers et s’opposer à une compensation partielle des pays et régions pauvres. Je ne peux pas croire qu’ils accepteront une telle injustice. S’ils n’expriment pas leur indignation devant l’injustice de la situation, ça ne peut être que parce qu’ils ne sont pas suffisamment informés.

    Copyright: Project Syndicate, 2009.
    www.project-syndicate.org
    Traduit de l’anglais par Julia Gallin

     

    Meles Zenawi est le Premier ministre d’Éthiopie et le chef de la délégation africaine aux négociations sur le changement climatique à Copenhague, Danemark.


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