• Obama mène les grandes entreprises à la baguette

    Les pressions exercées sur le géant pétrolier BP sont une nouvelle illustration de la volonté de la Maison-Blanche d’intervenir dans le monde des affaires.

    David E. SangerThe New York Times


    Les cadres dirigeants de BP après un entretien avec Barack Obama. De gauche à droite: Tony Hayward, président directeur général, Robert Dudley, directeur général, Lamar McKay, président de BP America et Carl-Henric Svanberg, président non-éxecutif

    Il y a d’abord eu General Motors, dont le directeur général a été poussé vers la porte par la Maison-Blanche, peu de temps avant que le gouvernement devienne le principal actionnaire du constructeur automobile. Puis Chrysler, qui a été forcé de fusionner. Les salaires des cadres des banques qui ont reçu une aide du gouvernement ont ensuite été limités, et les compagnies d’assurances qui cherchaient à augmenter les primes ont été si violemment critiquées qu’elles ont dû faire machine arrière. Mais le geste qu’a fait Barack Obama, le 16 juin, en forçant le géant pétrolier BP à créer un fonds de compensation de 20 milliards de dollars [16,1 milliards d’euros] que le groupe n’aura pas le choix de distribuer constitue peut-être le meilleur exemple de ce que le président a récemment appelé sa détermination à intervenir et à faire “ce que les individus ne peuvent pas faire et ce que les entreprises ne veulent pas faire”.

    En exerçant ouvertement des pressions sur des entreprises privées, le président a rouvert le débat sur le pouvoir du gouvernement fédéral ou ce que d’aucuns dénoncent comme un interventionnisme excessif. Il s’agit là d’un débat qui a dominé les dix-huit premiers mois de Barack Obama à la Maison-Blanche et dont celui-ci espère clairement faire une question centrale des élections législatives de mi-mandat de novembre prochain. Pour le chef de l’Etat, ces interventions ont pour objectif de rétablir l’équilibre, après vingt années durant lesquelles les multinationales ont parfois agi comme des mini-Etats, hors du contrôle du gouvernement, poussées par leur foi dans les marchés et qui, comme l’a souligné le président Obama, “ont enfreint la réglementation et mandaté des individus qui sont déjà dans l’industrie pour superviser leur propre secteur”.

    Pour Brarack Obama, la présidence est bien plus qu’une simple tribune. Il se présente lui-même comme la dernière ligne de défense contre les excès du marché. “Avant, l’Amérique des grandes entreprises n’était pas seulement assise à la table ; la table et les chaises lui appartenaient, rappelle le chef de cabinet Rahm Emanuel. Obama ne souhaite pas la confrontation, mais il n’hésitera pas à agir si certains secteurs résistent à l’idée qu’il existe d’autres manières de faire.” Dans le même temps, comme l’ont fait remarquer les critiques venant de la gauche, le président ignore les appels en faveur d’une réglementation plus stricte des établissements bancaires, espérant ainsi obtenir un minimum de soutien de la part du monde des affaires – et réfuter l’idée selon laquelle il a déclaré la guerre au capitalisme à l’américaine.

    Le président américain a justifié chacune de ses confrontations avec les grandes entreprises. D’après lui, General Motors n’était plus assez compétitive et son effondrement imminent menaçait les emplois de millions de travailleurs. La seule façon de mettre le groupe à l’abri de ses pires instincts était d’en devenir temporairement propriétaire et d’apporter du sang neuf à son conseil d’administration. Les cadres de Wall Street, qui ont eu besoin de l’aide du gouvernement, mais estimaient toujours que leurs services valaient plusieurs millions de dollars par année, ont été décrits par le président comme faisant partie d’une classe privilégiée sans scrupule. Wellpoint, le géant des assurances, a été fustigé pour avoir tenté de contourner la nouvelle législation en matière d’assurance-santé en prenant des mesures qui seront bientôt interdites par la loi.

    Dans ce contexte, le fait d’imposer à BP la création d’un fonds de 20 milliards de dollars – avant même que les inévitables poursuites judiciaires ne soient engagées – peut sembler une décision facile à prendre. Barack Obama n’a certes pu s’appuyer sur aucun fondement juridique, mais il a conclu qu’il n’en avait pas besoin. “Après tout, il possède un pouvoir que d’autres présidents ont utilisé eux aussi : la persuasion morale”, souligne Rahm Emanuel. Reste à savoir si les effets cumulatifs de ces mesures donneront l’impression, à long terme, qu’il pourrait être plus difficile de persuader les entreprises américaines et étrangères de collaborer avec Obama et d’investir pour donner un nouveau souffle à l’économie américaine. “Il est dans une position très délicate”, estime Jeffrey Garten, professeur de commerce international à la Yale School of Management. “Il court le risque de susciter une certaine méfiance envers toutes les grandes entreprises. Mais ce sont d’elles que dépendent les investissements et les innovations nécessaires à la reprise.”


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  • L’austérité est tout, sauf de rigueur

    Sa timide réforme des retraites mise à part, le gouvernement français ne semble pas prêt à suivre l’exemple de ses voisins qui se serrent la ceinture, regrette The Economist.

    The Economist

    L’un après l’autre, les gouvernements de la zone euro préparent des plans d’austérité, dans l’espoir de rassurer des marchés obligataires très nerveux. Après la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et l’Italie, l’Allemagne, pourtant solvable, a annoncé un train de mesures d’économies budgétaires. Le seul grand pays européen à n’avoir pas encore agi est la France, qui en aurait pourtant bien besoin. Paris pense avoir trouvé le moyen de maîtriser les finances publiques. Le 16 juin, le gouvernement français a dévoilé sa réforme des retraites, qui repoussera l’âge légal de la retraite de 60 à 62 ans d’ici à 2018. Le projet traduit, plutôt sérieusement, une détermination à agir sur le long terme. Mais, en termes budgétaires, ces dispositions n’auront qu’un impact limité dans l’immédiat. Même à long terme, l’âge de la retraite restera toujours plus tardif en France qu’en Grèce.

    Les Français ont également parlé de réduire les dépenses publiques par d’autres moyens. Quelques jours après l’annonce faite par Angela Merkel de son projet de réaliser 80 milliards d’euros d’économies d’ici à 2014, François Fillon a apparemment pris le dessus avec un chiffre de 100 milliards d’euros d’ici à 2013. Mais le Premier ministre n’a rien révélé de nouveau. Il a simplement parlé des économies que la France devrait faire pour tenir son engagement de ramener ses déficits à 3 % du PIB en 2013, contre 8 % cette année. Par ailleurs, il a soutenu allègrement que la moitié des économies serait obtenue grâce à la croissance économique. Le reste du plan est bien flou.

    Tant à droite qu’à gauche, on ne veut pas en parler

    Pourquoi ces réticences à agir ? Les esprits généreux répondront que Paris doute de l’opportunité d’opérer un tour de vis budgétaire de façon aussi prématurée. Au gouvernement, on craint qu’un plan d’austérité ne “tue la croissance”. Mais il est plus plausible que le gouvernement rechigne à dire aux électeurs qu’il faut tailler brutalement dans les dépenses, à deux ans de l’élection présidentielle. Le mot “rigueur” reste tabou tant à droite qu’à gauche. Il reste associé au douloureux plan mis en œuvre par François Mitterrand en 1983, après sa “rupture avec le capitalisme” qui avait provoqué l’effondrement de la monnaie nationale et creusé un déficit colossal. La classe politique est aussi hantée par le sort du l’ex-Premier ministre Alain Juppé, qui, en 1995, avait voulu réformer le système de protection sociale et de retraite. Des semaines durant, le pays avait été paralysé par les grèves, et la droite avait ensuite perdu les législatives de 1997, Juppé étant contraint à la démission. Avec près de 5 millions de fonctionnaires, soit près d’un actif sur cinq, la moindre baisse des salaires ou des avantages acquis fait descendre dans la rue des foules immenses. Nicolas Sarkozy a été élu sur la promesse de faire bouger les choses, mais la récession a tempéré son ardeur libérale. Abstraction faite de la réforme des retraites, il semble surtout soucieux de contenir le mécontentement social avant l’échéance électorale de 2012.

    L’ennui est que la réalité économique exige des mesures énergiques. Cette année, le déficit budgétaire de la France devrait atteindre 8 % du PIB, pas très loin des 9 % de la Grèce. La dette publique, à 84 % du PIB, atteint des niveaux préoccupants. Pour l’heure, les agences de notation financière continuent d’accorder leur meilleure note (AAA) à la dette souveraine française, ce qui permet au pays de continuer d’emprunter à taux réduit. L’économie française est diversifiée et la périphérie de la zone euro suscite assez d’inquiétudes pour que les obligations françaises fassent figure de valeurs refuges aux yeux des investisseurs. Mais l’écart de rendement avec les obligations allemandes se creuse et, en février, l’agence de notation Moody’s a prévenu que, en l’absence d’une consolidation, l’alourdissement de la dette mettrait en péril la note AAA. Tout est essentiellement un problème de crédibilité.

    Nicolas Sarkozy dit vouloir inscrire dans la Constitution l’obligation pour les gouvernements de maîtriser le déficit, comme en Allemagne. Mais cette clause mettrait du temps à produire ses effets, et nul ne sait dans quelle mesure elle serait contraignante. La vérité est de fait cruelle : aucun gouvernement français n’a présenté de budget équilibré depuis le début des années 1970. Comme le souligne Jacques Delpla, économiste au Conseil d’analyse économique, l’Etat français a vécu au-dessus de ses moyens même durant les années fastes, une défaillance qu’il juge “scandaleuse”.

    Et demain ?

    “La France se prépare à de grandes coupes budgétaires”, titre le Financial Times dans son édition du 21 juin. Le quotidien financier britannique, citant le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, annonce que des mesures d’économie “sérieuses et résolues” seront prises à l’automne.


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  • G vain ? Persiste et signe

    par Jacques Attali

    Encore une fois, malgré toutes les déclarations trompeuses, la réunion du G20 n’a servi à rien. Le sommet réuni au Canada était supposé traiter de deux sujets majeurs : la réglementation du système financier et la réduction de l’endettement public. 

    Et en fait, sur ces sujets, aucune décision n’a été prise.  D’abord, sur les banques, aucun accord n’a été trouvé sur aucun sujet : ni  sur la réglementation bancaire, ni sur la taxe bancaire, ni sur les réserves bancaires, ni même sur leurs  comptabilités.  

    Ensuite, sur la réduction des déficits, on n’a réussi qu’à répéter un engagement déjà pris séparément par chacun des Etats,   (réduire de moitié le déficit budgétaire) ce qui est très loin d’être suffisant et ne sera de toute façon pas suivi d’effet.

    On ne pouvait pas attendre mieux : le G20 n’a aucun pouvoir ; il  ne peut imposer aucune règle planétaire ; il  n’est même pas d’accord sur la façon de définir des concepts ou de prendre des décisions   Et comme dans  toute réunion n’obéissant pas à des règles, ce sont les plus forts qui y règnent. Et ici, les plus forts sont les Américains et  les Chinois, qui se sont entendus pour ne pas se voir imposer quoi que ce soit.

    Les Américains  ont obtenu de  continuer à faire du dollar la monnaie principale de référence, à emprunter au monde entier sans avoir jamais l’intention de rembourser à personne, et  à ce que personne ne s’occupe de leurs  paradis fiscaux.

     Les Chinois ont obtenu qu’on ne critique ni leur taux de change, ni leur politique exportatrice, ni la faiblesse de leur consommation intérieure. Et qu’on n’impose aucun contrôle à leurs places financières et à leurs paradis fiscaux.

    Les Européens, eux, divisés et sans stratégie, se sont laissés donner des leçons de bonne gestion, se sont laissés dire que l’euro était  bien malade et  se sont laissés imposer des règles comptables pour leurs banques beaucoup plus  exigeantes  que   celles que les Américains  n’appliqueront même pas aux leurs.    

    Les  banques américaines sont donc les grands vainqueurs de ce fiasco dont elles sont  pourtant largement responsables : elles  ne seront pas taxées et  garderont le contrôle capitalistique des  chambres de compensation, où devront être enregistrés les produits dérivés et qui en assureront seules le risque de contrepartie. Elles  n’auront même pas à appliquer, dans le reste du monde,  la nouvelle législation en débat au Congrès américain,  elle-même si pleine d’exemptions qu’elle va permettre  aux banques de continuer  de spéculer sur compte propre sur les produits dérivés , sur les  swaps de change et de taux d’intérêt  et  de  contrôler des  hedge funds.       

    Tout se passe  donc comme si les gouvernements avaient décidé de renoncer à maitriser leurs systèmes financiers et  se résignaient à passer la main aux Banques centrales, tenues de fournir toutes les liquidités nécessaires.

    Rien n’a  donc changé depuis le premier G20.   Jour après jour, la démocratie recule devant le marché. Jour après jour, se prépare une nouvelle crise financière, qui viendrait ruiner tous les efforts de réduction des déficits budgétaires.   

    Et après ? Que fera-t-on ? Mais rien, bien entendu, sinon faire payer les contribuables. On a vu des révolutions se déclencher pour moins que ca.


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