• Le déclin américain, la montée de la Chine, la preuve par le Fortune 500

    Que dit le classement des 500 plus grandes entreprises dans le monde de Fortune ? Que le monde bouge lentement, que le rééquilibrage États-Unis/Reste du monde se fait à petit pas. Mais il se  Depuis 2005, le nombre des groupes Made in USA n’a pas cessé de reculer. Elles étaient en effet 176 en 2005, il en reste 139. Le tiers des grosses entreprises par la taille avait son siège aux États-Unis, quand on semble s’approcher des 25%.

    Qui prend leur place ? Des entreprises chinoises. Les États-Unis abandonnent 7 points, la Chine en gagne 6, l’Inde presque 1 et le reste du monde regarde. La France et l’Allemagne à égalité (39 entreprises pour l’une, 37 pour l’autre) ne bougent pas du tout.

    Et voilà, l’illustration simple du déclin américain et de la montée en puissance de la Chine. Quant à l’Afrique elle ne compte toujours aucun groupe dans le Top 500, alors qu’elle regorge de matières premières qui permettent à la Russie de placer 6 entreprises (3 des plus grands groupes russes opèrent dans le gaz ou le pétrole Gazprom, Lukoil, Rosneft Oil), dans le classement de Fortune.

    PhDx

     

    France
    2010 : 39 entreprises dans le Top 500, soit 8% des plus grandes entreprises de la planète.
    2009 : 40 ent.
    2008 : 39 ent.
    2007 : 38 ent.
    2006 : 38 ent.
    2005 : 39 ent. ou 8%

    Allemagne
    2010 :   37 ent. ou 7,4%
    2009 :  35 ent.
    2008 :  37 ent.
    2007 :  37 ent.
    2006 :  35 ent.
    2005 :  37 ent. ou 7,4%

    Etats-Unis
    2010 : 139 ent. ou 28%
    2009: 140 ent.
    2008 : 153 ent.
    2007 : 162 ent.
    2006 : 170 ent.
    2005 : 176 ent. ou 35%

    Chine
    2010 : 46 ent. ou 9%
    2009 : 37 ent.
    2008 : 29 ent.
    2007 : 24 ent.
    2006 : 20 ent.
    2005 :16 ent. 3%

    Inde
    2010 : 8  ent. ou 1,6%
    2009 : 7  ent.
    2008 : 7 ent.
    2007 : 6 ent.
    2006 : 6 ent.
    2005 : 5 ent. ou 1%

    Brésil
    2010 : 7 ent. ou 1,4%
    2009 : 6 ent.
    2008 :  5 ent.
    2007 : 5 ent.
    2006 : 4 ent.
    2005 : 3 ent. ou 0,6%

    Russie
    2010 :  6 ent. ou 1,2%
    2009 : 8 ent.
    2008 : 5 ent.
    2007 : 4 ent.
    2006 : 5 ent.
    2005 : 3 ent. ou 0,6%

    Philippe Douroux. Journaliste indépendant, spécialisé dans l'économie. Ancien rédacteur en chef à Libération et à Télérama, ex-rédacteur aux Echos et à La Tribune.


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  • Marée noire : le silence des autorités chinoises

    Sans l'intervention de Greenpeace, la catastrophe aurait été minimisée afin de préserver les intérêts du tourisme
    Dalian (Chine) Envoyé spécial
     

    REPORTAGE

    Les habits maculés de noir, le visage et les cheveux luisants de fioul, les mains nues recouvertes d'une épaisse couche visqueuse, les pêcheurs de Jinshatan ont des allures de mineurs de fond en ces temps funestes de marée noire : depuis l'explosion, le 16 juillet, d'un oléoduc dans une zone industrielle voisine, à une cinquantaine de kilomètres de Dalian, en Chine du Nord, le petit port de pêche a été transformé en zone de stockage, et des milliers de bidons sont alignés sur le terre-plein.

    Chaque famille de pêcheurs s'affaire autour de sa prise du jour, de lourds bidons de mazout hissés un à un avec des cordes depuis les barques en bois amarrées au quai : " Ça, c'est ce qu'on a récupéré depuis hier ", dit Kong Yun-huan, une femme d'une cinquantaine d'années, le visage buriné, montrant les 32 bidons disposés dans un rectangle dessiné à la poudre blanche, signe que les inspecteurs du bureau de pêche de Dalian sont passés. Les pêcheurs recevront 300 yuans (30 euros) par bidon.

    Mais, précise Mme Kong, il a fallu acheter les bidons vides, 40 yuans (4 euros) l'unité. Et payer les ouvriers qui aident son fils et son mari, qui continuent de récupérer au prix d'efforts intenses quelques litres de fioul supplémentaires dans la rade. La famille peine à chiffrer les pertes dues à la marée noire. Certes l'été est plutôt une période de pause, mais les pêcheurs ignorent s'ils recevront des aides. Et peu sont informés de la nocivité du pétrole qu'ils manipulent depuis des jours, le plus souvent à mains nues.

    " Les pêcheurs mobilisés pour participer au nettoyage le font souvent sans protection, sans gants, et sans masques ", dit Zhong Yu, chef de l'équipe d'intervention rapide de Greenpeace Chine arrivée sur place, il y a une semaine. La jeune femme fustige l'irresponsabilité des sociétés qui ont causé l'incident, dont une filiale du géant chinois Petrochina : " Aucune des entreprises concernées n'a fourni de protection aux gens qui nettoient. Or, toutes sortes de composés toxiques sont dangereux, il peut y avoir des intoxications ", insiste-t-elle.

    C'est une mauvaise manoeuvre de désulfuration dans deux oléoducs, lors du déchargement d'un pétrolier, qui aurait conduit à un incendie dans un réservoir de Xingang, le terminal du port de Dalian réservé aux hydrocarbures. Et au déversement d'au moins 1 500 tonnes de pétrole brut dans la mer. Une quantité relativement " modeste " par rapport aux 10 000 tonnes de brut qui s'étaient écoulées au large de la Bretagne en 1999, lors du naufrage de l'Erika. Mais c'est un désastre de première importance pour cette région très peuplée (Dalian compte 6 millions d'habitants) du sud de la péninsule de Liaodong, où tourisme, pêche et industrie sont pratiqués de manière intensive.

    L'équipe d'intervention rapide de Greenpeace s'est livrée à des opérations relativement spectaculaires alors que les organisations non gouvernementales (ONG), surtout étrangères, sont considérées avec suspicion en Chine et sont parfois la cible de campagnes de dénigrement. Vêtus de combinaisons orange frappées du sigle Luse Heping (Greenpeace en chinois), les militants se sont rendus sur les plages et sur le port de pêche, arborant de grands panneaux incitant la population à porter des équipements de protection, et à ne pas se baigner.

    L'ONG a multiplié les communiqués au vitriol sur la légèreté des mises en garde des pouvoirs publics. Au tout début de la marée noire, l'un de ses photographes a pris les clichés - qui ont fait le tour du monde - des pompiers tentant de colmater la fuite de pétrole sans aucun équipement de protection. Et c'est Greenpeace qui a informé de la mort de l'un d'entre eux. " La culture chinoise oblige à plus de réserve qu'en Occident pour nos actions ", explique Mlle Zhong, qui, adolescente, avait été marquée par un reportage de la télévision chinoise sur une action de Greenpeace contre des baleiniers nippons.

    En 2008, elle part dans la région chinoise du Sichuan répertorier les risques de fuites chimiques dans les usines touchées par le séisme. Concernant la marée noire, elle considère que Greenpeace a bénéficié du fait qu'il y avait " très peu d'informations disponibles, et qu'on était les seuls à en fournir ". Et que les médias locaux, qui ont surtout montré le bord de mer et sa foule de baigneurs insouciants, ont été " irresponsables ".

    Mercredi 28 juillet, la presse chinoise titrait unanimement sur la " victoire décisive " remportée contre la marée noire. Habitués à une relative marge de manoeuvre sur les questions d'environnement, cette fois-ci, les médias chinois ont dû annuler leurs reportages et s'en tenir aux communiqués officiels, selon le South China Morning Post, à Hongkong. Dans les bureaux de Depva, une ONG locale de défense de l'environnement, Tang Zailin, son animateur, reconnaît que l'ampleur de la marée noire a été minimisée. " Tout est fait pour ne pas heurter les intérêts du secteur du tourisme ", dit-il.

    Ce retraité de l'industrie chimique estime que la catastrophe a pris tout le monde au dépourvu. " J'ai appris qu'on pouvait utiliser de la paille et des boudins de cheveux pour bloquer la marée. Nous avons lancé un appel sur Internet, et nous avons reçu des centaines de paquets avec des cheveux. Nos bénévoles les ont fourrés dans des collants ", raconte Tang Zailin. Ces ceintures flottantes maintenues par des nattes de paille ont été disposées autour de Fujiazhuang, l'une des grandes plages de Dalian, où la nappe de pétrole avait dérivé.

    Lundi, des militaires faisaient des allers et retours en bateau, au milieu des vacanciers, pour changer les radeaux de paille, ramenés luisants de pétrole sur le rivage. La plage était bondée.

    Brice Pedroletti

    • Un groupe minier tente de soudoyer des journalistes

      Le groupe minier Zijin, premier producteur d'or chinois, responsable, le 3 juillet, d'un déversement massif de produits chimiques à base de cuivre dans une rivière de la province du Fujian, est accusé d'avoir tenté de corrompre des journalistes chinois.

      Selon China Business News, six médias chinois auraient reçu

      - mais refusé - des enveloppes apportées à leurs reporters qui s'étaient rendus sur place le 12 juillet.

      Un quotidien économique de la province aurait reçu un virement de 60 000 yuans (6 800 euros) de la part de Zijin, sur le compte d'une société filiale. " Ils nous ont dit que l'argent était pour de la publicité, et qu'ils ne nous demandaient rien de spécial ", a déclaré à CBN l'un des journalistes. Le groupe minier a démenti l'information. Nombre d'opérateurs de mines de charbon ont, par le passé, été accusés d'avoir " acheté " des journalistes chinois pour qu'ils passent sous silence des problèmes de sécurité ou des accidents mortels.


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  • Débat sur le Fédéralisme européen

    Par Jean Pisani-Ferry


     

    Cette question est de la plus haute importance pour les investisseurs un peu partout dans le monde. Les détenteurs d’obligations de gouvernements européens ont cru qu’ils savaient ce qu’ils achetaient. Bien sur, il n’y pas de sécurité souveraine de la zone euro. Mais les obligations allemandes, françaises, espagnoles et même les grecques, avaient globalement le même taux d’intérêt, et elles ont donc été considérées comme équivalentes.

    Les investisseurs reconnaissent aujourd’hui qu’ils n’avaient pas bien compris ce que ces obligations représentaient – autrement dit, la structure institutionnelle derrière la monnaie européenne. Et si la crise mondiale nous a enseigné quelque chose c’est que si l’on ne comprend pas un produit financier, il ne faut pas l’acheter. Mais si les investisseurs devaient appliquer cette leçon à la lettre, la crise européenne serait loin d’être terminée.

    L’Europe devrait-elle donc adopter un fédéralisme budgétaire de façon à renforcer la zone euro et restaurer la confiance des investisseurs ? Le problème est que le fédéralisme budgétaire signifie différentes choses à différentes personnes.

    Les Américains croient savoir ce que cela veut dire : un gouvernement central avec un important budget (environ 20% du PIB) dont le rôle macroéconomique est de soutenir des dépenses et une fiscalité contre cycliques, puisque la plupart des états américains sont tenus constitutionnellement à une forme d’équilibre budgétaire. Cela fut clairement le cas dans le cadre du plan de relance de 2009, qui comprenait des transferts fédéraux aux états pour soutenir leurs dépenses budgétaires. De même, lorsqu’un état comme le Michigan est frappé par la récession dans son secteur économique clé (l’industrie automobile), Washington prélève moins d’impôts fédéraux mais maintient, et même augmente, les dépenses locales, ce qui compense partiellement le choc sur les revenus de l’état.

    Economiquement, donc, le budget fédéral amortit automatiquement les chocs régionaux par une action discrétionnaire et la stabilisation des transferts aux états. Politiquement, c’est une preuve de solidarité et cela contribue à cimenter l’union.

    Si c’est ce que l’on entend par fédéralisme, l’Union Européenne ferait bien mieux d’oublier. Le budget de l’UE représente 1% du PIB, soit un quarantième de l’ensemble des dépenses publiques. Personne, ni même les intégrationnistes européens convaincus, n’imagine qu’il puisse atteindre 5% du PIB (il est plus probable qu’il baisse). Mais même un budget à 5% du PIB ne serait pas suffisant pour jouer un rôle macroéconomique significatif. 

    Une seconde solution serait ce que l’on pourrait appeler un « fédéralisme distributif ». L’objectif ne serait pas d’absorber les chocs mais de réduire les écarts de revenus entre les différentes régions. En Allemagne, les revenus fiscaux sont redistribués entre les Länder. Cela constitue une autre forme de solidarité, qui existe aussi dans l’Union Européenne, où les fonds de développement régionaux sont alloués aux régions les plus pauvres pour leur permettre de rattraper la croissance. Ces transferts sont significatifs pour les régions pauvres : quelques 300 € par personnes pour la Grèce et le Portugal chaque année de 2000 à 2006. L’Europe, dans ce domaine, n’est pas qualitativement différente des Etats-Unis.

    Ces transferts ont accéléré la convergence lorsqu’appliqués à un bon usage (par exemple, dans plusieurs provinces espagnoles), mais ont été inefficaces lorsque gaspillés (comme en Grèce). Cela nourrit les doutes sur l’utilité de la solidarité. Les Allemands, qui depuis la réunification en 1990 savent de quoi ils parlent lorsqu’il est question de tels transferts, ne veulent pas entendre parler d’une Europe où les régions riches financeraient perpétuellement des poches de sous-développement. Ils ne sont pas les seuls.

    Alors quoi ? Conceptuellement, la zone euro doit exprimer une part de solidarité avec les pays en difficulté parce que c’est ce qui unit et qui renforce l’ensemble – mais sans la lourde machinerie d’un budget fédéral ou d’une augmentation permanente des transferts. Elle a besoin d’une forme d’assurance mutuelle, ou de ce que l’on pourrait qualifier de « fédéralisme assurantiel ».

    C’est ce qui a inspiré la décision de créer en mai dernier la Facilité européenne de stabilité financière (FESF), par laquelle assistance peut être apportée, conjointement avec le Fond Monétaire International, aux pays partenaires en temps de crise. C’est aussi ce qui a inspiré la Banque Centrale Européenne à lancer un plan de rachat d’actifs et qui a été utilisé pour racheter les obligations des gouvernements grec et portugais.

    Mais la vive réaction causée par ces décisions renforce plutôt qu’elle ne dissipe les doutes. En Allemagne, beaucoup pensent que le FESF est une brèche dans le principe fondamental selon lequel les gouvernements européens ne peuvent pas être renfloués par leurs partenaires. Et la métamorphose de la banque centrale en quasi agent financier (car si la dette grecque est restructurée, la BCE enregistrera des pertes) est considérée avec horreur dans la mesure où cela viole la séparation entre l’argent et les finances publiques.

    Il se dit plutôt que les membres de la zone euro devraient avoir été autorisés à faire défaut. Peu importe que la dette publique d’un état américain moyen soit inférieure à 0,5% du PIB américain, comparé aux 5% dans la zone euro, ce qui implique que l’impact financier d’un défaut souverain de la zone euro serait bien plus important. Et peu importe qu’il n’y ait pas d’interdiction sur l’achat d’obligations d’état sur le second marché : on a passé le Rubicon et les Allemands sont fébriles.

    Il n’y a donc pas encore d’accord sur le fait de donner un statut permanent à la FESF, et elle a été conçue pour être le moins fédéral possible. Pour ce qui est des achats d’obligations par la BCE, personne ne sait pour combien de temps et dans quel but la nouvelle arme sera utilisée – ce qui amoindrit son efficacité. Entretemps, des propositions pour la pré-adoption d’évaluation des budgets nationaux par l’UE ont soulevé des critiques en France et ailleurs, ce qui permet de se rappeler de la distance qui sépare les appels à coordination et l’acceptation effective de ses implications.

    Les Européens ont commencé à rassembler les briques pour un nouvel édifice, mais sans avoir trouvé un consensus sur sa taille et sa conception. Pour l’instant, ils donnent plutôt l’impression d’avoir jeté des sacs de sable en désordre pour tenter d’endiguer la vague. Cela pourrait rendre sceptique précisément ceux que les politiciens européens voulaient convaincre. Il est temps d’accepter le fait que ceux qui financent les gouvernements européens par l’achat de leurs obligations sont autorisés à poser les questions difficiles, et sont en droit d’attendre des réponses claires.  

    Jean Pisani-Ferry is Director of Bruegel, the EU economic and policy think tank based in Brussels, Professor of Economics at Université Paris-Dauphine, and a member of the French Prime Minister’s Council of Economic Analysis.

    Copyright: Project Syndicate, 2010.
    www.project-syndicate.org


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