• Au départ on avait quatre phases d’évolution de la crise, depuis on en a ajouté une cinquième, qui est en train de se profiler; ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle quant à la crise que nous traversons. On croyait au départ que les politiques viseraient à mettre en place tant bien que mal une alternative au système actuel qui est en train de se casser la figure. Or, depuis un an et demi, les mesures prises par les différentes instances politiques non seulement n’ont aucun impact, mais en plus ne permettent pas de faire face à la déconfiture des fondements mêmes du système économique mondial ( voir les faillites de plus en plus nombreuses et pas seulement dans les banques ). Par contre, toutes les composantes du système international s’affaiblissent – dans les domaines financier, politique et économique.

    C’est pourquoi je pense que se mettra en place une cinquième phase de dislocation géopolitique mondiale, qui n’est pas une phase de guerres civiles généralisées, contrairement à ce que certains journaux veulent bien titrer, mais de frictions, d’éclats de violences et d’émergence de factions à des degrés que les gens aujourd’hui n’imaginent pas, de la même manière qu’ils n’imaginaient pas en septembre 2008 l’effondrement boursier.

    Je pense notamment que de grandes entités politiques comme les États-Unis, <st1:personname productid="La Russie" w:st="on">la Russie</st1:personname>, <st1:personname productid="la Chine" w:st="on">la Chine</st1:personname> et l’Union européenne feront face à des cassures géopolitiques internes, des problèmes de frontières et de remise en cause des relations internationales qui fait qu’on va s’orienter vers une logique de blocs, avec d’un côté le bloc asiatique, de l’autre le bloc européen et ainsi de suite. Le Canada va devoir faire un choix très difficile, à savoir s’il y aura un bloc nord-américain ou pas. Bref, on assistera à une dislocation du système international tel qu’on le connaît parce que ce sera le sauve-qui-peut généralisé.

    Au moment ou j’écrivais mon billet je suis allé sur le site éco du Crédit agricole, et voila ce que j’y trouve :

    lien 

    Émergents : crise mondiale, risques politiques locaux

    L'éclatement de la bulle d'endettement en Europe centrale et orientale et le récent défaut de l'Equateur ont convaincu les marchés de la réalité d'une remontée du risque «émergents», au-delà de la crise financière globale. Ce risque est parfois immédiatement politique (Equateur) mais, plus souvent, le laxisme des autorités face à la montée des déséquilibres a aussi retardé les corrections nécessaires et in fine affecté la capacity to pay. Cependant, le consensus sur une certaine discipline fiscale et sur la flexibilité des stabilisateurs (taux d'intérêt, taux de change) semble résister et devrait permettre le retour à une croissance équilibrée plus rapide dans les pays émergents. Enfin, il convient de rappeler que la crise financière est largement née dans les pays développés de ce laxisme dont on accuse trop exclusivement les émergents.

     

    Sommaire

    - La montée du risque politique
    - L'Amérique latine, ces révolutionnaires, ses structuralistes, ses inégalités
    - Europe orientale : des maux de gouvernance
    - Nouveaux Etats membres : un double anniversaire dans la douleur
    - La remontée du risque politique au Maghreb et au Moyen-Orient
    - Asie : une montée des tensions à l’horizon
    - Afrique sub-saharienne : la bombe démographique

     


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  • Jeunes pousses ou mauvaise herbe ?

    by Nouriel Roubini

     

    NEW YORK – De récents travaux laissent penser que le taux de contraction de l'économie mondiale serait à la baisse. Mais l’espoir suscité par les signes de la reprise aussi appelés « pousses vertes » est étouffé par plein de mauvaise herbe. Les derniers chiffres concernant le marché de l’emploi, la vente au détail, la production industrielle et l'immobilier aux Etats-Unis restent bas. L’indication de la croissance par le PIB au premier trimestre est bien morose en Europe. L’économie japonaise est toujours plongée dans le coma et les exportations de <st1:personname productid="la Chine" w:st="on">la Chine</st1:personname> – qui se rétablit – sont bien faibles. L’idée consensuelle que l’économie de la planète toucherait bientôt son point le plus bas se révèle – une fois de plus – par trop optimiste.

    Suite à la banqueroute de Lehman Brothers en septembre 2008, le système financier mondial s’est quasiment effondré et l’économie mondiale s’est retrouvée en chute libre. En effet, le taux de ralentissement économique au quatrième trimestre 2008 et au premier trimestre <st1:metricconverter productid="2009 a" w:st="on">2009 a</st1:metricconverter> atteint un niveau proche de celui de la dépression.

    C’est alors que les décideurs du monde entier ont agi avec foi et ont commencé à utiliser la plupart des armes de leur arsenal : mesures fiscales très assouplies, croissance monétaire conventionnelle et non conventionnelle, injection de monnaie par milliers de milliards de dollars, recapitalisation, garanties et assurance d’endiguer l'effondrement des crédits et des liquidités, le tout soldé par un soutien massif apporté aux économies émergeantes. L’on dénombre plus de 150 types d’interventions et de mesures de par le monde rien que pour les deux derniers mois.

    Cette politique – équivalent de la doctrine de « force écrasante » de l'ancien secrétaire d’état américain Colin Powell, cumulée au fort recul de la production en dessous de la demande finale des biens et des services (allégeant le stock des invendus), plante le décor du début de l’année prochaine : la plupart des économies toucheront le fond.

    Ceci prouve que les optimistes qui parlaient l’an dernier d’un atterrissage en douceur ou d’une récession moyenne en forme de V d’une durée de 8 mois avaient tort et donne raison à ceux qui avançaient que la récession serait d’ordre plus sévère, en forme de U et d’une durée de 24 mois – les Etats-Unis en sont à leur 18e mois de contraction. Mais les derniers chiffres économiques viennent anéantir l’optimisme diagnostiquant la fin du tunnel pour mi-2009.

    La question primordiale n’est cependant pas de savoir quand l’économie mondiale touchera le fond mais plutôt si la reprise mondiale – quelque soit le moment – sera assez solide à moyen terme. Impossible de nier la forte croissance du PIB sur quelques trimestres tandis que le cycle du stock et les mesures appliquées mènent à une renaissance à court terme. Mais ces petits signes de reprises dont on entend tant parler ces jours-ci pourraient bien être recouverts de mauvaise herbe à moyen terme, annonçant une reprise mondiale faible sur les deux prochaines années.

    Premièrement, le chômage est toujours en forte hausse aux Etats-Unis et dans d’autres pays. En effet, le taux de chômage dépassera les 10 % dans les économies avancées en 2010. C’est une bien mauvaise nouvelle pour la consommation et le manque à gagner des banques.

    Deuxièmement, la crise porte sur la solvabilité et pas seulement sur les liquidités. Le véritable effet de levier inversé n’a pas encore démarré car nous ne sommes pas en train de réduire les pertes du secteur privé ni l’endettement des ménages, des institutions financières et même des entreprises. On les rend sociales et les reporte au bilan des gouvernements. Le manque d’effet de levier inversé limite la capacité de prêt des banques, les dépenses des foyers et l'investissement des entreprises.

    Troisièmement, dans les pays dont la balance des transactions courantes est déficitaire, les consommateurs devront dépenser moins et économiser bien plus durant de nombreuses années. Criblés de dettes, interdits de dépenses et épargnant moins, les consommateurs sont touchés par le choc des richesses (chute du prix de l’immobilier et effondrement de la bourse), coefficient service-dette à la hausse, emplois et revenus à la baisse.

    Quatrièmement, le système financier – en dépit de la politique de pare-feu – est gravement endommagé. Il n’y a quasi plus de système financier fantôme et les banques commerciales traditionnelles sont accablées par les milliers de milliards de dollars qu’elles vont perdre sur les prêts et autres instruments tandis qu’elles sont toujours sérieusement sous-capitalisées. Donc la crise du crédit ne va pas se dissiper si vite.

    Cinquièmement, la faible profitabilité, due aux dettes élevées et au risque par défaut, et la faible croissance économique – entraînant de faibles recettes –, ajoutées à une pression constante pour une déflation de la marge des entreprises continueront de réduire la volonté des sociétés de produire, d’embaucher et d’investir.

    Sixièmement, le taux à la hausse de la dette nationale finira par mener à une augmentation du taux d'intérêt directeur, qui pourrait rebuter les dépenses du secteur privé et même mener à un risque souverain de refinancement.

    Septièmement, tandis que la monétisation du déficit fiscal n’entraîne pas d’inflation sur le court terme, la relâche du marché du travail et de la production est synonyme de déflation massive. Si les banques centrales ne trouvent pas de bonne stratégie pour sortir des politiques qui doublent ou triplent la base monétaire, l’inflation des prix à la consommation ou une bulle du crédit et d’autres actifs dangereux (ou les deux) finiront bien par arriver. Il est évident que la dernière hausse du prix des actions, des marchandises et d’autres actifs risqués est due à l’injection de liquidités.

    Huitièmement, certaines économies émergeantes aux fondamentaux économiques plus faibles ne pourront pas éviter de grave crise financière, malgré le soutien massif du FMI.

    Dernièrement, la réduction des impayés dans le monde sous-entend que les économies dispendieuses à la balance commerciale déficitaire (les Etats-Unis et d’autres pays anglo-saxons) vont réduire l’excédent commercial de pays qui épargnent trop (<st1:personname productid="la Chine" w:st="on">la Chine</st1:personname> et d’autres pays émergents, ainsi que l’Allemagne et le Japon). Or, si la demande intérieure n’augmente pas assez vite dans les pays en excédent, la baisse de la demande de fourniture mondiale qui en résulte – ou inversement l’excès d’épargne mondiale relatif à l'investissement – conduira à une reprise de la croissance faible dans le monde avec des économies qui augmentent bien plus lentement qu’elles ne le pourraient.

    La stabilisation et ses jeunes pourraient donc être remplacées par la mauvaise herbe de la stagnation si certains facteurs à moyen terme limitent la capacité de l'économie mondiale à revenir à une croissance durable. Si les faiblesses structurelles ne sont pas palliées, il n’est pas exclu que l’économie soit en hausse en 2010-2011, mais à un taux anémique.

    Juin 2009

    Roubini Nouriel 


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  • Passer aux choses sérieuses

    le 3 juin 2009 7h21 | par
    Jacques Attali

     

     Contrairement à ce qu’on voudrait faire croire, la crise s’approfondit : aux  Etats-Unis, tous les déficits  augmentent ; les défauts des banques s’aggravent ; et même si Wall Street est en hausse, sa valeur est  encore 40% inférieure à celle  d’octobre 2007.  De plus, chacun murmure, dans les cercles informés, qu’il faut s’attendre à bien d’autres  tsunamis : sur les crédits immobiliers privés, sur les  cartes de crédit, et  sur  l’immobilier commercial.   

     Pour y répondre,  les Etats-Unis, dans un pari fou,  investissent l’argent qu’ils n’ont pas dans les secteurs de pointe. Et la Chine, dans un pari tout aussi audacieux, abandonne tout espoir d’une reprise de ses exportations vers l’Amérique et investit, dans une relance gigantesque,  20% de son PIB en infrastructures internes.

      L’Europe, face à cela, ne fait rien. Paralysée par son histoire et par ses prudences, elle préfère croire que la crise va se régler d’elle-même. Ayant tout misé sur une réforme de la gouvernance mondiale, dont la comédie de Londres n’a naturellement pas accouché, elle semble désormais attendre que le marché sorte de sa poche un remède miracle.   Privée de dirigeants audacieux à Bruxelles , l’Union ne se donne  aucun moyen nouveau ni pour protéger ses banques, ni pour relancer ses secteurs de pointe.  2008 et 2009 resteront comme les années du néant européen. L’euro lui-même ne résistera pas à un tel choc.

    Il est temps pour la France de comprendre que, à ce rythme là, le pire est  presque certain : un marché immobilier en baisse  ; une surcapacité de production dans les grands secteurs ;   une récession en  2009,   2010, et même de 2011 ; le chômage dépassera les 3,5 millions de personnes ;  le déficit budgétaire atteindra , malgré tous les maquillages, les 8 ou même les 10 % du PIB,  à moins d’augmenter massivement les impôts, ce qui sera de plus en plus  difficile, avec l’approche des élections présidentielles ; les  élites scientifiques et  techniques  se révolteront ou partiront,   écœurées par la révélation des fortunes  faites  dans la finance .

      Il faut affronter une réalité difficile, la répéter tous les jours, jusqu’à ce qu’on la comprenne :   Si le pouvoir politique  n’agit pas massivement, de façon véritablement révolutionnaire, la récession  est là pour au moins dix ans ; elle  débouchera sur un décrochage de l’Europe et  de la France, à jamais distancées par les pays qui auront compris l’importance des révolutions en cours.

    Agir,  c’est donc  relancer massivement l’industrie par des dépenses clairement ciblées sur les secteurs d’avenir : la santé, l’énergie, l’agriculture, les infrastructures, l’environnement, les nouveaux matériaux, les logiciels, les nanotechnologies, les neurosciences, les services de pointe et les industries culturelles.  Et pour cela augmenter significativement les salaires des chercheurs, des professeurs, des médecins, des ingénieurs, c'est-à-dire de   tous ceux, qui par leur créativité apportent aux pays. Au détriment, si nécessaire, des revenus et des privilèges  de ceux qui les dirigent,  les financent ou les distraient.  C’est accepter provisoirement des déficits ciblés pour financer ces dépenses d’avenir. C’est   promouvoir de nouveaux modèles d’entreprises, plus  soucieux du long terme, et proches de ceux des ONG et des services publics ; c’est  orienter la finance vers la prise de risque dans les secteurs de long terme, et non vers le profit pour compte propre.   

      Ce  n’est pas d’un nouveau plan de relance que nous avons  besoin, mais d’une véritable prise de conscience des urgences  culturelles et politiques. Et en particulier  d’une remise en cause radicale de la  répartition des pouvoirs entre ceux qui créent et ceux qui financent, condition, une fois de plus, de notre survie. 

    j@attali.com

    Attali jacques 


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