• Le point de vue de NOURIEL ROUBINI

    Menaces sur la reprise économique  

    La montée des déficits budgétaires et de l’endettement public fait peser un risque sur nombre d’économies avancées. Une menace qui était dans le passé celle des pays émergents. L’abaissement de notations, l’accroissement des différentiels de taux d’intérêt et la contre-performance d’enchères de bons du Trésor de pays tels que le Royaume-Uni, la Grèce, l’Irlande et l’Espagne montrent bien que les investisseurs, les autorités de surveillance des marchés obligataires et les agences de notation pourraient encore durcir leur position. A moins qu’ils assainissent leurs finances publiques.Les conséquences de la sévère récession et de la crise financière ont été plus lourdes pour les pays qui n’ont pas pris de mesures visant à corriger leur déficit budgétaire structurel pendant les années de croissance. En outre, une faible reprise économique combinée à un vieillissement de la population menacent d’alourdir le fardeau de la dette dans de nombreux pays industrialisés : Etats-Unis, Royaume-Uni, Japon et certains pays de la zone euro.La monétisation des déficits budgétaires est également en passe de se généraliser de façon inquiétante dans de nombreuses économies avancées au fur et à mesure que les banques centrales gonflent la base monétaire en achetant une pléiade de bons du Trésor à court et à long termes.La stimulation budgétaire est en fait une entreprise risquée. Que les politiciens le fassent ou non, de toute façon, ils risquent d’échouer. S’ils suppriment les mesures de relance trop tôt en augmentant les impôts, en réduisant les dépenses et en absorbant le surplus de liquidités, l’économie pourrait bien retomber dans la récession et la déflation. Mais, si la monétisation des déficits budgétaires se prolonge, l’augmentation des taux sur les bons du Trésor à long terme étouffera une croissance économique déjà fragile.Sous la pression des marchés, des pays comme la Grèce, le Royaume-Uni, l’Irlande, l’Espagne et l’Islande, ont dû prendre plus tôt des mesures de consolidation budgétaire. Et en dépit du risque de ralentissement économique, le gain en termes de crédibilité de ces pays sur les marchés financiers peut empêcher une violente augmentation des taux d’intérêt.Pour les pays du « Club Med » de la zone euro – Italie, Espagne, Grèce et Portugal – les soucis de dette publique s’ajoutent à une perte de compétitivité sur le planinternational.Depuis la forte hausse de l’euro, le problème de compétitivité se pose avec davantage d’acuité, réduisant la croissance et renforçant les déséquilibres fiscaux encore plus. Donc, la question est de savoir si les membres de la zone euro souhaitent entreprendre une correction budgétaire douloureuse, doublée d’une dépréciation réelle interne par le biais de la déflation et des réformes structurelles pour augmenter la croissance de la productivité et éviter un résultat du style de celui survenu en Argentine. Les pays tels que la Lettonie et la Hongrie ont déjà fait preuve de bonne volonté. Reste à voir si la Grèce, l’Espagne et d’autres membres de la zone euro souhaitent accepter des ajustements déchirants.Les Etats-Unis et le Japon pourraient être les derniers touchés par la colère des marchés : le dollar est la principale monnaie de réserve dans le monde et l’accumulation des réserves de change – en bons et obligations du Trésor américain pour la grande partie – continue de monter en flèche. Le Japon est un créditeur net qui finance lui-même la plupart de sa dette.Pourtant, si l’indispensable assainissement des finances publiques est retardée, les investisseurs se montreront de plus en plus prudents, même avec ces pays. Les Etats-Unis ont un statut de débiteur net avec une population vieillissante, des dépenses budgétaires non financées en matière de sécurité sociale et de soins de santé, une reprise économique anémique et les risques d’une monétisation soutenue du déficit fiscal. Le Japon vieillit encore plus vite, la stagnation économique amenuise l’épargne, tandis que sa dette publique se monte à presque 200 % du PIB.Aussi, les Etats-Unis sont confrontés à des contraintes politiques quant à l’assainissement de leurs finances publiques : ils se bercent d’illusion lorsqu’ils pensent pouvoir bénéficier de dépenses sociales à l’européenne tout en maintenant des taux d’imposition bas, comme à l’époque de Ronald Reagan. Au moins, les électeurs européens sont d’accord pour payer des taxes plus élevées en échange des services publics.Si les démocrates perdent les élections à mi-mandat en novembre aux Etats-Unis, le risque de déficit fiscal permanent sera important, puisque les républicains s’opposent à l’augmentation des impôts tandis que les démocrates s’opposent à la réduction des dépenses. Monétiser les déficits fiscaux deviendrait alors le chemin de la résistance minimum : faire marcher les planches à billets est bien plus simple que d’opérer des réductions de déficit douloureuses d’un point de vue politique.Mais, si les Etats-Unis utilisent l’inflation comme moyen de réduction de la valeur réelle de leur déficit, le risque d’un écroulement chaotique du dollar américain augmenterait de manière significative. Les créanciers étrangers de l’Amérique n’accepteraient pas la réduction drastique de la valeur réelle de leurs actifs en dollars qu’une dévalorisation de cette devise entraînerait par le biais de l’inflation et la dévaluation. Une ruée désordonnée vers la sortie pourrait mener à la chute du dollar, une flambée des taux d’intérêt à long terme et une graverécession en W.

    Nouriel Roubini est professeur d’économieà la Stern School of Business de l’universitéde New York.

    Cet article est publié en collaborationavec Project Syndicate, 2010


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  • Travailler plus……….les chiffres

    Les durées annuelles de travail dans le monde


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  • Le point de vue de l'agence économique et financière Reuters Breakingviews

    L'endettement des ménages chinois, une bombe à retardement

                La Chine a-t-elle les moyens de faire face à l'essor d'une bulle du crédit ? Cette question peut sembler étonnante, car on reproche souvent à ce pays son taux d'épargne trop élevé. Pourtant, les ménages chinois sont de plus en plus nombreux à s'endetter pour acquérir des biens dont les prix gonflent rapidement, comme celui des logements.

    Le volume des crédits accordés aux ménages a bondi de 43 % en 2009 pour atteindre 1 200 milliards de dollars (850 milliards d'euros). Les deux tiers de cette progression sont imputables aux crédits immobiliers. Certes, aujourd'hui, il n'y a pas de raison de s'inquiéter : après tout, la dette des particuliers ne représente qu'un tiers de leurs dépôts ; leur solvabilité est donc assurée.

    Toutefois, les inégalités de revenu, toujours plus importantes en Chine, font que ceux qui épargnent... ne sont pas ceux qui empruntent. Selon les statistiques officielles de revenu et de consommation, le taux d'épargne moyen des ménages était de 28 % en 2008. Certes, les données du Fonds monétaire international indiquent que les riches épargnent plus que leurs compatriotes moins privilégiés. Mais les économies des premiers ne contribueront en rien à rembourser les traites des pauvres qui se sont endettés pour acheter un logement.

    Ce qui n'est encore qu'un phénomène mineur pourrait se muer en une crise majeure. L'encours des crédits aux ménages équivaut à moins de 30 % du produit intérieur brut (PIB), mais au train où vont les choses, la proportion passera à 70 % d'ici trois ans, pour se rapprocher sérieusement des 80 % observés aux Etats-Unis.

    Formation d'une bulle

    Les emprunts étant gagés sur des biens surévalués comme les logements, ce sont les banques qui devront encaisser le choc en cas de défaut des débiteurs. Elles ne seront peut-être même pas en mesure de récupérer les actifs mis en garantie, puisque la législation leur interdit de priver les primo-accédants de leur domicile. C'est ainsi que l'on peut voir les ménages s'endetter à tout-va, sans avoir à se soucier des conséquences.

    La croissance accélérée de la dette privée est un des symptômes qui signalent la formation d'une bulle. Or, lorsque la bulle immobilière japonaise a éclaté, au début des années 1990, le pays a subi ensuite deux décennies de purge. Les autorités chinoises commencent bien à évoquer l'idée de contenir la progression du crédit. Puissent-elles saisir le Dragon par les cornes avant qu'il n'échappe à leur contrôle...

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    Wei Gu


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  • Loin des 1/3, 1/3,1/3 Mais une bonne chose la part de l'investissement


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  • La cohérence perdue des salaires des patrons

    JEAN GATTY ET MARTIN HIRSCH

    JEAN GATTY EST PRÉSIDENT D'UNE SOCIÉTÉ DE GESTION DE PORTEFEUILLE ET MARTIN HIRSCH, HAUT-COMMISSAIRE AUX SOLIDARITÉS ACTIVES CONTRE LA PAUVRETÉ.

    On admet communément un lien simple entre la compétitivité d'une économie et le niveau des salaires. Pour qu'une économie soit compétitive, il faut que le coût du travail des personnes les moins qualifiées soit faible mais que l'on puisse attirer les meilleurs dirigeants, avec les plus hautes rémunérations. Pour caricaturer, plus les bas salaires seraient bas et plus les hauts salaires seraient hauts, plus l'économie serait compétitive. La France se targue ainsi au cours des dernières années d'avoir rattrapé son retard, en ayant permis aux patrons du CAC 40 de rejoindre, voire dépasser les niveaux salariaux de leurs homologues américains ou européens. Ils n'auraient plus à rougir du niveau « ridicule » de leur rémunération. Ils seraient donc désormais reconnus à leur juste (et haute) valeur. Et la politique fiscale a été conçue pour que ce qui est vrai avant impôt le demeure après. On utilise à cet égard la même justification pour les patrons que pour les vedettes de club de football.

    Depuis la faillite de la banque Lehman Brothers et la crise qui a suivi, le débat sur les rémunérations excessives s'est focalisé sur les stock-options et les bonus. Avec l'adoption de règles reposant sur un principe implicite : peu importe le niveau des rémunérations, qui peuvent être très élevées, pourvu que leur évolution suive la performance de l'entreprise, à court et à moyen termes. Celui qui contribue à améliorer la performance d'une entreprise peut prétendre à une part élevée du gain qu'il a suscité. C'est pourquoi des règles plus saines pour l'attribution des bonus et des stock-options seraient censées remettre le capitalisme sur de bons rails.

    L'analyse de la rémunération des patrons des 90 sociétés qui composent l'indice représentatif des « petites » capitalisations françaises (le Small 90), avec un chiffre d'affaires moyen de 375 millions d'euros, montre toutefois que le capitalisme français reste loin du compte. Leurs patrons sont presque exclusivement des hommes (3 femmes sur 90 !) dont la rémunération médiane (fixe + variable) s'est élevée à 299.000 euros en 2008. Seulement 13 % d'entre eux ont reçu des stock-options ou des actions gratuites cette année-là. Surprise troublante : moins l'action de l'entreprise a progressé depuis 2001, plus le patron a gagné d'argent en 2008.

    Qu'on en juge, en ayant à l'esprit qu'un portefeuille composé de l'ensemble de ces sociétés (l'indice) s'est apprécié de 54 % sur la période analysée. Les 9 actions qui ont le plus progressé depuis 2001 (+ 640 % d'appréciation moyenne) sont celles des 9 patrons les moins bien payés (203.000 euros en 2008) Et les 9 actions suivantes, pour leur gain au cours de la même période (+ 160 %) correspondent au deuxième groupe des patrons les moins bien rémunérés (236.000 euros en 2008). A l'autre extrême : les 9 actions les moins performantes (76 % de dépréciation moyenne depuis 2001) sont celles des 9 patrons les mieux payés en 2008, avec 675.000 euros en moyenne. Et le deuxième groupe des actions les moins performantes (-54 %), rassemble le deuxième groupe des patrons les mieux payés (438.000 euros ).

    Le constat est sans appel : dans ces entreprises représentatives des petites sociétés cotées françaises, à quelques exceptions près, le niveau de rémunération des patrons est inversement proportionnel à la création de valeur pour l'actionnaire.

    Cette déconnection entre les rémunérations et les performances apporte un nouvel éclairage à un problème réel. Comment admettre qu'un dirigeant soit aussi nettement mieux payé que ses pairs, alors que les actionnaires se sont appauvris ? Comment comprendre qu'au nom de la rentabilité exigée par les actionnaires on demande à la quasi-totalité des salariés d'une entreprise de faire des efforts et de modérer leurs demandes d'augmentation de salaire si le premier d'entre eux perçoit une rémunération sans rapport avec le service qu'il rend aux actionnaires ?

    Cette analyse révèle probablement aussi un problème de gouvernance. Car la quasi-totalité des entreprises dans lesquelles nous observons cette corrélation inverse et choquante dit respecter les prescriptions du code de gouvernement d'entreprise élaboré par l'Adep et le Medef. Comment peut-on qualifier de bonne gouvernance un système qui déconnecte de manière aussi systématique la rémunération des dirigeants de celles de la performance boursière de l'entreprise ?

    Au moment où plusieurs enquêtes sont réalisées pour savoir si différentes professions se sentent payées à leur juste valeur (enseignants, médecins, entrepreneurs...) voilà une catégorie au sein de laquelle il y a une manière partielle mais objective de répondre à la question. Il n'y a pas de logique de valeur dans l'échelle des rémunérations des dirigeants des 90 entreprises étudiées.

    On peut aller plus loin et passer des petites sociétés cotées à la société tout entière. Certaines rémunérations ont flambé dans une période où la croissance était faible et où la pauvreté avait cessé de reculer. C'est ce qui nous avait conduits, en 2005, dans le rapport qui proposait la création du RSA, à proposer de « solidariser » les hautes rémunérations aux performances sociales de l'économie. Dans la nouvelle équation sociale, nous écrivions que la part variable des principaux dirigeants d'entreprises pourrait tenir compte à la fois des résultats spécifiques de l'entreprise et d'autre part d'indicateurs sociaux de la nation (précarité, pauvreté, activité). A l'époque, cela avait fait sourire !

    Si la rémunération d'un dirigeant d'entreprise doit être fonction de la valeur qu'il crée pour les actionnaires, alors cette règle n'est manifestement pas respectée. S'il y a d'autres valeurs que la valeur boursière qui justifient les hautes rémunérations de certains dirigeants -un meilleur service rendu à la société tout entière, aux salariés, aux clients ? -leur existence ne va pas de soi et devrait être démontrée et mesurée. Il y a donc encore beaucoup à faire pour remettre de la logique, du bon sens, de l'ordre et de la justice dans les rémunérations des dirigeants d'entreprise. Pas seulement au nom d'un impératif moral, mais au nom de l'efficacité économique et sociale. Un beau chantier pour 2010.

     


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