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  • Vive l’impôt !

    S’il est légitime et nécessaire de s’interroger sur l’avenir à long terme du « système » (voir mon post du 22 février), il est non moins indispensable de trouver à court et moyen terme d’importantes ressources financières pour faire face aux grandes urgences : chômage, dette publique, pauvreté, retraites et protection sociale, investissements de la durabilité.

    Or, dans l’immédiat, la solution la plus réaliste et la plus efficace est de prendre l’argent où il se trouve, par dizaines de milliards, du côté des privilèges de la ploutocratie, du pouvoir exorbitant de la finance, des profits non ou mal réinvestis et des injustices fiscales croissantes. C’est possible, sans toucher aux revenus de la grande majorité. L’idée selon laquelle « il n’y a pas de cagnotte cachée » doit être dénoncée, d’autant qu’il ne s’agit pas d’une petite cagnotte mais de ressources énormes.

    Nos amis d’Alternatives économiques avaient fait un calcul simple dans le numéro d’octobre 2009. La débauche de cadeaux fiscaux (dont les plus riches ont bénéficié en priorité) opérée entre 2000 et 2010 représente une perte annuelle de ressources publiques de 82 milliards d’euros (les recettes de l’état sont passées de 18,3 % à 14,1 % du PIB !). Et, ajoute l’auteur, Guillaume Duval, « contrairement à une idée répandue, cette chute est très loin d’être compensée par la montée des impôts locaux : la recette de ces taxes, par ailleurs très injustes car non progressives, n’a augmenté dans le même temps que de 4,6% à 5% du PIB ». Là se trouve la principale explication de la dette publique, avec probablement une volonté de mener une sorte de « stratégie du choc » à la Noami Klein pour faire accepter des réformes libérales. Sauf qu’à la place d’un choc brutal, il s’agit d’une longue succession de mesures de destruction graduelle.

    Parmi les modalités de cette politique délibérée de perte de recettes, on trouve les niches fiscales, sport national qui n’a pas attendu les années 1990 pour être pratiqué, le plus souvent à l’avantage des plus riches. Nombre de niches : 509 (dont 200 concernent des dérogations au seul impôt sur le revenu qui perd ainsi 39 milliards de recettes en 2008). Montant total des « pertes » publiques : 73 milliards d’euros par an. Certaines de ces niches sont des déductions justifiables au nom de l’intérêt général. La plupart non. C’est sans doute pour cela que leur « efficacité » n’est jamais évaluée, alors que fleurit le discours sur l’exigence d’évaluation de toutes les actions publiques…

    Ces calculs n’intègrent pas les pertes de ressources de la Sécu liées aux réductions, suppressions ou abattements de cotisations sociales décidés depuis les années 1990, soit-disant au nom de l’emploi. Or les évaluations existantes de leur impact sur l’emploi sont pour la plupart décevantes ou négatives, (avec quelques exceptions) en raison de l’importance des « effets d’aubaine ». Leur montant est lui aussi énorme : il dépasse désormais 30 milliards d’euros de pertes de recettes par an. On pourrait en récupérer la moitié et faire bien mieux pour l’emploi. Le salaire brut annuel moyen en France est de l’ordre de 25 000 euros (à temps complet). 15 milliards équivalent donc à 600 000 salaires moyens. Certes, le financement d’un poste est supérieur à celui d’un salaire, mais quand même.

    Mais on peut aller plus loin que cette comparaison entre la situation actuelle et celle de 1999 (pour la fiscalité) ou celle des années 1990 (pour les cotisations sociales), car ces situations antérieures récentes étaient déjà marquées par d’innombrables avantages pour les plus riches et pour les entreprises (surtout les grandes), et par des pratiques douteuses ou illégales d’évasion fiscale et de fraude. La fraude fiscale coûterait, selon Éric Woerth lui-même, 30 milliards par an. L’évasion dans les paradis fiscaux représenterait entre 30 et 40 milliards d’euros par an. La frontière entre ces deux catégories est floue. Certes, il ne s’agit pas de sommes récupérables intégralement à court terme, mais une partie pourrait l’être.

    Ce n’est pas tout, s’agissant des ressources auxquelles il faut penser. La France est au troisième rang mondial des dépenses militaires (après les Etats-Unis et la Chine) : le budget de la défense se monte à près de 50 milliards pour les seuls crédits de paiement. C’est 50 % de plus que l’Allemagne en dépenses par habitant. Faut-il se féliciter de notre médaille de bronze mondiale ? Serions-nous plus en danger que d’autres ?

    Ainsi, trouver très vite, sans invoquer la croissance, AU MOINS 80 milliards d’euros de recettes publiques annuelles en plus (4 points de PIB), vu tout ce qui précède, ce n’est pas un problème économique. C’est possible sans s’en prendre aux catégories populaires, aux revenus modestes, et même aux « classes moyennes ». Bien au contraire, elles seraient les grandes bénéficiaires d’une telle redistribution.

    L’acceptabilité politique de telles mesures de sauvegarde, dans un contexte où la droite continue à diaboliser l’impôt comme si c’était une ponction amère, dépend de la clarté des engagements. Il doit être clair que les recettes attendues viennent de l’abolition des privilèges fiscaux, des très hauts revenus, des bénéfices et rendements financiers hors normes, d’une taxe Tobin et de taxes écologiques justes et progressives que je n’ai pas évoquées ici. Et il doit être clair que ces recettes sont utilisées pour améliorer la vie de la grande majorité, dans une perspective durable. Le problème fiscal est d’abord celui de la justice fiscale et de la progressivité de l’impôt, très malmenées depuis 30 ans.

    IL N’Y A PAS QUE LA REDISTRIBUTION

    Utiliser la fiscalité, la cotisation et la dépense publique, c’est bien, c’est nécessaire, et c’est le plus efficace à court et moyen terme, mais cela laisse de côté la distribution initiale des « revenus primaires », salaires et profits, avant intervention de l’impôt. Or elle est devenue de plus en plus injuste. On n’est plus ici dans le court et moyen terme que permet la taxation, mais dans le moyen/long terme du combat contre la « profitation ».

    Le partage de la valeur ajoutée des entreprises privées a évolué en défaveur des salaires et en faveur des profits. Sans prendre une position argumentée et forcément très technique dans le débat (utile) entre ceux qui évoquent un recul de 10 ou 11 points de PIB et ceux qui disent qu’en France cette baisse est minime, je tendrais à suivre Frédéric Lordon dans son estimation (« La crise de trop », chapitre 4). Il est réaliste de viser à « récupérer » (pour les salaires et la protection sociale correspondante) environ 5 points de PIB. Disons 80 à 100 milliards d’euros. S’agissant des seuls dividendes, dont on aura du mal à justifier l’énormité au nom de la santé économique, Lordon indique que leur montant est passé de 3,2 % du PIB en 1982 à 8,5 % en 2007 : les cinq points y sont !

    Il y a bel et bien des « trésors cachés », au sens de ressources économiques considérables dont on ne parle pas aux citoyens. Il faut en parler. Et, bien entendu, parler aussi des meilleurs usages à en faire.
     

    On ne le dit pas assez, mais nous pouvons inverser les choses. L’argent existe. En mettant bout a bout tout, largement de quoi éradiquer la pauvreté, financer la sécurité sociale, les retraites,….Mais pour cela il faut un pacte social à mon sens………Encore que les 1% des plus riches ne se posent pas de questions, ils prennent, font de la « prédation » comme le disent quelques auteurs ( Daniel Cohen, Lordon, Jorion,  Jean de Maillard - montre comment « la fraude » accompagne ce système- )

    Relisez sur ce blog leurs textes, etc..pour ne parlez que des français.

    Et puis n’oubliez pas André Orléans et regardez bien le graphique de l’évolution de la richesse aux Etats-Unis (nous n’en sommes pas loin).
    C’est le bon sens, car une société de plus en plus inégalitaire ne pourra rien amener de bon……


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  • Le grand débat

     par Jacques Attali

    Ce qu’il y a de formidable, entre autres, dans la démocratie américaine, c’est qu’elle sait parfois transformer une discussion politicienne houleuse en un débat constitutionnel de haute volée.  Et les questions budgétaires en ont fourni quelques très beaux prétextes.

     Cela commence avec  les pères fondateurs de la constitution américaine , qui, à la fin du 18ème siècle, se sont disputés  pour savoir s’il fallait ou non inscrire dans la constitution américaine  l’obligation de faire financer les dépenses publiques    par la génération qui en bénéficie (Jefferson, alors ambassadeur à Paris, avant de devenir président,  partisan de rembourser toute dette publique en moins de 19 ans,  s’opposait à Madison, alors député dans l’amorce du Congrès,  lui aussi avant de devenir président,  convaincu que la dette publique est un financement normal des dépenses d’avenir ). 

    Cette question revient aujourd’hui d’actualité,  avec un débat passionnant, suscité par la réforme de santé du président Obama.

    Refusant de jeter les armes, après le vote du Congrès, les Républicains ont entrepris plusieurs manœuvres pour faire  échouer ce plan   de couverture universelle  de santé (qui couvrira  les  32 millions d’Américains de moins de 65 ans  encore dépourvus aujourd’hui de toute assurance maladie,  alors que les personnes âgées sont  déjà couvertes par le système de Medicare/Medicaid).  La plus intéressante critique  vient de   14 Etats  républicains, menés par l’ex gouverneur de Floride,  un certain Jebb Bush, fils de l’un et frère de l’autre.  Ils  prétendent démontrer que cette réforme est inconstitutionnelle, car elle force les citoyens américains à  souscrire une assurance. Or, disent-ils une assurance est un bien privé et nul ne peut être contraint d’acheter un bien privé. Magnifique débat.  C’est même le principal débat entre ce qu’on peut encore  appeler   la gauche et la droite.

    Dans toute société démocratique, le rôle unique de l’Etat est de fournir aux citoyens la sécurité, et, pour cela, de leur faire payer une assurance, qu’on appelle impôt ou  cotisation sociale. La sécurité   des vies  et des biens exigent, pour tous les  partisans de la démocratie,    des armées, des polices, des juges, des prisons, de la diplomatie. Elle exige  aussi, pour certains,  des transports collectifs,  des réseaux d’énergie et de communications. Elle exige enfin, pour d’autres encore,  des moyens publics d’être formés, de trouver un travail, d’être protégés contre les aléas de la vie que sont la maladie, la dépendance, la vieillesse.

      La question est de savoir si une société peut forcer ses membres à considérer ces biens comme publics. Et en particulier, en matière de santé, si elle peut décider que la prime d’assurance est obligatoire. Telle est la seule question qui définit le périmètre de la dépense publique.

    A mon sens, une prime d’assurance peut être obligatoire si celui qui déciderait de ne pas la payer  nuirait aux autres et à lui-même   . Un  citoyen qui  ne paie pas la part de ses impôts allant à la défense  nuit à la qualité de la défense pour tous sans pouvoir assurer sa sécurité à lui seul.  De même, en ne payant pas sa part d’impôt pour la santé, un citoyen, même s’il peut financer seul sa santé, nuit à la santé des autres, en se mettant en situation de ne pas se soigner et d’être contagieux.    

    En France, la montée des  besoins et des déficits nous forcera bientôt à nous poser clairement les mêmes questions. 


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    Oui, mais c’est un pays vieillissant, qui a fait des choix de moins consommer et de s’auto-limiter les salaires. Mais dans vingt ans ?

    On ne peut pas raisonner sans tenir compte de ces paramètres démographiques.

     

    Allemagne

    France

    Population (estimation INED, en millions)

    82,3

    62,9

    Composition de la population (en %)

    Allemands (91,2 %, dont les Allemands anciens expulsés d'Europe centrale après 1945), Turcs (2,4 %), Italiens (0,7 %), Grecs (0,4 %), autres (5,2 %, essentiellement en provenance de l'ex-Fédération yougoslave)

    La France compte 3,5 millions d'étrangers (nés en France, 0,5 million ; ou à l'étranger, 2,8 millions, comptabilisés comme immigrés). Nombre d'immigrés (étrangers et naturalisés) : 4,3 millions, nés à l'étranger dont 1,5 million ayant acquis la nationalité française ; soit 7,2 % de la population totale. Demandes d'asile : 52 877 demandes en 2002, taux d'acceptation de 12,6 % (source : OFPRA).

    Population urbaine

    88 %.

    Les villes les plus importantes sont : Berlin (3 400 000 hab.), Hambourg (1 800 000 hab.), Munich, Francfort, Cologne

    75,5 %. Les agglomérations les plus importantes sont : Paris (aggl. : 9 645 000 hab., environ 3 millions intramuros), Marseille (1 350 000 hab.), Lyon (1 349 000 hab.).

    Densité (hab./km²)

    231

    109,7

    Espérance de vie (années)

    76,3

    80

    Fécondité (nombre moyen d'enfants/femme)

    1,3

    2,1

    Taux d'alphabétisation (%)

    100

    100

    Croissance démographique annuelle (%)

    - 0,1

    0,4


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